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Billet de blog 7 janvier 2024

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Pilules roses, scandale du Spasfon

Dans son ouvrage, Pilules roses. De l'ignorance en médecine, Juliette Ferry-Danini avec le cas du Spasfon-phloroglucinol, nous apporte une analyse très éclairante sur la prescription médicamenteuse en France.

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Dans son ouvrage, Pilules roses. De l'ignorance en médecine, Juliette Ferry-Danini avec le cas du Spasfon-phloroglucinol, nous apporte une analyse très éclairante sur la prescription médicamenteuse en France.

Pilules Roses. De l'ignorance en médecine. Stock. 2023
En effet, le Spasfon-phloroglucinol, mis sur le marché, en 1963 c'est :
- un "médicament" développé par un laboratoire français et quasi exclusivement prescrit en France ;

- 25 millions de boîtes délivrées annuellement sur prescription, donc sans compter les boîtes achetées sans ordonnance ;

- du fait d'un remboursement à 15% par l'Assurance maladie, un coût annuel de 13.5 millions d'euros auxquels s'ajoutent le prix individuel quand il n'est pas délivré par une prescription, faisant évoquer par l'auteure une véritable "taxe rose" (en plus d'une rente à Teva) ;

- un rationnel scientifique inexistant avec 2 revues de la littérature récentes (Blanchard et al. 2018 et Blanchard et al. 2020) totalement négatives ;

- des indications reposant sur le "mythe du spasme" - une entité inexistante héritière de l'hystérie et de la "crise de foie" - conduisant à une extension de mise sur le marché dans les douleurs gynécologiques et obstétricales sans aucun essai clinique dans ces indications ;

- des "essais cliniques" initiaux totalement non éthiques basée sur une épreuve "cholérétique-morphine" visant à déclencher des douleurs intenses ;

- le fruit d'une "désinvolture épistémologique", les études princeps étant totalement biaisées ;

- une utilisation parfois justifiée par son effet placebo par le prescripteur qui fait alors preuve de mensonge et ce qui empêche aussi de développer des antalgiques efficaces pour les douleurs gynécologiques ;

- une injustice épistémique et sexiste puisque ce sont principalement les femmes destinataires de ce produit ;

- un traitement qui a été validé par les instances de régulation du médicament dont la Commission de la transparence des médicaments et des sociétés savantes malgré tout cela.
Ce livre met donc en lumière à la fois l'ignorance en médecine dont font preuve les instances de régulation du médicament, certaines sociétés savantes qui promeuvent dans leurs recommandations ce produit, les praticiens qui prescrivent en y croyant - s'illusionnant souvent par un biais de confirmation - et les risques de perte de confiance et de chance par ceux qui le prescrivent comme placebo.
Pour conclure, citons l'auteure : "Derrière la success story du phloroglucinol se cache finalement une expérimentation humaine moralement problématique et à la scientificité très contestable".
Alors comment expliquer sa prescription encore extrêmement importante en France ? Selon l'auteure, "le succès du Spasfon aujourd'hui repose vraisemblablement plus sur l'imaginaire du spasme, les habitudes des médecins et l'apathie des autorités sanitaires que sur des données sanitaires solides".

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