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Billet de blog 16 septembre 2016

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Montreuil. Familles Roms expulsées: tout ça pour ça?

Au bout de cinquante jours à la rue : une poignée de nuits d'hôtel. Il aura fallu la détermination sans faille des familles Roms expulsées et des personnes solidaires pour obtenir enfin un hébergement d'urgence, loin de Montreuil et pour quelques jours. Petite victoire ou retraite amère?

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Illustration 1
Geanina, Denissa, Diana, Ionut et Elvis devant les portes de l'école le jour de la rentrée. Montreuil septembre 2016 © Gilles Walusinski

Au bout de cinquante jours à la rue : une poignée de nuits d'hôtel. Il aura fallu la détermination sans faille des familles Roms expulsées et des personnes solidaires pour obtenir enfin un hébergement d'urgence, loin de Montreuil et pour quelques jours. Il aura fallu cinquante jours d'abandon et d'humiliations, pour que les familles Roms, exténuées, se résignent à cet hébergement d'urgence, loin de Montreuil et pour quelques jours. Petite victoire ou retraite amère? question de point de vue.

Jeudi soir, les enfants ont dormi dans un vrai lit sous un vrai toit. Peut-on se permettre de jubiler quand tant d'efforts et de souffrances ont été nécessaires pour arracher enfin les pouvoirs publics à leur inaction et recevoir le minimum vital auquel tout enfant peut prétendre ? Pitoyable triomphe.

La Mairie se réjouit, elle a obtenu ce qu'elle voulait depuis le 28 juillet : la disparition des Roms, l'effacement de leur encombrante présence sur la place Jean-Jaurès, leur éviction de la commune. Elle a réussi à refiler à l’État le problème du relogement des familles qu'elle a jetées à la rue. Débarrassée du fardeau, la Mairie peut retourner à ses juteuses opérations immobilières.

Car elles ont été « mises » un peu partout, les treize familles Roms : dispersées en Île-de-France, de Livry-Gargan à Fontainebleau. Leur vie est à Montreuil depuis dix ans. À Montreuil sont leur boulot et l'école des petits. Mais il paraît qu'il n'y a pas la possibilité de les héberger plus près qu'à des kilomètres du centre de leur vie. Et loin aussi les unes des autres comme des personnes solidaires qui les entourent depuis leur expulsion. Plus de travail, pas d'argent pour manger ou circuler. Il paraît qu'elles ne pouvaient pas refuser. Il paraît que c'est la première étape sur le chemin du bonheur : l'accompagnement par la plate-forme régionale d’accueil, d’information, d’orientation et de suivi (AIOS) .

À l'hôtel, pour quelques jours. On ne peut pas y faire la cuisine, il n'y a pas la place pour entreposer les affaires. Et pas forcément le même hôtel : il en faudra peut-être changer. D'hôtel en hôtel, tel est l'hébergement d'urgence. Jusqu'à quand ?

Jeudi matin, j'ai accompagné à l'école les cinq enfants scolarisés en primaire. À huit heures pétantes, je les ai trouvés sur la place de la Mairie, tous prêts, habillés de pied en cap, assis sur leurs matelas humides, le cartable sur le dos. Il y avait eu de l'orage. Le sol était mouillé. Nous avons pris le bus. Gros bisous devant les portes qui s'ouvrent quand la cloche sonne. De leur lointains et changeants hôtels, comment seront-ils encore à l'heure à l'école ?

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