La vidéo est accessible ici : https://www.youtube.com/watch?v=vu_wohYLUbI
Pour faire bref, je conçois que des chercheurs amplifient l'importance de leurs travaux et découvertes ; soit par intérêt, soit par "passion". En revanche, l'observateur extérieur qui livre une expertise critique doit être apte à recadrer leurs conclusions, leurs apports et leurs limites. En théorie, C. Viktorovitch a reçu la formation pour cela. En pratique, il se livre à un cabotinage indécent et souvent absurde.
On parle souvent de "démocratisation", ici des savoirs, en postulant de manière implicite le mépris du peuple. Rendre débile un débat complexe, ce n'est pas le mettre à la portée de tous, c'est pervertir la souveraineté populaire dans ses principes et fonctions. Peut-être est-ce l'erreur de départ, mais d'autres pistes semblent pertinentes pour aboutir à une telle mascarade. Les vidéos youtube ont leurs codes, qui incluent les grimaces et autres singeries. Peut-être cherche-t-il simplement à vendre au maximum, son propos étant dévoyé par goût du lucre ou de la mise en scène, par vénalité ou narcissisme. Reste enfin la constante de ses vidéos : le militantisme, ci-après qualifié de grégaire. Quels que soient les bénéfices de l'engagement contradictoire dans les affaires de la Cité ; dans la voie scientifique, les œillères partisanes mènent la pensée au tombeau.
Bref, voici le commentaire, lequel répond à la réaction suivante: "Je suis étudiant en histoire à Nantes, John Tolan n'a rien d'un islamiste et est très intéressant à écouter en conférence"
Pour ma part, j'ai consacré plus d'un quart de siècle aux sciences humaines. Je ne me prononce pas sur le chercheur que vous connaissez, et suis tout disposé à croire qu'il puisse être très intéressant à écouter, même si l'extrait que j'ai entendu ici me laisse entendre qu'il faut faire du tri dans son propos.
Une ou deux réflexions me viennent face à ce projet. Premièrement, ce n'est pas le premier travail historique qui tend à donner une place disproportionnée à l'islam dans la Chrétienté ( pour info, le terme "Europe" disparaît de Louis le Gros à Louis XIV dans les sources européennes ). Cela m'a très tôt interpelé, au début des années 2000, mais à l'époque, les titres étaient d'authentiques titres d'ouvrages de sciences humaines. Autrement dit, si l'auteur avait titré "Coran européen" au lieu de "Coran en Europe" pour mieux vendre, il se serait discrédité. Impensable, mais aujourd'hui toléré par des commentateurs comme celui qui a produit cette vidéo ( sur lequel je reviendrai ).
Deuxièmement, bien entendu, les chercheurs sont enclins à amplifier l'importance de leur sujet de recherche, et peuvent bénéficier de l'appui de circonstance de militants tel que celui que nous entendons ici. Mais quand j'entends que le Coran jouait un rôle "central" dans la Chrétienté médiévale ( 8'32'' ), je suis abasourdi par tant d'idiotie. J. Le Goff disait du Moyen Âge qu'il avait été, pour le meilleur et pour le pire, totalitaire. En cela, il évoquait l'emprise de l'Eglise sur l'espace, le temps et, plus ou moins, les consciences. Néanmoins, il s'agissait d'une superstructure ( pour reprendre une terminologie marxiste désuète ). La structure de base, au cœur de cette Chrétienté médiévale, c'était la terre : sa propriété, sa mise en valeur... Avant même d'être chrétienne, la culture médiévale la plus largement partagée et profondément ancrée était paysanne.
A mesure que j'écris en recherchant dans la vidéo les éléments qui m'ont fait décrocher, il est difficile de ne pas pointer le rôle de l'auteur de cette vidéo dans le discrédit de son propos. Ses ricanements et louanges sont totalement dictés par l'impératif grégaire de prendre position, cela tout en affichant une ignorance crasse des enseignements les plus élémentaires qu'un lycéen, voire un collégien, devrait connaître. C'est en cinquième que l'on endoctrine les élèves avec "La Méditerranée, espace de contacts" ; ce qui n'est pas faux, mais occulte allègrement l'espace de conflits. Cela n'a déjà laissé aucune trace dans son esprit, ou uniquement le minimum requis pour accréditer niaisement toute confirmation plus ou moins fondée. En outre, oui, le courant orientaliste a été puissant dans l'Occident moderne ( Lettres persanes, Zadig... ), et il n'y a rien d'extraordinaire à ce qu'il ait par la suite influencé à la marge le romantisme. Reste à hiérarchiser les informations et à ne pas perdre de vue que le romantisme puise surtout ses racines dans le contexte culturel européen qui l'a vu naître, aucunement dans une inspiration qui l'a enrichi sans l'avoir engendré.
Certes, l'ignare* sort un peu moins ignare d'avoir collecté des informations, mais il n'a pas l'intelligence requise pour les traiter pertinemment, ce qui implique, pour commencer, de les classer et hiérarchiser ; reste ensuite à les confronter aux connaissances établies par ailleurs... Tout au plus est-il apte à manifester son approbation de ce qui va dans le sens de ses préférences. Un scientifique a plutôt vocation à valoriser ce qui rend justice au réel. Que ces subventionnés aient sortis des livres comme des saucisses, j'en suis très content pour eux. Avec près de 10 millions de fonds, ils peuvent en effet être productifs. Sans financements, j'ai publié pas mal de choses depuis un an, et beaucoup à faire paraître quand j'en aurai le temps. Présentement, c'est l'absence de financement qui me ralentit. Autrement dit, à leur décharge, l'intensité des parutions montre qu'au moins ils ne prennent pas l'argent pour partir en vacances. En revanche, à charge, cela confirme le caractère propagandiste de ce programme européen fort éloigné des technologies de pointe.
Le soutien de ce militant de bas étage est le meilleur argument que puissent trouver les opposants à ce programme européen, lui-même desservi par les outrances mercantiles, voire idéologiques, de ses chercheurs pensionnés. Rôle "central"... Il va me falloir toute la journée pour m'en remettre !!
* C. Viktorovitch.