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Billet de blog 6 mai 2015

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Eric Sadin la vie algorithmique-Série à savoir absolument en tirer conséquences

Transcription de l'émission du mardi 5 mai 2015 Un jour dans le monde - de Nicolas Demorand Big Data ou Big Brother ? la raison du numérique "je dénonce ce qu'on peut nommer précisément une marchandisation intégrale de la vie..." il revient aux sciences humaines, à la philosophie, d'analyser les phénomènes à l’œuvre.

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Transcription de l'émission du mardi 5 mai 2015

Un jour dans le monde - de Nicolas Demorand
Big Data ou Big Brother ? la raison du numérique
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Source :
http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-big-data-ou-big-brother-la-raison-du-numerique
Transcription approximative à compléter :
"
le monde numérique
les traces que nous laissons ne disparaissent pas
masse gigantesque dont on peine à prendre la mesure
eric sadin
écrivain, philosophe "la vie algorithmique - critique de la raison numérique"
livre dense, technique
24 h dans une vie numérique
avenir proche, imaginable
ses gestes disséminent des traces numériques qui témoignent de son comportement en vue de faciliter sa vie, l'optimiser, la rendre plus confortable (supposition)
avoir une couette à bonne température le matin, un thé dont la force a été calculée selon ses habitudes, avoir des renseignements sur l'état de ses dents...
Une vie continuellement assistée par des systèmes dont on dit qu'ils sont intelligents, dotés de capacités interprétatives des situations, mais aussi suggestives
Par exemple, je marche dans la rue, par la géolocalisation, par mes historiques de mon activité passée, me suggère tel magasin de chaussures, de rencontrer telle personne dans tel café. C'est donc une connaissance de mes intérêts. Nous ne sommes plus seulement dans l'âge de la visibilité, de l'accès à une infinité de corpus écrits, sonores, iconiques, vidéos.
Nous sommes aujourd'hui dans l'âge de la connaissance des comportements aussi bien individuels que collectifs. Et cette connaissance induit en retour le fait que la décision humaine va être de plus en plus pressée, avec des suggestions en vue d'orienter le cours de leur vie.
Par exemple, ne rentre pas par là ce soir chez toi puisque l'historique dit qu'il y a eu des agressions, donc prenez plutôt un autre chemin.
Aujourd'hui ya donc d'autres couches logicielles qu'envoyer ses emails... apparues massivement avec le smartphone et les applications. L'idée, c'est de faire de la connaissance des personnes, en retour, d'offrir quantité de services.
Ex, /introduction de l'apple watch il y a 2 semaines (bracelet connecté) en retour induit une connaissance des flux corporels, des suggestions sous forme de services.
Ce que je relève dans mon livre, qui n'est pas toujours vu de près, c'est que ce schéma induit une servicisation de tous les champs de l'existence, une marchandisation. Ex. balance connectée en fonction des mes courbes, de mon poids du jour et des évolutions, va induire en retour des propositions de compléments alimentaires, d'offres de séjours à la montagne.
Cette connaissance ne s'arrête pas à des données stockées, elle induit en retour une pression sous forme de services, et ce modèle là, moi, je le dénonce parce qu'il y a ce qu'on peut nommer précisément une marchandisation intégrale de la vie dont on doit se demander, car s'est développé par l'innovation contemporaine,  si cela constitue un modèle civilisationnel de valeurs. Pour ma part, je ne le pense pas.
Est-ce que la vérité du monde numérique, c'est de ne connaître que des clients ?
il y a quelque chose comme cela, malheureusement, c'est ce que nous avons vu avec google apparu en 1998, au début nous rendait possible la possibilité aisée de faciliter l'accès. Comme avec quantité d'entreprises, on a vu qu'il y avait une monétisation progressive par les mots-clé, les publicités ciblées car de plus en plus nous allons vers un schéma où les offres sont personnalisées, la recommandation personnalisée qui ne constitue qu'une forme continue, maintenue d'offres, d'adressage de messages, d'offres de services, de produits, en fonction d'une connaissance toujours plus précise des individus.
C'est le rêve du marketing... science qui cherche à faciliter la vente et l'achat, pousser à la vente et à l'acte d'achat. Là, c'est pour une fois à la personne même, dont on connaît les goûts, les lieux de vie, les historiques, c'est à vous même que le marketing va s'adresser...
