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Billet de blog 20 avril 2016

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Les choses sérieuses

Pendant les AG, l'Etat policier, tranquillement, se renforce.

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Illustration 1
© mafate69

Approchez, approchez ! Regardez comme elle est belle notre démocratie sous état d'urgence !Venez-voir, n'ayez pas peur ! Rassemblez-vous sur les places publiques quadrillées par les caméras de surveillance ! Parlez tout votre saoul près des oreilles des flics en civil presque imperceptiblement mêlés aux citoyens ! Touchez du doigt la belle liberté de penser et de s'exprimer. Comme les jeunes de notre pays sont bien compris dans leur irrépressible besoin de s'indigner! Folle adolescence, éternelle jeunesse indocile qui depuis toujours refait le monde ! La liberté n'a rien à craindre de l'état d'urgence. Pas de blindés déboulant à la République, pas d'évacuation musclée des Nuits debout mais quelques petits coups de matraque tout de même sur les caboches endurcies, un peu de lacrymo ici ou là dans les manifs, une poignée de casseurs assermentés, juste pour le folklore et l'action. Il faut bien que les poulets restent les cognes ou se perdrait tout le sel de la rébellion.

Pendant les AG, l'Etat policier, tranquillement, se renforce. C'est qu'il faut assurer la sécurité des Français puisque nous-sommes-en-guerre et que viendra bientôt la grande fête du fric, du foot et des fans-zones. Tandis que les gentils rêveurs nocturnes écrivent une nouvelle constitution, tandis que les fêtards boivent leurs bières et fument en écoutant les palabres, tandis qu'on se querelle sur la récupération qu'on n'en veut pas, le premier sinistre et son copain de l'intérieur s'occupent des choses sérieuses : nouveaux équipements pour les BAC dont la délicatesse sera décuplée grâce aux fusils d'assaut, nouveau schéma d'intervention des unités enfin unies pour cogner plus fort et plus vite, maillage plus serré du territoire par les forces d'intervention, plus quatre nouvelles antennes du GIGN qui ne connaît pas la crise ni les restrictions de budget, et la prolongation renouvelée de cet état d'urgence si indolore pour les braves gens qu'ils n'y pensent plus et se rassemblent librement le soir tombé, comme si nous étions vraiment en démocratie.

« Il se passe quelque chose » dans ces Nuits debout, clament les organisateurs et les optimistes. Tant mieux. Mais il se passe aussi quelque chose de l'autre côté de la réalité, celui des armes plus largement distribuées aux policiers, de la surveillance généralisée, de la violence d’État, légalisée et légitimée. Comment se défaire de l'image obsédante d'une portée de chatons jouant entre les pattes griffues et sous les crocs acérés du fauve qui, sûr de sa force, laisse faire ? Passer enfin aux choses sérieuses.

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