Oh, allez ! Avouez, quoi !
Peuple de droite, soyez francs : au moment des primaires socialistes ouvertes à tous, c'est vous qui avez payé votre petit euro pour glisser le nom de Hollande dans l'urne.
Vous pouvez bien le dire ! Car lui, reconnaissant, gouverne dans le souci perpétuel de ne pas vous froisser, de ne rien proposer qui puisse vous déplaire.
Les idées de gauche, il n'en est même pas question, il part du principe que ses électeurs « officiels » resteront à sa botte (et le pire, c'est qu'il a peut-être raison). Qu'ils lui sont acquis et qu'il n'a aucune raison de les ménager.
Il a réussi à enterrer définitivement ce vieux clivage, de plus en plus artificiel dans les institutions de la République, entre droite et gauche. Là où cela vit encore, cela vit très loin du pouvoir.
Il n'a pas compris qu'en face, on ne l'aimera pas mieux, quoi qu'il fasse.
Il pourra répandre aux pieds des forces du patronat, des marchés, de la finance, tous les trésors sur lesquels il pourra mettre la main, il pourra encourager la curée en Grèce, il pourra... on le repoussera toujours d'un pied dédaigneux.
Car pour exister, ses adversaires politiques, il faut bien qu'ils s'opposent ! Quant au grand patronat et aux marchés, ils auraient tort de se priver puisqu'on leur ouvre une voie royale. Ce n'est pas dans leur nature, il leur en faut toujours plus, ce sont des gouffres qu'on ne comblera jamais, même un petit stakhanoviste de l'austérité qui de sa petite pelle jette tout, tout ce qui faisait le bien-être des populations dans leur gueule béante.
Les populations ne l'ont pas compris, mais l'Économie, ce n'est pas ce qui fait vivre les gens au quotidien. C'est uniquement l'Investissement, ce qui se passe tout là-haut entre les banques et les actionnaires. Les gens normaux, leur boulot, leur baraque, tous ce système d'échanges réciproques et concret qui tissaient la société, c'est parfaitement hors sujet aujourd'hui, on nous l'a assez martelé autour des pays d'Amérique latine qui tournent le dos aux USA et aux marchés. Se préoccuper de la façon dont vivent les gens ordinaires, c'est Mauvais Pour l'Économie, voilà tout.
Il se donne du mal, pourtant, il ne propose rien sans être absolument certain de sa majorité. Le pauvre, il est bien empêché, lui qui a une majorité comme on en a rarement vue : non, il lui faut l'unanimité, sinon il est malheureux.
Avec son petit orgueil tout raide, il n'a pas compris que s'il se la jouait autrement, sa cote d'amour grimperait en flèche. Il en veut, pourtant, de l'amour – mais il veut aussi sa dignité. Désolé, Pépère, on ne peut pas avoir les deux ! Lance-toi à l'assaut ! (En t'assurant auparavant que ça ne passera pas, faut pas déconner, tout de même). Propose des trucs fous, une hausse fulgurante du SMIC, le vote des étrangers, l'interdiction des licenciements boursiers, des trucs que tu avais promis. Lance-toi à l'assaut de la citadelle !
Si tu te prends un camouflet, ce sera la consécration, tu seras un héros, le petit David qui affronte Goliath. On ne pourra pas t'en vouloir d'avoir échoué. C'est bien ça, la clef de toutes tes manoeuvres, non ? Tu ne veux pas qu'on t'en veuille !
Et si... je ne sais pas, une hypothèse comme ça... si ça passait ? Si tu découvrais tout à coup qu'avec tout ce pouvoir que tu serres très fort dans tes petites mains moites, tu pouvais réellement faire quelque chose ? Tu avais bien quelques idées, à l'origine, tu n'as pas choisi le socialisme exclusivement comme un plan de carrière ? À une époque, des petites lueurs d'envie d'égalité-justice-sociale... ? Non ? Un tout petit peu ? Alors si tu voyais que ça fonctionne... est-ce que tu monterais sérieusement au créneau ?
Parce que là, la cote d'amour, tu l'aurais, tu n'imagines pas à quel point. Comment ça te porterait, si tu donnais aux Français une raison, une seule, d'avoir confiance en toi. Comment ce serait vertigineux, de sentir qu'on se tourne vers toi et que tu donnes ce qu'on n'espérait plus. Le pied ! De quoi te donner tous les courages, et même d'aller dire à Bruxelles d'aller se faire...
Mais non. Non, bien sûr. Tu n'as pas l'étoffe. Cauteleux comme tu l'aies, tu ne risqueras rien... et tu n'auras rien. Plus jamais. Tu es grillé, pauvre Pépère. Et ce qui est beaucoup plus dommage, c'est que nous, tout comme les autres peuples qui attendent de voir à quel sauce nous serons mangés... eh bien, nous n'aurons rien non plus.