Synthèse de cet avis commun, avis complet disponible ici
Dans son avis n°139 du 13 septembre 2022, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) acte un changement majeur d’approche en envisageant une légalisation d’une forme de mort médicalement administrée. Cette recommandation, proposée au nom de la primauté nouvelle du principe d’autonomie sur le principe de solidarité questionne fondamentalement la pratique et l’éthique soignantes.
Représentant les différents modes d’exercices professionnels, les organisations signataires du présent avis éthique ont souhaité confronter concrètement leur pratique et leur éthique soignantes aux perspectives d’une telle évolution législative, en s’interrogeant sur les conséquences effectives qu’aurait la mise en œuvre d’une forme de mort médicalement administrée.
Dans un contexte d’extrême fragilité de notre système de santé et de remise en cause structurelle de ses fondements, il apparait que l’urgence serait de pouvoir mettre à la disposition de tout citoyen des soins de qualité, y compris dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Considérer comme prioritaire la mise en œuvre de la mort médicalement administrée en réponse à une demande sociétale serait susceptible de
davantage fragiliser des équipes soignantes confrontées au quotidien à des décisions complexes.
Au-delà de ce constat, les organisations soignantes cosignataires estiment qu’une telle légalisation conduirait inévitablement le législateur à subvertir la notion même de soin telle qu’elle est communément admise aujourd’hui. Cette acception de la démarche soignante fonde et éclaire aujourd’hui des prises en charge complexes, au cours desquelles les demandes de mort comme les demandes de vie sont intimement mêlées et motivent l’engagement soignant au service de la personne soignée.
En brisant le corpus déontologique existant, une telle légalisation conduirait immanquablement à un glissement éthique majeur. La mise en œuvre de garde-fous législatifs, manifestement provisoires en raison de la force du principe d’égalité, comme rappelé par le CCNE1, ne parviendrait pas, à terme, à endiguer les menaces que l’injonction de mort ferait peser sur les personnes les plus vulnérables, ce que l’on observe aujourd’hui dans tous les pays ayant légalisé l’euthanasie. Ces publics vulnérables sont aujourd’hui trop largement absents des réflexions menées : enfants, personnes dépendantes, personnes atteintes de troubles cognitifs ou psychiatriques, personnes en situation de précarité etc.
En conséquence, et dans l’éventualité d’une réforme du corpus législatif régissant les conditions du soin des personnes en fin de vie, les organisations cosignataires :
- continueront d’accompagner toutes les personnes soignées de manière inconditionnelle
- appellent le législateur à adopter une lecture systémique et de long terme. A ce titre, elles estiment prioritaire d’améliorer significativement le cadre d’accompagnement des personnes en fin de vie, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif, sans en réduire la complexité à une dialectique sociétale ou politique.
- demandent au Gouvernement et aux Parlementaires, s’ils décident de faire évoluer la loi, de laisser le monde du soin à l’écart de toute implication dans une forme de mort administrée.
1. CCNE, Avis 139, p32 : " Comment justifier que le soulagement des souffrances – s’il était permis à d’autres, physiquement valides, via l’assistance au suicide – leur soit refusé du fait de leur handicap ? La discrimination que générerait un tel refus pour les personnes non valides mais mentalement autonomes serait éthiquement critiquable."

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