Juliette BOUCHERY

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Billet de blog 21 octobre 2024

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Domination partout, consentement nulle part

Le consentement, mesure de toutes les dominations

Juliette BOUCHERY

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(à ceux qui auraient lu mon billet précédent sur le même thème : j'ai eu envie de développer la même idée un peu différemment, mieux j'espère)

Hiérarchie. Verticalité. La décision prise en haut descend en cascade, par paliers et sous pression, sur les exécutants. Nous disons beaucoup en ce moment que toutes les dominations sont issues du patriarcat, assis sur le capitalisme et réciproquement. Et c’est tout à fait exact mais si on tirait le fil ?

Les garde-fous censés préserver ceux qui ont peu de pouvoir des abus de ceux qui en ont davantage – ces garde-fous ont failli à tous les étages. Si nous « sommes en démocratie », si tous sont périodiquement consultés, le vote… eh bien le vote ne vaut pas consentement. Le vote ne remet jamais en question la domination fondamentale.

En question, un fonctionnement vertical qui fait que certains ont la barre sur d’autres. Parfois beaucoup d’autres, parfois une seule autre personne. Qu’on ait peu de pouvoir ou beaucoup, c’est le même sentiment de pouvoir disposer d’autrui.

Pour les « grands », un savant travail de sape des lobbies et une propagande médiatique : leur pouvoir relève d’une évidence, c’est une simple question de bon sens. Leur domination est normale, méritée : ils ont réussi et en bas, on est jaloux des riches.

Pour les « petits », c’est le même bon sens, la même… culture. C’est sa femme, il en fait ce qu’il veut, « ils » n’ont pas à venir chez nous, on leur a apporté la civilisation, etc, etc.

Dans la masse, la conscience de ces dominations fait son chemin mais l’édifice est encore solide.

Le résultat : une population astreinte, par exemple, à travailler à des boulots qui brisent le corps et le moral, par la contrainte, la menace, la violence (ne manque que la surprise : on n’est pas du tout surpris d’en arriver là). Ce salaire, notre vie en dépend, littéralement. La question de la pertinence, de l’utilité de ce boulot n’entre jamais en ligne de compte. Le produit de ce travail génère du bénéfice, donc il faut le faire. Or il a été démontré (notamment par David Graeber) que tout irait mieux si la plupart de ces boulots et de ces productions n’étaient pas faits.

La répartition des richesses générées par ce travail ? Le consentement n’est pas franchement au rendez-vous quand on peut être plus de 90 % des actifs à refuser une réforme des retraites qui passe crème.

Comment nommer ce crime ? Attentat à la vie. Toutes les vies, les nôtres, celles des pays que nous pillons encore, et celles du vivant que nous saccageons.

Le consentement, ne pourrions-nous pas le faire entrer dans tous nos rapports, tous nos échanges ?

La sociocratie par exemple offre des outils pour inscrire le consentement à tous les niveaux de la prise de décision. Pourrions-nous faire un travail de fond sur ce que nous estimons permis dans la société ?

C’est vertigineux bien sûr, il n’y a qu’à voir la difficulté de tant d’hommes à voir les violences faites aux femmes. Pour élargir la notion de consentement, il faudra lâcher encore plus de certitudes, et regarder en face la violence verticale de nos rapports quotidiens. Regarder ce que nous produisons comme ce que nous partageons, matériellement et intellectuellement. Sans jamais, jamais recueillir de consentement.

Bien sûr, la notion de consentement reste dans un sens passif, il nous faut aussi être force de proposition. Mais cela, c'est une autre histoire.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.