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Billet de blog 9 mars 2025

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Vidéos "historiques " à la mode sur le racisme et l'antiracisme.

Sur You tube, la chaîne Histoires crépues affiche son programme : "Ici, on parle d'histoire coloniale". Le propos est documenté. Cependant, il recourt presque exclusivement à la notion de racisme pour tout expliquer. Voici ma réaction à la vidéo dédiée aux discours de F. Bayrou sur ce qu'il a nommé "sentiment de submersion". Elle s'intitule : "Le racisme ''bienveillant" des politiques français".

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En lisant le titre de la vidéo, je ne savais pas à quoi m'attendre... Vous proposez une définition de racisme comme idéologie résultant d'une domination coloniale. Sur le processus, pas de problème de fond, même s'il peut être affiné ( chronologie occidentale ) : premiers dessins aux traits antisémites au XIIe siècle ; mythe du bon sauvage au XVIe s. ; ambivalence historique des références chrétiennes des XVIIe et XVIIIe s., tantôt employées dans un sens fraternel, tantôt dans une démarche esclavagiste en postulant que les Noirs descendraient de Cham, maudit par Noé ; darwinisme social au XIXe s. ... Mais pour quels résultats ?

Le mot racisme étant employé à tous propos, il appelle une définition rigoureuse. Vous le reléguez dans la sphère xénophobe, alors que vous donnez aussi des éléments pour une version xénophile. Chaque fois, il s'agit d'ériger des caractéristiques physiques superficielles ( peau... ) comme des indicateurs d'une supériorité ontologique. Sur cette base, les uns, xénophobes, vouent un culte à la pureté de la race, d'autres, xénophiles, au métissage. Dans l'un et l'autre cas, cela aboutit à une approche anhistorique : au lieu d'expliquer les grandeurs et déclins d'une civilisation au fil des siècles par des facteurs composites, on en retient un, prétendument omnipotent. La maturation des idéologies racistes à la fin du XIXe siècle, quand l'Europe dominait le monde, n'est pas un hasard : c'est l'explication simpliste qui tente de moraliser un processus de domination ; moraliser signifiant ici qu'il s'agit de le présenter comme conforme à un ordre supérieur. Alors que les sociétés industrielles se détachent de Dieu, elles cherchent dans la Nature.

Or votre dissection des prises de parole ( d'actualité, mais peut-être pas les plus pertinentes ; on fait avec ce qu'on a... ) se complaît dans un tel simplisme ; malgré des nuances de posture plus que de fond. Outre le racisme et l'antiracisme ( approche trop mono-factorielle à mon goût ), une autre dimension fondamentale de ce débat socio-politique doit être invoquée : la loi. Qui la fait ? Pour qui ? Comment ?... Les groupes humains ne sont pas un magma livré au hasard des forces qui les projettent. Ils se donnent des chefs, des porte-parole, ont des stratégies, des intérêts plus ou moins bien compris ( et nommés ) dans des luttes de pouvoir... Le Vatican compte 100 % d'immigrés, mais les formes du pouvoir y sont presque par définition incontestées. Non la question du "seuil" n'est pas la seule. Des pays neufs d'Océanie comptent souvent plus d'un immigré pour cinq habitants ( contre environ 1/10 en France ), dans le cadre d'une immigration choisie infiniment plus stricte que tout ce qui est pratiqué en Europe ; et d'une politique beaucoup plus brutale à l'encontre des candidats à l'immigration clandestine.

Critiquer la pertinence de "l'universalisme national" de la France, qui servirait de masque à ce racisme bienveillant, c'est assez simple : l'intitulé suffit. En revanche, les débats mémoriels étudiés par les historiens montrent bien que ceux qui tentent de proposer des discours alternatifs procèdent de logiques identitaires ( dont communautaristes et anticoloniales ) qui se radicalisent. Si l'on joint une immigration de masse à des provenances préférentiellement de pays où les Français sont dissuadés de voyager par le ministère des Affaires étrangères ( carte régulièrement mise à jour sur son site ), au risque de prises d'otage et de toutes sortes de problèmes ; la probabilité d'importer des bras armés hostiles à la France est forte. Les difficultés de gestion qui s'ensuivront seront d'autant plus importantes que le phénomène sera massif plutôt que marginal. A-t-on fait appel à la main d'oeuvre allemande pour reconstruire le pays après 1918 ou 1945 ? On ne choisit pas ses compatriotes parmi ses ennemis.

Personnellement, je crois que c'est en refondant une citoyenneté de droits et devoirs que l'on peut remettre les points sur les i, pour déterminer qui sert ou non... Quoi ? L'Etat ? La nation ?... Chaque problème en son temps. Mais dans le débat politique actuel, ceux qui connaissent le principe "les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune" en sont réduits à choisir entre la peste et le choléra.

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