François d'Assise, ce saint modeste qui prêchait aux oiseaux, revient à la mode par le truchement d'un pape qui lui emprunte son nom. Mais, tandis que le mendiant stigmatisé trouva la béatitude dans l'extrême dénuement, une majorité de Français moins portés sur l'ascèse et les délices de la privation, ne semblent pas si pressés de s'en aller « épouser Dame pauvreté. » Il est vrai que les mariages forcés ont un goût amer et que la laideur de la mouise au sourire sans dent fait de l'épousée un effrayant repoussoir.
D'après un sondage du Secours Populaire, la pauvreté continue tranquillement de progresser dans notre beau pays au point qu'une personne sur trois peine à s'assurer trois repas par jour. La peur du manque hante les esprits et l'on doute fort aujourd'hui que nos neveux connaissent une meilleure vie que la nôtre. La dégringolade sociale et la débine comme seules perspectives d'avenir, voici l'ultime bienfait du productivisme et de l'économie néolibérale. Sur ce terrain miné par la souffrance et la rancune contre une société de consommation qui exclut, surgissent des réfugiés venus de pays en guerre, guerres lointaines mais dont nos gouvernements irresponsables ne sont pas tout à fait étrangers. Après maintes hésitations qui relèvent du calcul d'épicier pour ne pas ruiner encore un capital de popularité exsangue, poussé par une partie de l'opinion publique écœurée de dîner tous les soirs devant des cadavres échoués sur les plages d'Europe, le président décide de faire semblant d'accueillir à bras ouverts une poignée de survivants. La part de « misère du monde » qui revient à la France est ridicule comparée à l'ampleur des besoins, mais elle s'établit à plusieurs mille, symbole du grand nombre. Et voilà qu'on cherche partout des « lits » où loger les réfugiés, comme si le pays n'était qu'un vaste hôpital, et que, stupéfaction, on en trouve !
On voit le boulevard pavé de velours qui s'ouvre sous les bottes de l'extrême droite, ces fêlés de la préférence nationale qui prolifèrent sur le fumier des peurs : peur de l'avenir, peur de l'immigré, peur du musulman. Et l'on souhaite un vaste plan d'éradication de la pauvreté qui viendra balayer la souffrance et les angoisses et ainsi permettre l'accueil sans réserve des femmes et des hommes qui demandent asile.
« On atteint plus vite le ciel en partant d'une masure que d'un palais », enseignait saint François. Le ciel peut attendre, se dit Hollande, mais comment rester au palais ? En faisant enfin son boulot de président de gauche?