
Les amateurs de pognon, ces managers dingues, shootés aux profits et aux rondelets dividendes versés à des actionnaires voraces, débordent d’idées quand il s’agit de faire gonfler le chiffre d’affaire de leurs malfaisantes entreprises. Au vaste jeu de bonneteau du commerce, le mensonge est roi : tout est sous la coupe du marketing pour assécher les poches du client bonhomme, de la ménagère crédule et de leur marmaille élevée à la publicité.
Les grosses ONG sont des multinationales presque comme les autres. Certes, elles n’ont pas le bonheur de savourer les joies de l’actionnariat, mais ces associations ventripotentes ont comme tous les marchands de lessive, l’œil rivé sur la rentabilité. Ce n’est pas parce que le fond de commerce est la pauvreté, le malheur et la violation des droits humains qu’il faudrait négliger le développement de l’activité. Le marché de la misère prospère : n’est-elle pas la seule énergie éternellement renouvelable ? Le charity business a de longs et beaux jours devant lui.
Alors, comment arracher leur RIB aux badauds du samedi, transformés, après discours culpabilisant des recruteurs de rue, en généreux donateurs ponctionnables à merci ? Comment modifier son image de grasse machine nourrie à la subvention publique et au mécénat, en héraut du militantisme ? Comment faire oublier sa position d’alliées des politiques publiques, nationales et internationales, à l’origine des crimes et du désespoir que les grosses ONG sont chargées de gérer, poursuivant ainsi la guerre contre les pauvres par d’autres moyens ?
Heureusement, le merchandising produit des miracles dans l’art subtil de faire prendre des vessies pour des lanternes. On connaissait le greenwashing, cette fumisterie verte qui vend de la saloperie polluante plus bio que bio ; on a découvert le pinkwashing ou la promotion de l’homosexualité pour camoufler une image publique détestable ; voici venu le temps de ce que l’on pourrait appeler du joli nom de « fistwashing », et qui n’a pas la couleur d’une pratique sexuelle (quoique…) : c’est le poing levé dans un geste de rébellion, la désobéissance civile portée en étendard par des ONG qui se satisfont pourtant très bien du système, cette sale bête qui grassement les nourrit.
Aujourd’hui, on ne s’improvise pas contestataire : on le devient, en retournant à l’école (des sorciers du militantisme). Et voici les petit.es salarié.es de ces ONG à l’organigramme parfaitement vertical, soumis.es à la même peur du chef ou de la cheffe de service que n’importe quel employé.e dans un contexte de chômage de masse entretenu, convié.es à assister à des formations accélérées... d’activisme ! La lutte qui continue n’est pas une évidence pour les lauréats du système scolaire. Alors comme les organisations syndicales en panne de bergers comme de troupeaux, les ONG paient des spécialistes de la désobéissance civile pour former leurs petites mains à ouvrir leur gueule sur commande. C’est joyeux, c’est rigolo : pendant deux ou trois jours on s’initie à la méthodologie de l’action désobéissante, on joue à investir les locaux d’une entreprise en réveillant le clown qui sommeille en chacun, on s’amuse à faire face à la police et l’on apprend à parler poliment aux gentils cognes, tout en utilisant à bon escient la technique corporelle de l’anguille, on se perfectionne dans la séquestration amicale (avec plateau repas), et l’on mémorise ses droits et la conduite à tenir lors des gardes à vue qui ne manqueront pas de s'ensuivre, achevant en beauté ces actions désobéissantes missionnées par le patron.
L’important c’est l’image et la narration médiatique, la bonne communication avec des journalistes amis, pour berner les gogos des réseaux sociaux, assoiffés de faire-semblants. Il parait que ça rapporte.
Ainsi va la société du spectacle, où tout est mauvaise comédie de théâtre forum. L’action directe n’est plus le monopole de révolutionnaires à la gueule patibulaire, mais une formation professionnelle bisounours à choisir sur catalogue. Que les chômeurs intéressés par l’humanitaire se mettent à jour : les séjours aux comicos seront dorénavant exigibles sur les CV. On ne peut qu’encourager les élèves appliqués de ces formations pointues à passer aux travaux pratiques : en commençant par l’aimable séquestration de leur DRH ?