Juliette BOUCHERY

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Billet de blog 14 novembre 2016

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Surtout ne rien changer ?

Dites, les journalistes, si ce n'est pas sérieux, pourquoi ne pas exposer les propositions dans le plus grand détail, quitte à les réfuter ensuite ? Ce n'est pas intéressant de savoir qu'il existe une gauche en France ? Cela ne mérite pas qu'on s'y arrête, qu'on analyse, qu'on informe en somme ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si je prends un instantané de ce que reflète ce journal ces derniers jours... D'un côté, il y a une couverture très dense, mais pas forcément très fouillée, de l'élection américaine. Certaines analyses valent la lecture, d'autres sont du registre du micro-trottoir ou de l'éructation.

Ailleurs, que voit-on ? Les attentats, Juppé et son entourage (ce dernier article frappe en ce qu'il retraduit les propos des proches du candidat avec très peu de recul ou d'analyse. À la sortie, on aurait presque envie de voter pour le grand homme). Un peu de Turquie, d'Italie ; Macron, et Montebourg, et de nouveau Hollande. Tout de même un détour tardif par Paul Magnette.

Alors les attentats, c'est normal, c'est l'anniversaire. Il y a aussi un travail sur le fonctionnement, et éventuellement les failles des enquêtes. Juppé, bon, il y a ces fichues primaires. Des papiers aussi sur les influences occultes, la confusion des genres entre affairistes, politiques, grand fonctionnaires, mais l'impression écrasante est celle d'un journalisme qui expose avec constance les failles du système et ses corruptions sans avoir réellement envie que ça change.

Pendant l'élection US, le positionnement était clairement pour Clinton, et donc pour une présidence qui aurait éventuellement amendé quelques petites choses à la marge sans jamais rien remettre en cause de vraiment important. Le travail d'investigation de certains journalistes de Mediapart est réellement impressionnant mais on n'appelle pas ici à renverser la table. En somme, ce que semble vouloir la rédaction, c'est le système que nous avons... mais intègre.

Or la corruption fait partie intégrante des institutions actuelles ! La forme actuelle de l'Etat, et celle de l'Europe, pose le trafic d'influence en mode de fonctionnement. Il est tout simplement antinomique de vouloir la moraliser, ce système ne peut pas être moral. Il y a renoncé en remplaçant la pensée politique par la gestion, la notion de société par celle de réussite individuelle. Donc en optant pour le néo-libéralisme. Ce journal, comme la plupart des autres, applique finalement le TINA en faisant l'impasse sur ce qui n'entre pas dans cette logique.

On y voit passer le FN à tour de bras (je me demande toujours ce que serait le FN aujourd'hui sans la constance des journalistes à parler de lui. Tous les publicitaires vous le diront : une marque dont on parle partout, même pour en dire du mal, est une marque qu'on achète). Et les "grands" partis, la rose et le glaive. Mais le grand vide, le vide abyssal, est à l'emplacement où se situerait une véritable alternative, un vrai projet, une vraie remise en cause du statu quo. Donc du côté de Mélenchon. Mélenchon, non, il ne faut pas en parler. Son programme non plus. Ou du travail de Jacques Généreux. Toute la dynamique qui fait que ce programme est élaboré en concertation avec les citoyens, les propositions de refondation d'une république agonisante, non, c'est du non-événement.

Le ton est donné une fois pour toutes et il est quasi-identique dans tous les medias. On dénigre le bonhomme, on évacue le mouvement. Alors que nous sommes dans l'impasse, un mouvement populaire est écarté avec un petit sourire ironique ou un geste d'agacement. Mais dites, les journalistes, si ce n'est pas sérieux, pourquoi ne pas exposer les propositions dans le plus grand détail, quitte à les réfuter ensuite ? Ce n'est pas intéressant de savoir qu'il existe une gauche en France ? Cela ne mérite pas qu'on s'y arrête, qu'on analyse, qu'on informe en somme ? Alors que Marine Le Pen, là, c'est intéressant. On ne la prend pas à la légère, on se retrousse les manches pour déconstruire, pour examiner, pour comprendre ceux qui adhèrent...

 Eh bien messieurs, mesdames, quand vous vous arracherez les cheveux parce que la situation, déjà assez désespérée, devient totalement catastrophique, dites-vous bien que vous n'aurez pas fait votre travail. L'information, c'est la condition première de la politique, et vous aurez présenté une information tronquée.

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