Encore un article sur Poutine.
C'est toujours Poutine, n'est-ce pas, jamais "la Russie", des structures, une histoire, une trajectoire ou culture, des réflexes.
Il arrive à Médiapart d'épingler d'autres pays au passage, Israël ou les assassinats de journalistes au Vénézuéla, mais les articles "de fond", répétitifs et sans nuances, sont réservés à "Poutine".
Alors je ne doute pas que les droits de l'homme soient bafoués en Russie. Ils le sont partout.
Je ne doute pas non plus qu'il y ait de la corruption – elle est gratinée chez nous aussi.
La liberté d'expression ne se porte sûrement pas très bien là-bas ; ici, on a le droit, mais une propagande écrasante, omniprésente, fait qu'une seule opinion est exprimée, partout. Et vous ne faites pas autant exception, chers journalistes de Médiapart, que vous aimeriez le croire. Cela se voit notamment dans votre matraquage de "Poutine".
Et votre attitude est particulièrement irresponsable parce que cette attaque perpétuelle contribue à une démarche particulièrement délétère. La Russie existe, elle a sa réalité, ses défauts, mais c'est un acteur important, un partenaire important et, disons-le, un contrepoids indispensable.
En face, puisqu'ils ont choisi de perpétuer ce face à face, il y a les États-Unis. Le pays dont l'un de ses anciens hommes politiques disait, en s'adressant à ses concitoyens : "Quelle est pour vous la ligne rouge, l'acte que vous ne pourriez vraiment pas admettre de la part de ceux qui vous gouvernent ? Si seulement vous le saviez, cet acte a probablement déjà été commis cent fois." (Désolée, je paraphrase, je n'ai plus la citation sous la main).
Aux États-Unis, on n'assassine pas les journalistes, mais on peut légalement condamner à mort les lanceurs d'alerte. Les droits de l'homme sont bafoués au quotidien – demandez à la population noire. La corruption est endémique et en terme de politique étrangère, le pays a bien cinquante fois renversé, pour servir ses intérêts, des gouvernements démocratiquement élus. C'est une question de structures, d'histoire, de trajectoire, de culture, de réflexes.
C'est la réalité, odieuse, des grandes puissances d'aujourd'hui.
Je n'attaque pas l'un pour dédouaner l'autre, mais il n'est pas cohérent d'attaquer chez l'un ce qu'on admet chez l'autre. De sanctionner l'un (en tirant une balle dans le pied de sa propre économie) et de préparer des accords de libre-échange avec l'autre. Si on veut dénoncer, c'est le pouvoir anti-démocratique partout, y compris chez nous, qu'il faut dénoncer, en mettant tout le monde à la même enseigne.
Médiapart dénonce effectivement le pouvoir monarchique, corrompu, manipulateur et anti-démocratique de France, c'est son honneur – reste à faire le parallèle. À souligner un abus en lui-même, avec des exemples ici, ici et ici. À faire du journalisme transversal, pour bien montrer que le pouvoir s'exprime partout de la même façon. À faire une information impartiale, en somme.
Pourquoi les articles de politique étrangère devraient-ils toujours être scindé par pays ? C'est largement dépassé, non ? Elle est là, la mondialisation heureuse, les mêmes recettes sont appliquées partout et les populations seront toutes mangées à la même enseigne, avec quelques nuances dans l'avancement des travaux.
À moins qu'on ne voie des lueurs, ici ou là, en Amérique latine... ?