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Judith Bernard

Metteuse en scène, enseignante Culture Audiovisuelle et Artistique en BTS audiovisuel, directrice du site Hors-Série

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Billet de blog 13 juin 2014

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Le public et le Public : d'un théâtre fait par les gens, sans les institutions.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est l’histoire d’une rencontre entre la philosophie, l’économie, et le théâtre. Et les gens.

La première articulation se fait entre Marx et Spinoza ; Frédéric Lordon en est l’entremetteur, combinant les concepts du philosophe des passions et de celui du Capital pour proposer dans Capitalisme, désir et servitude, Marx et Spinoza (La Fabrique, 2010), un bouleversant essai sur les passions qui nous jettent dans le travail.

Puis vient la deuxième articulation : je rencontre Frédéric Lordon pour débattre de son texte dans le cadre de mon émission littéraire sur le site d’Arrêt sur images, et la même fulgurance nous traverse - une telle méditation sur ce qui nous mobilise appelle le mouvement des corps, vraiment. Le livre appelle la scène, l’écrit réclame les cris, et me voilà écrivant : une adaptation de Capitalisme, désir et servitude, pour le théâtre. Cela s’appelle Bienvenue dans l’angle Alpha – cet angle Alpha que Frédéric propose pour conceptualiser notre capacité de résistance, la dissidence que nous opposons au grand vecteur dominant de l’ordre néo-libéral.

A ce stade, c’est un projet de spectacle ; j’ai la troupe, une compagnie bien rôdée avec laquelle j’œuvre dans l’enthousiasme depuis des années, et aucun budget comme toujours : depuis plus de dix ans que la compagnie fait ses preuves et de beaux succès, l’institution s’est toujours refusée à nous allouer le moindre centime de subvention.

Et ce n’est pas grave : précisément parce que ça fait plus de dix ans que nous avons fait les preuves de notre engagement, de notre détermination, de la qualité de nos propositions artistiques, nous sommes soutenus – par les gens. Les gens ordinaires, qui viennent voir nos spectacles, les revoir, et en veulent d’autres encore.

Ce sont ces gens-là qui ont financé les premiers éléments indispensables à la préparation du spectacle : via le financement participatif, sur Ulule, la compagnie a réuni de quoi louer une salle de répétition, et de quoi fabriquer l’échelle rouge, un peu géante, un peu magique, qui nous tient lieu de décor et de métaphore à tout jouer.

Les gens, ce sont aussi les directeurs de théâtres privés : ils n’ont pas le snobisme du secteur public, et programment ce qui leur vient, quand ils ont confiance. Ils connaissent notre travail, savent qu’on remplit les salles et qu’on fait beaucoup parler de nous ; il nous programment. Dans des conditions économiques redoutables (tout le risque est pour nous, minuscule compagnie, c’est flippant, mais comme nous remplissons, ce n’est pas trop grave). Alors on peut jouer, on joue, dans la joie, et beaucoup.

Bienvenue dans l’angle Alpha a vu le jour en janvier dernier sur la grande scène du théâtre de Ménilmontant ; il a fallu deux semaines pour faire connaître notre spectacle, et c’était parti, phénoménal : salle comble, prolongations (et toujours pas de programmation dans le secteur public, à qui peut-être le succès public inspire quelque méfiance). Le spectacle a été vu par près de 4000 spectateurs en deux mois et demi, il a recueilli de superbes critiques dans la presse. Il a trouvé les relais susceptibles de lui donner un peu d’avenir, ailleurs : une date à Melle, l’an prochain, une autre à Namur – et toujours organisées par des citoyens, des militants, des associatifs, des gens. L’institution continue de nous considérer avec un souverain mépris.

Et ce n’est pas grave ; c’est pour les gens que nous jouons, pas pour les institutions. Et, toujours sans elles, nous allons rejouer, à Paris : au Théâtre de la Manufacture des Abbesses, à partir du 17 juin, nous jouerons Bienvenue dans l’angle Alpha tous les soirs à 19h pendant quinze jours, jusqu’au 28 juin. Si vous ne faites pas partie des 4000 spectateurs qui nous ont déjà vus, venez jeter un œil à ce qu’on fabrique. Et même, si vous l’avez déjà vu, n’hésitez pas à revenir : on a changé des choses. C’est d’ailleurs depuis le début un peu notre vocation dans la compagnie : changer les choses. Avec les gens, et sans les institutions. 

Bienvenue dans l'angle Alpha, d'après Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, de Frédéric Lordon. Avec : Judith Bernard, Renan Carteaux, Gilbert Edelin, Benjamin Gasquet ou David Nazarenko, Aurélie Talec. A la Manufacture des Abbesses du 17 au 28 juin 2014, à 19h (relâche les dimanche et lundi). Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris, métro : Abbesses ; réservations ici. Bande annonce là.

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