Montreuil. Familles Roms expulsées : la mobilisation se renforce

La loi du plus fort, le mensonge de la propagande officielle, le rapport de forces ô combien inégales et un arrière-goût assez rance de discrimination : ce qui se joue à Montreuil est, à l'échelle d'une commune, exemplaire de l'état d'esprit d'aujourd'hui en France. Treize familles Roms expulsées sans relogement, à la rue depuis un mois et demi ! Ah, si la mairie était de droite, on les entendrait les chœurs offusqués des élus se disant de gauche, clouant au pilori un maire qui laisse, depuis quarante-cinq jours, dix-neuf enfants montreuillois sans abri. Mais le maire est communiste, l'équipe municipale de gauche plurielle, alors les quarante Roms expulsés de la Boissière peuvent bien crever sur leurs matelas pourris posés dans la rue : silence, on extermine.

Il n'y a plus de gauche ni de droite, il ne reste de l'ancienne confrontation idéologique que des marques aux jolis logos apposés sur des savonnettes toutes sorties de la même usine. Si le maire était étiqueté Républicain ou Front National, peut-être qu'on n'entendrait rien non plus tant il devient communément admis que les Roms sont une plaie dont on ne veut pas chez nous. Chez nous, c'est aussi chez eux depuis dix ans : ah, non ! ce n'est pas possible, les Roms sont des étrangers pour toujours. Des montreuillois comme les autres ? vous n'y pensez pas ! L'ambiance générale est à la libération de la parole raciste. L'employé d'une cafétéria lance : « pas de Roms dans mon établissement ! », et le groupe d'associatifs, de gens solidaires autour des treize familles Roms expulsées de la Boissière doit aller s'installer ailleurs pour faire sa réunion quotidienne. Pas de Roms dans mon établissement, dit le bistrotier. Plus de Roms dans ma ville, dit le maire. Plus de bidonvilles dans ma région, dit le préfet, mais pas de relogement non plus. Et la ministre du logement, qu'est-ce qu'elle dit ? Tous jouent le cinéma du désaccord et se renvoient la balle, mais ils suivent la même ligne: ne rien faire pour les Roms de la Boissière. Et leur refus est aussi dur que le béton des murs que l'on installe un peu partout en Europe. C'est le mur du mépris et de l'indifférence, c'est l'entre-soi comme seul horizon politique : on sait où cela mène.

Et tandis que les journaux font leurs manchettes sur les affaires crapuleuses d'un ex-président ou d'un ex-ministre, sur les primaires électorales dont le cirque ne semble concerner que les seuls clowns en piste, sur des questions cruciales de maillots de bains, ou de longueur de short, les Roms et avec eux tous les pauvres dont le nombre ne cesse de grandir dans notre beau pays, peuvent bien crever sur leur matelas pourri posé sur le trottoir, ils n'intéressent personne : silence, on extermine.

Les contribuables montreuillois seront heureux d'apprendre que leurs impôts sont bien employés : non seulement ils payent les expulsions sans relogement de familles Roms qui permettront à des tiers de réaliser de juteuses opérations immobilières sur les terrains ainsi vidés, mais ils payent aussi la gazette municipale, ce « Montreuillois », où le maire et son équipe étalent sans vergogne les plus odieux mensonges d'une vile propagande. Sachez-le braves gens : la mairie a tout bien fait, les responsables sont l’État et les Roms eux-même ! Surtout les Roms, d'ailleurs, qui auraient refusé toutes les belles propositions d'hébergement qui leur auraient été faites. Des preuves ! Des preuves de ces propositions d’hébergement, des preuves que tout a été mis en œuvre pour éviter la situation dramatique des enfants à la rue, des preuves que la municipalité « fait son devoir » ? Il n'y en a pas, seulement des déclarations répétées, des faussetés qui a force d'être dites passeront peut-être pour des semi-vérités aux oreilles des plus crédules. C'est un pari comme un autre et mentir ne coûte pas cher, pas plus que de se reposer sur ce qui a été fait dans le passé par la municipalité précédente pour s'exonérer de tout effort aujourd'hui.

Heureusement, il y a une radio alternative, qui accueille les familles Roms et des gens solidaires pour une émission spécialement consacrée à la situation des Roms expulsés de la Boissière. Heureusement, la mobilisation se renforce. Vendredi 9 septembre, une réunion à la Maison des associations de Montreuil a rassemblé une cinquantaine de personnes. Et le groupe est bien plus large car, fête de l'Huma oblige ou raisons personnelles, tous, hier, n'avaient pas pu venir. Ce collectif de citoyens et de citoyennes est déterminé à ne pas baisser les bras devant la force d'inertie et les mensonges des pouvoirs publics et des élus, et à obtenir la mise à l'abri urgente des familles qui sont depuis bien trop longtemps à la rue, avec les enfants, avec les bébés. Des personnalités du cinéma et de la culture s'impliquent en parrainant les mineurs. Mais la mairie persiste et annonce une expulsion de la place Jean-Jaurès où les familles Roms se sont réfugiées depuis dix jours. Expulsées encore ! mais où vont-elles aller ? La ministre du logement, Emmanuelle Cosse, a récemment déclaré au sujet de l’hébergement des réfugiés : «Au besoin, je n'hésiterais pas à réquisitionner des lieux publics. » C'est le moment de montrer qu'après les paroles politiques, il y a les actes. Pour les treize familles Roms de Montreuil, c'est un besoin urgent.

LIEN VERS LA PAGE D'AMNESTY INTERNATIONAL SUR LES FAMILLES EXPULSEES

LIEN VERS L'EMISSION DE RADIO LE JOUR DE LA SIRENE