Voilà, moi, je voudrais comprendre le fonctionnement des médias papier, radio, télé dans le gâchis de cette campagne. D'accord, les organes (quel mot !) d'information appartiennent à de gros groupes. On pourrait supposer qu'ils sont, plus ou moins, aux ordres, mais je doute que ce soit aussi simple. J'ai travaillé dans un hebdomadaire, le Nouvel Obs pour ne pas le nommer, il y a une vingtaine d'années, pas en tant que journaliste, en tant qu'assistante de rédaction (ça veut dire secrétaire. Remplaçante). J'ai été assez frappée par le peu de passion que mettaient les journalistes à faire leur boulot, les "pfff, qu'est-ce qu'on va faire cette semaine ?" des conférences de rédaction (avec des exceptions, faut être juste). Bref, premier point, les journalistes eux-mêmes se rendent-ils bien compte du pouvoir qu'ils manient ? Du fait que l'image qu'ils présenteront va s'installer dans la tête des gens ? Je ne le crois pas, il me semblent qu'ils se perçoivent comme des petits rouages impuissants.
Et puis, faut que ça saigne. Il faut que ça frappe, que ça s'agite, que ça fasse... non pas débat, il me semble qu'on ne croit pas au débat fructueux et constructif, mais il faut que ça fasse du bruit. Je ne vois pas d'autre explication à la sur-sur-surexposition de la candidate du Front National. Qu'on lèche les bottes du président, je comprends, mais là, qu'est-ce que les grands groupes de presse avaient à gagner ? Non, c'est de l'irresponsabilité pure et simple. Sur la base d'un sondage bidon qui l'annonçait à 20%, on est allée la chercher avant même qu'elle soit candidate, avant même qu'elle n'ait ses signatures, avant même le devoir d'égalité du temps de parole. En se donnant parfois des airs de matamores, vous allez voir comment je vais la moucher, sauf que c'est un rouleau compresseur, cette femme, les journalistes, c'est elle qui les fait taire. Si on l'avait traitée par le silence, si elle avait été invisible ou presque, je suis sûre que son score aurait été bien moindre. Et voilà comment les sondages s'auto-réalisent ! Le coup de l'invisibilité, ce n'était pas difficile, on l'a bien fait à d'autres !
En face de cela, une phrase est ressortie plus d'une fois dans les articles de Médiapart. C'était le ressenti des électeurs UMP et FN : "les journalistes sont tous à gauche". Ces électeurs se sont sentis aussi frustrés que moi, aussi trahis. Cela pose tout de même question !
Alors je ne sais pas. Je ne sais pas si les médias ont des consignes, je ne sais pas si c'est même nécessaire de donner des consignes : j'ai l'impression depuis des années d'une auto-censure des journalistes. Je voudrais demander à la rédaction de Médiapart pourquoi il était impossible de fonctionner en tant que journal papier. Je voudrais comprendre comment le contre-pouvoir journalistique s'est fourvoyé, dissous, je ne sais pas quel est le terme. Je voudrais qu'on m'explique.