Je suis tombée hier sur un entretien de Novara Media avec Rachel Donald de « Planet : critical » Does Everyone Want Gaza’s Gas ?
La question mérite d’être posée.
Je vous déroule le raisonnement.
Les réserves mondiales de pétrole baissent mais il reste beaucoup de gaz. Il reste même pour 125 ans de consommation. Les gouvernements et compagnies actuelles, qui souhaitent bien entendu maintenir le statu quo, veulent que nous utilisions ces réserves et au diable la transition vers les renouvelables.
Il faut tout de même faire comme si. Vu que le gaz naturel émet 40 % de moins de gaz à effet de serre que le charbon, les gaziers ont réussi à le faire estampiller « combustible de transition ».
Or il y a au large de Gaza le gisement gazier Leviathan : des réserves absolument gigantesques. Et encore davantage dans les eaux internationales et dans les territoires occupés. Des réserves évaluées à 524 milliards de dollars... en 2019. Donc avant l’Ukraine, le covid et l’inflation.
Or depuis la guerre en Ukraine, le gaz russe n’arrive plus chez nous (enfin si, certains pays l’achètent et nous le revendent, ce qui fait que nous y avons encore un accès plus ou moins détourné). Bref, pour l’Occident, le gaz naturel est un enjeu majeur.
En 2022, l’UE a signé un accord avec Israël et l’Egypte pour importer le gaz naturel de Leviathan. Or en 2019, un rapport de l’ONU avançait que comme une grande part du gisement se trouve dans des eaux internationales, il doit être considéré comme appartenant à tous les pays du secteur, y compris la Palestine. Qui aurait même un droit d’antériorité vu qu’Israël n’existe que depuis 1948 alors que la Palestine est là depuis perpète. C’est écrit noir sur blanc dans un rapport de l’ONU !
La Palestine a failli exploiter ce gaz : en 1999, l’Autorité Palestinienne avait signé un contrat avec l’entreprise découvreuse du gisement. Depuis, Israël fait oui-non-oui-non, jusqu’en 2008 quand il s’est hâté de conclure les négociations avant d’envahir Gaza et de prendre le contrôle des réserves gazières.
Quand on pense aux conditions dans lesquelles vivent les Gazaouis alors qu’ils feraient, légalement, partie des pays producteurs d’énergie...
La semaine dernière, le conseiller en matière de sécurité énergétique des Etats-Unis, en visite en Israël, a parlé de la nécessité d’allouer les revenus du gisement de gaz au redressement économique de Gaza après la guerre, et « qu’Israël aurait à coeur de le faire parce que le gaz appartient à la Palestine ». Un énoncé grotesque. Netanyahou a eu 20 ans pour laisser la Palestine exploiter le gisement gazier ; il s’est au contraire appuyé sur le « risque de financer le terrorisme » pour la priver de ce revenu.
En sortant cette idée, les US cherchent à se donner le beau rôle. En même temps, ils enferment les Palestiniens dans une appartenance au régime occidental basé sur le capitalisme des combustibles fossiles. Et là, la journaliste de Novara Media explique que si l’Occident résiste tant aux renouvelables, c’est que cela signifierait une nouvelle ascension de la Chine, qui détient tous les éléments dont dépendent le renouvelable. Donc la stratégie des US serait de forcer les Palestiniens à entrer dans un « servage énergétique ». Enfin, après leur interminable calvaire, ils obtiendraient un levier pour développer leur économie. Sauf que ce levier serait l’outil qui a asservi tant d’autres pays et installé l’hégémonie occidentale sur le monde entier. Ce n’est pas un avenir dans lequel « on est bien traité ».
Comment parler du gaz de Gaza dans ce contexte de guerre sans avoir l’air complotiste ? demande alors la journaliste. Rachel Donald éclate de rire et s’écrie qu’ils nous ont bien eus : on ne peut pas ! Alors que l’histoire récente regorge d’exemples de pays lançant des guerres illégales pour mettre la main sur des ressource. On connaît maintenant les raisons de la guerre d’Irak. En fait, la richesse est toujours venue des ressources naturelles. On détient le pouvoir quand on sait transformer les ressources. Les ressources naturelles ont été la base tous les grands conflits. Les campagnes idéologiques ne sont que le prétexte.
Et quitte à être accusée de complotisme... Sur Blast, Pacôme Thiellement nous explique que selon Fassbinder, le capitalisme a« inventé » le terrorisme pour forcer l’État à le protéger.