Julien COHEN-LACASSAGNE (avatar)

Julien COHEN-LACASSAGNE

Abonné·e de Mediapart

30 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 décembre 2015

Julien COHEN-LACASSAGNE (avatar)

Julien COHEN-LACASSAGNE

Abonné·e de Mediapart

HOLLANDE ET VALLS SE RADICALISENT

Le 14 novembre dernier, Manuel Valls posait théâtralement sa voix devant le micro de tf1 et annonçait « Nous répondrons au même niveau que cette attaque, avec la même volonté de détruire ». Ce faisant, il semblait avouer qu’en fin de compte, lui et son gouvernement se radicalisaient … Avec la même volonté de détruire.

Julien COHEN-LACASSAGNE (avatar)

Julien COHEN-LACASSAGNE

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis les attentats du 13 novembre, Valls et Hollande exploitent la sidération née des tragiques tueries qui ont eu lieu afin de s’en prendre directement aux libertés démocratiques élémentaires et d’accélérer la politique aventuriste des interventions militaires au Moyen-Orient.

François Hollande et Manuel Valls marchent dès lors dans les pas de Guy Mollet. En novembre 1956, le président du conseil était interrogé par le journaliste Pierre Sabbagh au sujet de l’expédition de Suez contre l’Egypte. Il n’hésita pas une seconde à comparer Nasser à Hitler et la nationalisation du canal de Suez à l’annexion des Sudètes afin de se donner une densité historique. Il fut sans doute l’expression même de la médiocrité et de l’hypocrisie d’une gauche qui prit à sa charge une politique militariste et autoritaire contraire à ce qu’elle incarne. Le tout au prétexte, tour à tour, d’un « pragmatisme » qui n’est en réalité qu’un opportunisme ou d’une raison de sécurité qui n’est en fait qu’un alibi supplémentaire à la réduction des libertés fondamentales.

Un bref coup d’œil sur l’agenda militaire de François Hollande et de son gouvernement suffit à nous convaincre de ce rapprochement historique. En janvier 2013 était lancée l’opération Serval au Mali, avec la collaboration de l’armée tchadienne aux ordres du dictateur Idris Déby, secondée par la suite par l’opération Barkhane. Pris en étau entre djihadistes et offensives militaires, des centaines de milliers de civils ont alors été contraints aux déplacements. En décembre 2013 débutait l’opération Sangaris en Centrafrique, cette nouvelle intervention française, loin de résoudre la crise, ne fit que l’aggraver. A nouveau, des populations civiles furent contraintes à l’exode et exposées aux exactions, la criminalité a augmenté à Bangui et, comme si ça ne suffisait pas, le quotidien britannique The Guardian révélait des soupçons de viols commis sur des mineurs par des soldats français. En septembre 2014, des forces françaises intervenaient en Irak et le 27 septembre 2015 débutaient les frappes aériennes françaises sur la Syrie.

Autrement dit, depuis le début de son mandat, François Hollande s’est comporté en un chef de guerre tous azimuts sans avoir la moindre idée des conséquences que cela pouvait avoir sur la sécurité du territoire pas plus que des ripostes auxquelles il l’exposait. Avec la même bonhommie de bon père de famille raisonnable, mais aussi avec la même maladresse, la même précipitation et sans doute avec la même crainte d’être perçu comme un faible qu’un Guy Mollet pendant la guerre d’Algérie, le président Hollande a engagé la France dans une course à l’abime. En 1852, dans Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, Marx expliquait que l’histoire se répète toujours deux fois, la première sous la forme d’une tragédie, la seconde sous la forme d’une farce, et on ne peut s’empêcher d’être d’accord avec Slavoj Zizek lorsqu’il ajoute que parfois la farce est pire que la tragédie. Comme Guy Mollet, Hollande et Valls sont des hommes d’appareil, exerçant leur politique sur du court terme, celui des élections à venir et des mandats à sauvegarder. Ce n’est ni sérieux, ni responsable. Alors, Valls et Hollande partent en Syrie avec la même volonté de détruire que leur adversaire. Et pour détruire, ils détruisent. Tout au moins sur ce plan ne peut-on leur faire le reproche de l’euphémisme.

« La France sera impitoyable » ajoutait Valls, oui mais avec qui ? Avec la population civile de Raqqa, tout aussi innocente que les victimes des attentats de Paris. Car nous ne disposons pas des images des résultats des bombardements sur une ville de plus de 200 000 habitants, frappés à trois reprises en 48 heures depuis le 15 novembre par les avions français et russes. 20 bombes ont été larguées le 15 novembre, 16 le 17 novembre, depuis des avions décollant de bases jordaniennes et émiraties. Avec les citoyens français et ceux résidant sur le territoire français menacés par de nouveaux risques d’attentats-représailles et qui, de surcroît, se trouvent également amputés de libertés démocratiques fondamentales.

L’acharnement borné de Valls à justifier sa politique sécuritaire le porte en revanche à ne supporter aucune forme d’interprétation à la triste situation que nous vivons. « Aucune excuse sociologique et culturelle ne doit plus être trouvée au terrorisme », entendez aucune explication car personne ne cherche à excuser l’inexcusable. Il n’y aura pas d’autres réponses que les bombes génératrices de nouvelles violences et un slogan : « Pray for Paris ». Donc aucune autre issue que le militarisme et l’irrationnel, le sabre et le goupillon aurait-on dit naguère. Plus de 2000 perquisitions, ordonnées sans le concours de magistrats, ont été réalisées en à peine deux semaines, souvent dans une violence inouïe, avec pour résultat plus de 140 gardes à vue que Bernard Cazeneuve a présentées comme des mises en examen. Des assignations à résidence totalement arbitraires ont été prononcées.

Et cet arsenal est loin de ne viser que de présumés djihadistes, comme le montre les 300 arrestations de manifestants écologistes de la place de la République qui, loin d’être de dangereux terroristes étaient des jeunes militants, des salariés et des syndicalistes. A Nice, un commando du Raid s’est trompé de porte durant une perquisition dans un immeuble et, en la fracturant, a blessé une fillette de 6 ans. A Saint-Ouen-l’Aumône, pas moins de 40 policiers ont saccagé un restaurant, détruisant au bélier des portes qui étaient ouvertes. La mise en place de l’état d’urgence permet l’interdiction de réunions, de diffusion de tracts et de manifestations hors contrôle du pouvoir judiciaire et la dissolution d’associations pour « mise en cause de l’ordre public ». Il ne s’agit en aucun cas de dérives ou de bavures mais bel un bien d’une mise au pas arbitraire de la société qui est au cœur du dispositif sécuritaire.

Le terrorisme est l’arme des faibles, les sanglants attentats de Paris perpétrés par de vulgaires voyous sont un aveu de cette faiblesse, mais la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, tant sur la scène internationale que sur le territoire national, ne peut avoir qu’une conséquence, celle de le renforcer.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.