Il paraît que le polar est le genre le plus vendu actuellement. Cela se comprend : dans le polar, on a toujours un coupable. On a les mobiles, les moyens employés, quand, comment, pourquoi. Tant mieux s’il y a des fausses pistes et des rebondissements mais en somme, le polar typique est le récit d’une faute individuelle. Et puis, assez souvent, le coupable est puni donc tout va bien. Le statu quo a peut-être tangué mais en fin de course le bien triomphe. On voit que le modèle fonctionne… et donc on n’a rien à changer.
Qui nous fera le polar d’une société ?
Or ça existe : sans même aller du côté des écrits sociologiques ou politiques, une foule de romans nous mettent le nez sur les crimes collectifs de la société. Ce que cette société génère de terrible, quand, comment et pourquoi. Tout y est, le mobile et les armes du crime, le ou les auteurs, avec quel concours, comment et quand.
Le crime : attentat à la vie.
En question, un mode collectif de fonctionnement vertical qui fait que certains on la barre sur d’autres. Parfois beaucoup d’autres, parfois une seule autre personne. Qu’on ait peu de pouvoir ou beaucoup, ce même sentiment de pouvoir disposer d’autrui.
Les garde-fous censés préserver ceux qui ont peu de pouvoir des abus de ceux qui en ont davantage ont failli à tous les étages. Pour les « grands », un savant travail de sape des lobbies et de la propagande : leur pouvoir relève d’une évidence, c’est une simple question de bon sens. Pour les « petits », c’est le même bon sens, la même… culture. La domination est normale, méritée : ils ont réussi, on est jaloux des riches, c’est sa femme, il en fait ce qu’il veut, « ils » n’ont pas à venir chez nous, on leur a apporté la civilisation, etc, etc.
Le consentement est vital dans une relation sexuelle ; est-ce qu’il ne devrait pas être consulté dans tous les strates de l’existence ?
Le vote ne remplace pas le consentement.
Ce consentement, pourrions-nous le faire entrer dans tous nos rapports, tous nos échanges ? Pourrions-nous faire un travail de fond sur ce que nous estimons permis dans la société, de l’accaparement des richesses et le saccage du milieu naturel aux rapports les plus intimes ? C’est vertigineux bien sûr, il n’y a qu’à voir la difficulté de tant d’hommes à voir les violences faites aux femmes. Pour élargir la notion de consentement, il faudrait lâcher encore plus de certitudes, et regarder en face la violence verticale de nos rapports quotidiens. Regarder ce que nous produisons comme ce que nous partageons, matériellement et intellectuellement.
La vie de tous, le bien-être de tous, le sens de nos existence et la préservation d’un milieu dans lequel notre espèce peut vivre… tout procède de la même attitude.
Mais là, ça se vend moins parce que ça montre bien que rien ne marche et qu’il faut tout changer.