Avril 2018. Alors membre de la Jeunesse Sandiniste (organe de jeunesse du FSLN, le parti au pouvoir), Sergio Beteta avait été scandalisé par la répression des manifestations citoyennes *. Il avait alors rejoint le mouvement de contestation du régime. Il se trouvait dans la UNAN (université) de Managua occupée par des étudiants jusqu’à l’assaut des « forces de l’ordre » le 13 juillet. Il réussit à échapper à la police et aux groupes paramilitaires inféodés au régime. Quelques mois plus tard, le régime décrète l'état d'urgence : depuis lors, plus aucune manifestation n'est autorisée au Nicaragua, sauf, bien entendu, celles favorables au régime.
Le 21 décembre dernier, Sergio Beteta mène seul une action de protestation contre le régime. En plein jour, il se place au milieu de l’avenue longeant l’Université Centraméricaine (UCA), brûle un drapeau du parti au pouvoir et brandit le drapeau nicaraguayen. Il est filmé par un journaliste du média indépendant "Artículo 66". Il crie "Liberté pour tous les prisonniers politiques !" et "Vive le Nicaragua libre !" et demande aux partis d'opposition de s'unir (en perspective des élections de novembre prochain). Très rapidement, une escouade de policiers arrive, se rue sur le jeune opposant et l'embarque sans ménagement.
Deux jours plus tard, Sergio Beteta est accusé de port d'arme prohibée et de détention de 2,34 gr de marijuana.
Accusation risible : qui va mener dans le Nicaragua d’aujourd’hui une action comme celle de Sergio en portant sur lui une arme et de la drogue alors qu’il sait bien qu’il va être arrêté dans les minutes qui suivent ? explique Julio Montenegro, son avocat et membre de l’association « Défenseurs du Peuple » : « Etonnant qu’ils n’aient pas également trouvé un véhicule blindé dans son sac ! ». « Tout indique que ce procès est un procès politique, comme tant d’autres » dénonce l’avocat.
Après 3 semaines passés dans le sinistre centre d’interrogatoires de la police « El Chipote » à Managua et 7 semaines dans le non moins sinistre centre pénitentiaire « La Modelo » à Tipitapa, Sergio Beteta a été déclaré ce 3 mars coupable de détention d'arme prohibée et de trafic de drogue par le juge ortéguiste Melvin Vargas García. Le procureur ortéguiste Elvin Díaz a alors réclamé une peine de 16 ans de prison ! **
Les policiers présents au tribunal ont "témoigné" que Sergio Beteta ne détenait aucun drapeau bleu et blanc au moment où ils l'ont arrêté qu'il n'y avait pas de drapeau du FSLN en train de brûler ! Alors que sur la vidéo filmée au moment de l'action de Sergio, on le voit avec un drapeau nicaraguayen en main, un drapeau rouge et noir en train de brûler au sol, puis l'arrivée de la police qui se rue sur lui ... Le juge a refusé la demande de la défense de visionner la vidéo. Vidéo : https://www.facebook.com/watch/?v=224100769249163 Au moment où le "juge" l'a déclaré coupable, Sergio a crié "Viva Nicaragua libre !"
Le cas de Sergio Beteta est loin d'être isolé : Cristian Meneses, Hader González, Carlos Bonilla, Ernesto Ramírez, María Esperanza Sánchez, Karla Escobar, Uriel Pérez, Edward Lacayo, Kevin Solís, Jaime Navarrete, Victor Soza, Néstor Montealto, John Cerna, Julia Hernández, Lester Selva et des dizaines d’autres opposants actuellement emprisonnés ont été inculpés (et presque tous condamnés) pour des délits de droit commun comme « détention d’armes », « trafic de drogues », « vol aggravé », ….
Cette politique de criminalisation des opposants a un double objectif : tenter de déconsidérer les opposants auprès de la population et de faire croire au Monde qu’il n’y aurait pas d’opposants politiques incarcérés au Nicaragua, seulement des délinquants.
Tous les opposants actuellement en prison ont un autre point commun : ils sont peu connus dans le pays (ailleurs que dans leur région) et pas du tout à l’étranger. Or, vu la fin du flot de dollars en provenance du Vénézuela de ses amis Chavez et Maduro, le régime Ortega-Murillo a un besoin vital de crédits octroyés par des organismes internationaux. Le régime évite donc d’arrêter des personnalités de l’opposition ce qui pourrait faire des vagues à l’étranger et tarir les dernières sources extérieures de financement.
Hors de question donc de faire arrêter des opposants comme Félix Maradiaga ou Cristina Chamorro (pré-candidats à la présidentielle), comme Vilma Nuñez (présidente du Centre Nicaraguayen des Droits Humains), comme Dora María Téllez (ex-commandante de la guérilla et ex-ministre de la Santé dans le 1er gouvernement sandiniste), comme Carlos Tünnermann (ex-ministre de l’Education et ancien représentant du Nicaragua à l’ONU durant les années ’80), comme le Cardinal Leopoldo Brenes ou un évêque (ou même un prêtre), comme le chanteur Carlos Mejía Godoy (chantre de la révolution sandiniste) ou le journaliste Carlos F. Chamorro de « Confidencial » et anciennement directeur du journal sandiniste "Barricada" (s’ils rentraient d’exil), … Pas de vague !
Alors, le groupe mafieux au pouvoir se rabat lâchement sur les « petits ». Et adresse ainsi un message à toute la population nicaraguayenne : « Ne vous avisez pas à vous opposer à nous, voyez ce qui pourrait vous en coûter ! »
Francis Toussaint
SOS Nicaragua - Belgique
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(*) 328 manifestants tués en 2018
(**) au moment d'écrire ces lignes, la peine n'a pas encore prononcée contre Sergio Beteta