Raisonnement parti d'une petite phrase dans un papier qui traitait de tout autre chose (l'inondation à Houston) et qui disait en gros qu'à l'inverse de la jeunesse française qui basculait beaucoup dans le vote FN, la jeunesse américaine…
Ah bon ? Moi, vu d'ici… La jeunesse française me semblait plutôt, pour une partie intéressante, plonger pour la première fois en politique en se reconnaissant dans le programme de l'Avenir en commun. Et la jeunesse américaine dans l'effroyable multiplication des viols sur les campus. Si j'ai effectivement vu dans l'entourage de ma fille une très nette régression de la place des femmes dans le milieu estudiantin un peu friqué qu'elle côtoyait à la Sorbonne, cela n'approchait pas l'absence de notion du consentement qui transparaît dans certaines statistiques et vidéos ricaines (ce slogan hideux : « No means yes ! Yes means anal!)
Bon, c'est l'information qui nous vient. Et les images divergent, et comment savoir ! A qui peut-on se fier pour étudier vraiment les tendances et nous en donner une image à peu près fidèle ? Trouver un commentateur qui a accès aux données et dont la sensibilité nous convient… quelle gageure !
La catastrophe des médias. Ce n'est pas que je leur demande de ne pas tenir une ligne, c'est même la moindre des choses d'avoir une vision du monde mais… l'argumenter ? Sans esbroufe, pour qu'on puisse savoir si on en est d'accord ? Ne pas sombrer dans l'affirmation péremptoire, le voilage intégral des faits qui dérangent, le mensonge, la propagande ? Comme on l'a vu au cours de cette effroyable campagne présidentielle ?
Manoeuvre qui a abouti à quoi ? Maintenant, les médias disent du mal de Macron : aujourd'hui, c'est ce qui fait vendre. Le nez sur les sondages, les médias ! Mais surtout, ne jamais, jamais reconnaître qu'ils façonnent le réel, qu'ils l'influencent. Qu'ils présentent une certaine version des choses comme une évidence, en masquant (ou en n'ayant sincèrement pas conscience) que la réalité pourrait être toute différente. Et que cette présentation est éminemment, profondément, intégralement politique. Alors qu'ils croient, peut-être sincèrement, qui sait, ne pas faire de politique du tout.
Résultat… Oh, Mélenchon n'aurait sans doute pas été élu et pourtant la FI portait des idées indispensables. On m'a répondu qu'il n'aurait jamais pu mettre en œuvre ce qu'il promettait mais la réponse à cela, c'était que Macron pouvait parfaitement mettre en œuvre ce qu'il promettait, lui ! Ce qu'il est en train de faire ! Et que là, on s'en relèvera pas indemnes.
La faute ou plutôt l'erreur la plus terrible, ce n'est pas tant de ne pas avoir élu Mélenchon mais de ne pas, tout de suite après ses quasi 20 %, avoir propulsé au Parlement un maximum de représentants du même tonneau. Brusquement, on était « en colère » contre la FI. Brusquement, tout le monde et son petit frère était candidat, un éparpillement fou qui garantissait que nos désirs ne seraient pas (ou si peu) représentés parmi les députés. Brusquement, il fallait garantir que le petit Macron « puisse réussir ». L'électeur rejetait viscéralement Hollande mais élisait celui qui annonçait calmement vouloir faire pire en espérant « qu'il réussirait ».
Il ne peut pas y avoir démocratie si le citoyen n'est pas informé dans son choix, si l'information est biaisée, si elle devient pure propagande. Cette séquence montre clairement (si besoin était !) que nous ne sommes pas en démocratie. Parce que c'est si difficile de savoir, se faire une idée, trouver des sources fiables.
À ceux qui auraient envie de répondre que je n'ai qu'à aller voir comment c'est sous une dictature, etc, etc, je répondrai que ce n'est pas démocratie vs dictature. Il y a une 3e option, très bien décrite par Hérodote dans l'Antiquité. Ni gouvernement par et pour le peuple, ni règne d'un seul, mais règne d'un groupe restreint et dans son intérêt : l'oligarchie. Nous vivons en oligarchie, on fait seulement mine de consulter la population de loin en loin, en cadrant soigneusement l'exercice pour qu'elle ne puisse donner que la réponse attendue. Ensuite, on la renvoie à la niche. On a de plus en plus peur d'elle, on s'arme de plus en plus contre elle, sans qu'il vienne un seul instant à l'esprit de ces maîtres de nous laisser un peu plus de latitude, de partager un peu plus. Non, ils suivent une logique de guerre et nous fonçons vers l'inévitable explosion.