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À qui se demanderait pourquoi des enfants fuyant la guerre se noient sur les dix maigres kilomètres qui séparent la côte turque de l'île de Lesbos en Grèce, et qui seraient sauvés par la simple mise en service d'un bac sécurisé, répondre ceci : il faut effrayer les populations. Terroriser ceux qui le sont déjà après tant de bombardements, de destructions et de violence. La mort derrière, la mort devant, la mort qui vient aussi du ciel : pas moyen de s'échapper de la nasse.
À qui se demanderait pourquoi tant de chicanes administratives, tant de refus, tant de rogue aux guichets des préfectures françaises contre une information incomplète formulée du bout des lèvres aux immigrés, même à ceux qui satisfont aux critères absurdes de leur régularisation : c'est qu'il faut pourrir la vie des sans-papiers, leur faire comprendre qu'ils ne sont pas les bienvenus. Il faut effrayer les populations.
Pourquoi tant de sans domicile dans les rues de nos villes, tapis dans les creux des immeubles toutes les nuits longues ? Pourquoi les bidonvilles ? Pourquoi la faim ? Pourquoi tant de chômeurs ? Tant de maltraitance au travail, stress, doubles contraintes, compétitions, horaires à rallonge et pas de rémunération pour les heures supplémentaires ? Tant de militaires en armes patrouillant partout ? Tant de contrôle des allocataires, tant d'humiliation des pauvres et vingt-cinq suicides par jour ? Tant de surpopulation dans les prison, tant d'assignés à résidence ? Pourquoi la volonté de surveiller chaque recoin de nos vies ?
Effrayer les populations, les réduire au silence et à la passivité. Les conduire sous la matraque, qui cogne fort même quand elle est symbolique, à l'acceptation d'un état des choses qui ne les satisfait pas par la peur du pire qui est la peur de la mort. Le pouvoir sous toutes ses formes n'a d'autre visée que son autoreproduction, et c'est par la terreur qu'il l'impose. Sous le masque de plus en plus grimaçant de la fiction démocratique et de la protection des lois : la séduction démagogue et la menace des coups. Certains se demandent si les assassins que le pouvoir désigne sous le nom de terroristes sont des ennemis ou bien des alliés du pouvoir. Que leur répondre ?