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Le petit monde médiatico-politique, cet aréopage de perroquets librement reclus dans la caverne d’Echo, se gargarise aujourd'hui des cinq syllabes qui forment le mot : « radicaliser ». Le politicien, le journaliste, l'animateur d'émissions désinformatives qui n'a pas prononcé le verbe ou l'un de ses dérivés au moins cent fois en vingt-quatre heures, n'est pas digne des ondes publiques comme privées, déversant sa logorrhée dans l'oreille captive des auditeurs et jusqu'à la cervelle disponible des téléspectateurs accablés. « Que le français moyen, sa ménagère et les petits zenfants entendent le plus souvent possible les mots radicalisé, radicalisation et tutti quanti ! » a décidé on ne sait quel Goebbels régnant sur la police du vocabulaire qui, comme l'autre, matraque sans vergogne les crânes à ramollir.
D'abord, ce fut les gamins des banlieues, ces sales gosses qui ne veulent rien foutre à l'école mais passent leur temps sur internet à regarder des publicités pour le djihad et le suicide par explosion, ces filles de quinze ans qui fuguent vers la Syrie, un foulard sur la tête. Cette jeunesse mal née, expliquèrent les experts, se fait radicaliser dans le dos de la République qui, bonne fille, parvient parfois à en choper un ou deux sur les bancs de la classe, repérés par des professeurs laïcs ouvrant l’œil et le bon. Et, dans la lucarne magique, on disserta longuement sur la radicalisation islamiste des jeunes des quartiers. Qu'importe si l'on découvre peu à peu que les criminels auteurs des attentats ne savent pas lire leur Coran, sont de petits délinquants au QI d'huître fascinés par le fric et la gloriole, jusqu'au-boutistes de la connerie reconvertis en assassins de masse après avoir échoué dans la carrière du grand banditisme. Ils se sont ra-di-ca-li-sés. Radicalisation est le nom de la peur.
L'actualité est changeante comme un ciel de printemps. Le mouvement social est là, dès avant le jour du muguet et bien plus florissant. Pourtant, la radicalisation, prête à sauter sur tout ce qui bouge, poursuit sournoisement son œuvre et les lèvres médiatiques ne cessent de répéter son saint nom. Dénoncerait-on une police de droite décomplexée qui embarque, gaze, cogne et éborgne à tout va ? Non pas. Il s'agit de.... la CGT. Et dans la lucarne magique, on disserte longuement sur la radicalisation de la CGT, ce dangereux syndicat radical constitué de travailleurs radicalisés, repérables à leur couteau entre les dents et à leur volonté farouche d'arracher les chemises patronales.
On n'aura pas le mauvais esprit d'imaginer que les démagogues qui diffusent la propagande officielle tentent d'établir, dans l'esprit paresseux des braves gens, un lien entre action syndicale et terrorisme. On n'osera pas penser que le cynisme des tenants du pouvoir va jusqu'à lancer exprès ce noble mot de « radical » qu'ils ont vidé de son sens et sali, au nez de militants qui ne peuvent le renier tant il est aussi porteur d'un idéal, d'une fermeté dans l'engagement. Ce serait vraiment trop moche.