Juliette BOUCHERY

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Billet de blog 21 février 2018

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LE SERVICE PUBLIC (pour faire simple)

On nous explique, patiemment, avec pédagogie, qu’il n’est plus possible que l’argent que nous versons à la collectivité serve à ce pour quoi il est versé. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas rentable.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le service public ? C’est ce qui nous revient, à nous, le public, la population.

Nous, le public, la population, versons notre écot pour financer une foule de services, disons en vrac, entre autres, des enseignants et des juges, des routes, de l’art et des hôpitaux. Nous avons investi en versant nos impôts pour que tous profitent de ces avantages. Et ces avantages, voilà qu’on nous les retire, plus ou moins discrètement et parfois avec une brutalité inouïe.

Si on spoliait des entrepreneurs de cette façon… mais il est impensable qu’on spolie des entrepreneurs – ou alors juste les petits.

Non, on nous explique, patiemment, avec pédagogie, qu’il n’est plus possible que l’argent que nous versons serve à ce pour quoi il est versé. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas rentable.

En fait, il n’a jamais été question que ce soit rentable. Les services publics servent uniquement à être ce qu’ils sont, ils servent à nous instruire et nous soigner, à nous juger et à nous transporter, pas à faire de l’argent.

Par un tour de passe-passe assez époustouflant, cet argument est devenu tout à fait inaudible. Tout apport d’argent doit servir à générer de l’argent. Les spoliés eux-mêmes finissent par admettre qu’il ne faut pas trop demander, qu’on ne peut plus se permettre, que nous vivons au-dessus de nos moyens.

Nous sommes même nombreux à admettre que les plus riches refusent de verser au pot commun. Et parce que les plus riches ne contribuent pas (leur richesse, paradoxalement, les en dispense), les caisses de la collectivité ne sont pas aussi pleines qu’elles devraient l’être. Et de façon ahurissante, ceux qui ont versé sont alors spoliés. On nous explique, pédagogiquement, que ce dans quoi nous avons investi, tacitement, en contribuant à la vie de la collectivité, ces services qui doivent nous protéger, soigner, instruire… ces services coûtent trop cher.

Les prix ne se sont pas envolés ou en tout cas pas à ce point. Ce qui a changé, c’est l’obligation d’injecter la notion de bénéfice dans le processus. L’argent ne peut pas être simplement dépensé : il doit rapporter.

Chaque fois qu’un service est privatisé, c’est reconnu, il devient beaucoup plus cher pour une efficacité moindre. Et alors ? L’efficacité s’est effacée de l’équation, ne reste que le bénéfice. Et ceux qui savent le mieux faire du bénéfice, c’est le privé. C.Q.F.D. L’investisseur privé évitera à l’État la peine de dépenser de l’argent pour la population.

Ce qui est drôle à pleurer dans le processus, c’est que l’État est donc mené par des gens qui n’ont qu’une hâte : mettre la clef sous la porte. Des gens qui ne sont pas convaincus de la nécessité d’un État (puisque le privé fait tout tellement mieux que le public) et qui actionnent tous les leviers pour réduire l’intervention de l’État, les recettes de l’État, le champ d’action de l’État…

Sauf que l’État, c’est nous. Les guignols qui s’agitent, copinent et pantouflent tout là-haut, sur leur planète, sont censés être nos représentants. C’est nous qu’ils volent et ils ont si bien pipé les dés que selon la superbe parabole de Clarence Gillis, nous, les souris, ne voyons pas d’autre issue que d’élire des chats. Mouseland

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