Uniforme

La France est un petit pays peuplé d'hommes blancs frisant la soixantaine, lesquels discutent gravement entre eux ou se chamaillent à la télévision. Quelle superbe, quelle majesté dans le regard de ces hommes blancs aux tempes argentées, qui portent sur leurs épaules couvertes d'un costume de bonne coupe, et non sans aisance, l'accablante charge des responsabilités et dans leurs mains viriles bien que manucurées le glorieux destin national. Pressés et toujours en avance sur leur temps : quand ils sont encore jeunes, ils sont déjà vieux. Partout on les voit affairés, le pas rapide, sautant d'une berline, descendant de l'avion, serrant les mille mains de la foule, puis se tenant bien droit, le petit doigt sur la couture du pantalon tandis qu'une assemblée d'autres hommes blancs les acclame avant d'aller voter les lois. Ils aiment la police, l'ordre militaire et les bilans comptables, mêmes truqués. Ils savent quoi faire pour redresser, corriger, relancer, réformer et remettre la France sur la voie fleurie de la croissance qui apportera bonheur et prospérité aux hommes blancs méritants. Leur indiscutable compétence se voit à leur cravate et au cirage impeccable de leurs souliers de cuir. Leur sérieux se lit sur leur face où le sourire est une grimace répétée cent fois devant un miroir de salle de bains.

C'est un petit pays bien étrange que la France. On dit parfois que des voyageurs, venus de Perse ou de Saturne, y auraient croisé quelques femmes et un nombre important d'autres minorités qui toutes réunies constitueraient une belle majorité. Mais ce ne sont qu'élucubration de rêveurs. La France est un petit pays peuplé d'hommes blancs frisant la soixantaine, candidats à l'élection présidentielle.