Chaque fois que j'achète un livre, je fais travailler un auteur, l'équipe d'un éditeur, celle des imprimeurs, les chargés de com', les critiques littéraires, les transporteurs, un libraire. Chaque fois que j'achète un pot de yaourt, je fais travailler la vache, l'éleveur, la coopérative laitière, la fabrique de pots, de nouveau les transporteurs, de nouveau les publicitaires, et l'immense machine de la grande distribution. Sauf quand j'opte pour les circuits courts. Tous ces gens, employés à tous les échelons, se mettent en quatre pour me procurer le livre ou le yaourt que je demande.
Les grands patrons se contentent de remettre en jeu un fric que moi, je leur ai fourni en faisant vivre leur investissement précédent. Arrêtez de la ramener, m'sieurs-dames (enfin, surtout messieurs), arrêtez de vous poser en sauveurs ! Vous ne serez jamais que des facilitateurs, des intermédiaires qui me présentent des produits (en essayant de me convaincre que j'en ai besoin mais ça, c'est une autre histoire).
C'est moi qui crée les emplois, pas vous.
Et moi, je veux de la solidarité et de la répartition. Je trouve normal que mes salariés soient payés un prix correct, autant que moi, qu'ils aient des droits sociaux, les mêmes que moi. Une retraite aussi élevée que la mienne (vu ce qui m'attend, je la leur souhaite meilleure).
Messieurs les patrons, le seul fric réel de l'histoire, c'est celui que je vous fournis, en remettant en jeu tout ce que j'ai gagné. Je ne lésine pas, moi, je réinvestis tout, tout de suite. Vous, vous bloquez. Vous détournez de l'investissement une part de plus en plus importante des sous que je vous fournis pour la déverser dans la poche de vos actionnaires. Et aujourd'hui, la partie risque de touner court parce que si on assèche mes ressources, je ne vais pas pouvoir continuer à faire travailler tout le pays.
Et c'est bien ce que vous poussez le législateur à faire : assécher mes ressources. En affirmant que je vis au-dessus de mes moyens alors que c'est vous qui ramassez progressivement la richesse du monde dans votre poche, tout en reversant de moins en moins d'impôts. Vous étranglez le pays, messieurs, vous grippez la machine, il n'y a plus moyen de travailler avec vous.
Je vais devoir me résoudre à vous virer.