oui. Nous allons vers la mort de la publicité vue comme un message indistinct adressé à des cibles indistinctes (ndlr ; massivement), par le numérique, permettent ce que les marketeurs appellent la relation client ininterrompue. C'est-à-dire un suivi ininterrompu par la connaissance des comportements.
Jusqu'à ya quelques années nous aurions dit par la navigation internet, par l'usage des cartes de crédit, mais ce n'est plus cela aujourd'hui. Nous entrons dans une autre ère par la prolifération des objets connectés - notamment les bracelets connectés - ya une connaissance de gestes de plus en plus étendus du quotidien, notamment par la géolocalisation. Et ce qui fait que cette connaissance de la personne, du consommateur, l'individu dont on récolte des traces, il est immédiatement envisagé comme un consommateur.
Vous le dites, Eric Sadin, ya une forme de marchandisation généralisée du monde, ya des intérêts privés, ce sont des entreprises qui collectent ces données extrèmement intimes sur nous, ce monde là est-il réversible d'après vous ?
C'est très compliqué car il y a un mouvement technico-économique dont l'esprit vient de la silicon vallée, dont je pense pour ma part qu'il y a de la psychiatrie ! une folie prédatrice de vouloir tout transformer en services, de nier les acquis historiques. Je pense qu'il ya - regardez cette histoire intéressante des google glass mises entre parenthèse
dont on a dit qu'elles étaient un échec
qui induisaient ce qu'on nomme la réalité augmentée c'est-à-dire de percevoir des informations qui apparaissaient sur l'écran - sur un des verres, incrustées - parallèlement à la perception naturelle des choses - et bien, ce dispositif technique est une invention de la silicon vallée et moi, j'ai été ravi de voir qu'il y a eu des résistances de la part des individus de sentir que trop, c'est trop.
Par ex Nicolas, je vous croise dans la rue, je ne vous connais pas, j'aurais par la reconnaissance faciale extrèmement problématique, de pouvoir vous reconnaître et d'avoir des informations sans que vous me donniez votre assentiment. On voit bien là qu'il y a des acquis historiques : l'altérité, des acquis éthiques, juridiques, le droit de bénéficier d'une part cachée, qui est remise en question, qui est atténuée et affaiblie par ce que je nomme le techno-pouvoir, c'est-à-dire le monde numérico-industriel, qui ne se soucie pas des acquis historiques, ni des lois. Et en plus pour terminer, se soustrait à l'impôt comme Amazone, google, là où l'activité s'exerce.
Donc vous pensez qu'il y a une folie fondatrice dans ce déploiement incessant de progrès ?
Je le pense de plus en plus. Il y a une pyschiatrie de la part de ces ingénieurs. Ya du professeur tournesol dans la silicon vallée... qui ne se soucieraient que de leurs profits, qu'assouvir leur passion à vouloir inventer des dispositifs. Certes, ya de l'honneur humain à inventer des choses. Mais quand ce n'est qu'en vue de développer des modèles prédateurs, c'est-à-dire à vouloir collecter tout des individus en vue de tout transformer en services - et je le dis ici ce soir : le modèle de la french touch tant défendu par axelle lemaire secrétaire d'état chargée du numérique contre qui je n'ai rien personnellement, c'est tout le contraire - mais je tiens à souligner que le modèle de la french tech par exemple, comme tous les modèles de l'innovation numérique actuelle, sont basés à 90 % (pour être mesuré) sur la collecte de données et la transformation en services. Et c'est à l'oeuvre particulièrement dans un champ extrèmement sensible qui est celui de la médecine. Vous savez, les bracelets connectés mesurent le poul, le rythme cardiaque, la qualité du sommeil si on les garde la nuit. Qu'est-ce que cela induit ? Historiquement, la médecine était composée des médecins, des hôpitaux d'une part,  des pharmaciens, des instituts de bien-être, du para-médical. Et bien aujourd'hui, par la collecte de données du corps et par les applications qui analysent et se permettent d'offrir en retour des solutions médicales parfois en argant qu'il y a un médecin, il y a une marchandisation accrue de la médecine. Par la multiplication d'acteurs. Et c'est le modèle de l'innovation numérique qui induit cela. Et là ça pose évidemment des problèmes sociétaux, juridiques, éthiques, et là encore, ya des aquis notamment le serment d'hypocrate, la forme d'intimité qui mérite davantage de débats sociaux et de controverses publiques.
