La scène, banale à pleurer sur les écrans : une figure politique dit un mensonge. Le journaliste en face ne réagit pas. Ne réfute pas, n’interroge même pas, ne fait même pas préciser. La réfutation peut arriver plus tard ; elle sera le fait d’autres source,s moins visibles. Une vérification toute simple suffirait à invalider le propos mais voilà : le moment qui reste dans les mémoires, c’est le moment où la figure politique aura assené, avec conviction et sur le ton de l’évidence, son mensonge. Ou disons ses vingt mensonges à la minute.
Telle personnalité scélérate est invitée à s’exprimer. C'est un coup médiatique, c'est pour le buzz, pour le frisson spectaculaire. Et comme ça marche en termes d’audience on recommence. Encore et encore. À force, ce n’est même plus spectaculaire, le seuil recule, la fenêtre se déplace. Avec l’habitude tout devient acceptable. Dans les conférences de rédaction, il est évident que ce personnage controversé, si d’autres l’invitent, il faut en faire autant. De peur de faire de moins bons résultats, de peur d’être laissé à la traîne. Ce n'est même pas par conviction, mais voilà : d'autres, puissants, ont des convictions qui tendent toujours dans le même sens : celui de l’ordre. Il est dans l’ordre des choses que le plus grand nombre passe son existence entière à générer de la richesse pour ceux qui possèdent déjà tout. Sans la ramener.
La propagande, ça marche, les sciences du comportement le prouvent. On peut assez facilement amener les gens à agir contre leur propre intérêt. Par la peur par exemple, en générant la sensation constante d’une menace.
Une phrase est lancée : ras-le-bol fiscal, migrant crime. Elle est reprise en boucle et très vite, la réalité est modifiée. Les impôts ne sont plus la contribution de chacun qui permet créer des hôpitaux, des écoles, etc, pour tous, non: c'est une pression insoutenable. Les réfugiés sont des violeurs et des assassins.
Les mensonges les plus éhontés, ça marche. L’usure, le dégoût, le découragement par le mensonge, ça marche. Le sentiment d’impuissance - surtout lui. L'objectif est simple : que le plus grand nombre ne voie plus aucune issue. À certains moments où le rapport de force s’était un peu déplacé, on a pu, là-haut, consentir quelques concessions. Dès que les lignes bougent, on finit par les reprendre. La population n'a d'intérêt, n’a d’existence qu’en tant qu’outil de production de richesse. Elle n'a fondamentalement pas voix au chapitre.
Résultat, le vote toujours volé par la propagande qui le précède.
Résultat, la parole volée par le sens volé des mots. Le sens volé par la parole détournée.
Le quatrième pouvoir, capté, est finalement le premier.
Il n’y aura pas de solution dans les institutions actuelles. La Sixième ? Il faudrait un renversement fondamental pour qu'elle apporte quelque chose.
Quoi alors ? Comment générer un nouveau départ, sur quelle base ?
On pourrait dire : le respect. Dans toute assemblée, toute équipe, respect de l’autre. Respect de tous, de tout ce qui vit, équilibre basé sur la vie où chaque élément aurait sa place.
Il existe des outils pour amener ce fonctionnement dans toute conversation et toute prise de décision. Par le consentement, pas le vote. Le consentement, donné une fois toutes les objections traitées, et la proposition modifiée en conséquence. Déjà, faire cet apprentissage.
Nous, le nombre, n’avons pas voix au chapitre mais nous pouvons commencer à fonctionner comme cela partout où nous avons la main. Et puis élargir, élargir…
Ou alors c’est foutu.