Chaque fois, la mise en scène est la même.
11 septembre, vol MH17, les trois adolescents israéliens assassinés, chaque fois, on sacrifie au même rituel, il y a des morts, des victimes, on désigne un coupable, et on part en campagne contre lui. Chaque fois, on joue sur l'affectif, le cœur et l'humanité de ceux qui assistent à la première horreur pour leur demander de valider l'horreur qui va suivre – au nom des victimes.
Dans le fil de l'article posté ce jour, http://www.mediapart.fr/journal/international/270714/nous-navons-rien-essaye-d-autre-que-la-force-denonce-une-ong-de-soldats-israeliens?, le commentaire de ASK75 à 15:40 montre une vidéo de la télé allemande sur la campagne orchestrée autour de la disparition des trois adolescents. La police savait qu'ils étaient morts (elle avait en tout cas un enregistrement de l'un de ces pauvres garçons qui tentait de donner l'alerte, puis des coups de feu) mais le présentateur télé explique que l'info était censurée. Il n'avait pas le droit de le dire. Et ensuite, une campagne immense, une attente immense dans tout le pays « bring back our boys » - pour que la nouvelle, quand elle tombe, soulève un immense refus, un immense chagrin. Et bien entendu, on a désigné le coupable, le Hamas, c'est-encore-un-coup-des-palestiniens, allons raser Gaza. Or il se trouve que le Hamas n'est pas coupable. On s'en est douté très vite car le Hamas revendique ses « prises de guerre ». Qui, alors ? Il est question d'une sous-faction incontrôlée, ou même d'un crime crapuleux, quelqu'un sait peut-être mais l'info n'a pas encore filtré. Mais la mise en scène ! La mise en scène est terriblement rodée.
En Ukraine, les accusations grotesques de manque de respect aux morts, les scénarios avancés sans aucune preuve pour toujours, toujours retourner la responsabilité vers la Russie. Alors que l'Amérique sait forcément ce qui s'est passé, son satellite était à la verticale, nous dit-on, mais on ne montre jamais les images de ce satellite, ou alors simplement la construction d'une base à 160 kilomètres de là, largement à l'intérieur de la Russie, pour expliquer triomphalement que c'est là qu'on a formé les rebelles à l'utilisation des missiles. On ne les a pas vu faire, on n'a que deux photos des bâtiments. Ou alors que l'homme (alors qu'il est impossible, semble-t-il, qu'un seul homme puisse déclencher un missile de ce type) portait un uniforme ukrainien mais que c'était un déserteur. Comment ? Ça se voit d'un satellite, l'allégeance d'un soldat ?
Et ensuite, bien sûr, un seule solution, la guerre, et la guerre fait déjà rage, ou plutôt le pilonnage des populations d'Ukraine, de Gaza. Quant au carnage des Twin Towers, il n'en finit plus de se répercuter en répliques sanglantes dans le monde entier.
Ces morts premiers sont chaque fois si bien exploités que certains observateurs postulent qu'ils ont été tués par ceux qui les exploitent ensuite. Pour amorcer la pompe, pour ainsi dire. Quand on est capable de faire la com' de sa guerre avec autant de cynisme, quand on s'apprête à occire tant de gens qui ne vous ont rien demandé, a-t-on vraiment des scrupules à commencer avec les siens ? On envoie bien "ses" soldats, ensuite. Je ne sais pas si l'horreur va réellement jusque là, mais ce dont je suis à peu près sûre, c'est que les gens qui décident les guerres ne se sentent guère plus d'affinités avec les gens ordinaires, le troupeau qu'ils manipulent, qu'avec leurs « ennemis ». Somme toute, il s'agit de faire des affaires. De poser la main sur de nouveaux territoires, d'en arracher les richesses, de se poser géopolitiquement. Les morts et leurs familles, dans tout ça, c'est tout à fait secondaire.
Seulement – et c'est là qu'il reste une petite fenêtre dans laquelle nous pouvons nous glisser, un petit levier pour agir – seulement, on nous demande encore notre caution. On se donne encore la peine de sortir les violons, de nous tirer des larmes, de mettre sur grand écran les tragédies humaines qui « déclenchent » les conflits. Le sursaut de la population « libérons le Mali des terroristes » ! est encore un passage obligé. Alors, cette caution, refusons de la donner.
Disons clairement que la guerre, aucune guerre, n'est acceptable. Mettons à bas notre industrie des armes (nous avons déjà sabordé des pans entiers de notre industrie, tant pis pour celle-là, ou plutôt tant mieux). Inondons les élus, tous les élus, de messages sur tous les supports possibles en exigeant que le carnage cesse, que la raison d'Etat, qui est en fait la raison des gros industriels, s'efface devant d'autres principes.
Cela ne changera peut-être pas grand chose, mais puisqu'on nous demande encore notre caution, il faut poser ce véto.