ES, que pensez-vous du projet de loi sur le renseignement qui vient d'être adopté aujourd'hui à l'assemblée, qui a déclenché, notamment sur internet des critiques très très virulentes sur le thème de "big brother, big data est désormais parmi nous et la France se dote d'une loi dont il vaut mieux espérer qu'elle ne se retrouvera jamais entre de mauvaises mains ?
Vous savez peut-être que j'ai beaucoup étudié cela. En 2009, j'étais paranoïaque. Depuis Snowden, on a vu que je ne disais pas trop de bêtises... Je pense que cette loi - évidemement elle porte atteinte aux libertés publiques parce qu'elle suppose la récolte des données, méta-données de tous les citoyens de façon non discriminée. Alors, elle a suscité de l'indignation, pas suffisament de mobilisation, elle est votée en première lecture de façon expresse. Mais je pense pour ma part que l'indignation relativement à la surveillance numérique étatique relève presque d'un néo-conformisme selon moi. C'est-à-dire que c'est facile aujourd'hui de s'indigner relativement à la surveillance numérique gouvernementale par des agences étatiques - je ne dis pas que ce n'est pas légitime - mais il me semble que ça oculte le mouvement principal aujourd'hui, notamment par l'extension des objets connectés, par les instruments que nous utilisons nous-même, nous devons interroger notre propre pratique, les usages que nous avons de ces instruments et qui induisent une connaissance de nos attitudes, de nos comportements, acquises par une myriade de compagnies privées. Hors avec cette loi dont je dis encore qu'elle est répréhensible, que c'est une faute politique, sociétale, éthique et c'est une faute juridique, ça fait beaucoup ! Mais elle oculte le fait que ce mouvement là est à l'oeuvre de façon beaucoup plus large, quotidienne,
dans des entreprises privées
cessons de disséminer par notre assentiment, donc il faut aussi - quand je dis que c'est un néo-conformisme, nous ocultons le fait que nous-même sommes engagés dans la visibilité de nos comportements. Et que si nous ne voulons pas de surveillance numérique,
il faut couper le téléphone et arrêter l'ordinateur, interne
il faut interroger et savoir si nous voulons porter des montres connectées, mettre des puces dans nos réfrigérateurs, machines à café, si dans les organes de travail de plus en plus truffés de capteurs, cette connaissance de plus en plus intégrale de la vie, nous y participons. Et c'est cela qui, à mon sens, devrait principalement faire l'objet de débats et de controverses.
Dernière question ES, elle est pour votre jardin, est-ce que la philosophie - vous êtes philosophe - va être totalement débordée par le caractère radicalement nouveau de ce monde ?
Je pense...
il revient aux sciences humaines, à la philosophie, d'analyser les phénomènes à l'oeuvre, au delà des discours car il y en a beaucoup... qui enjolivent !
C'est comme l'économie contributive, collaborative. En réalité, ce ne sont que des sites qui mettent en relation les individus entre eux en vue d'opérer des transactions et qui ponctionnent des sommes. Donc ya beaucoup comme ça de discours, d'horizon.
Le numérique a engendré beaucoup d'utopies, de discours émancipateurs. Il revient aux sciences humaines à mon sens, d'analyser les faits au delà de tout enjolivement, de façon analytique et d'exposer les forces à l'oeuvre, et d'engager autant que possible à entretenir un rapport politique et citoyen aux technologies numériques. Ce ne sont pas des gadgets.
C'est ça qui est attaqué in fine.
OUi les mondes numérico-industriels s'arrogent un pouvoir sur nos existances et il convient, nous citoyens, philosophes, consommateurs, étudiants étudiant l'apprentissage de la connaissance de ces systèmes à l'oeuvre, d'ériger des contre-pouvoirs, de ne pas accepter les systèmes, les schémas que nous avons évoqués à grands traits, et de faire en sorte que le droit humain reprenne la main parce qu'il me semble, pour terminer, que ce qui est atténué en ce moment, c'est l'intime, c'est l'altérité humaine, et c'est la dignité humaine. L'intimité, c'est-à-dire le droit de vivre de façon repliée, à l'abri, l'altérité le droit de ne pas tout connaître de mon interlocuteur et d'autrui, et la dignité de ne pas transformer la personne humaine en simple objet marchand. Et c'est cela que j'ai cherché à analyser dans mon livre...
Merci ES et en vous entendant, amis auditeurs, vous comprendrez pourquoi il FAUT lire la vie algorithmique - critique de la raison numérique. Aux éditions l'échappée.
On manque de concentration, mais c'est un livre, si on le prend avec concentration, il se lit tout à fait normalement.
Fin à 18 mn 20
"

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