
Thierry Mariani n’est pas une ordure. On le voit bien sur la photo : l’homme à la gabardine brune et au visage chafouin est un notable respectable, en attestent le poil gris et les lunettes, la tablette discrètement serrée sur le ventre par les mains très clean. Un bon bourgeois, un papa sérieux et « sans complexe », qui veut faire le job. Derrière le politique passé de la droite extrême à l’extrême droite avec la facilité de ce qui glisse des toilettes dans la fosse septique, un parking et puis un long mur de ciment. Tout au fond, c’est flou : des arbres dépassent du mur et l’on distingue aussi des tas d’on ne sait quoi qui n’ont pas l’air bien propres. Drôle d’endroit pour une campagne.
On est quelque part dans l’Essonne, et Thierry Mariani qui n’est pas une ordure, mouille la chemise pour sa gueule sous l’étiquette du Rassemblement National. La soupe est bonne, paraît-il. Elle se déguste entre gens de bonne compagnie et sans trop d’effort dans l’Europe des nations et des libertés, ce groupuscule adepte d’un fascisme légitimé par les urnes. C’est l’estrade idéale pour un décomplexé comme cet ex-ministre sarkozyste dépourvu de mandat, qui beugle à qui mieux mieux sa détestation des migrants, de l’Islam et de « l’islamo-gauchisme ». Sans oublier les Roms.
Thierry Mariani n’est pas une ordure. Accompagné de François Hélie, secrétaire FN de la troisième circonscription de l’Essonne, qui n’est pas une ordure, le candidat numéro 3 sur la liste RN aux européennes, « a fait le tour des camps roms de Vigneux-sur-Seine » ainsi que nous l’apprennent deux journalistes du Parisien. Et c’est « avec en toile de fond, le camp rom qui longe la voie ferrée » que Thierry Mariani a tenu « sa conférence de presse en comité restreint ». Point presse aussi « sauvage » que les campements illicites dont il a dénoncé « l’insalubrité sans nom » avant de rejoindre les locaux plus cosy d’une réunion publique électorale.
« Mariani barre la route des roms » titre, usant d’un jeu de mots aussi imbécile que nauséeux, le quotidien régional dont la rédaction en chef n’est pas composée d’ordures. Thierry Mariani n’a pas participé mardi à la « manifestation-instrumentalisation contre l’antisémitisme ». Instrumentaliser l’antisémitisme c’est pas beau et Thierry Mariani n’est pas une ordure. Alors il préfère instrumentaliser l’anti-tsiganisme, la romaphobie en plein essor, qui fleurit partout en liberté sur les réseaux sociaux, avec l’approbation des braves gens et dans l’indifférence des autres. Thierry Mariani n’est pas une ordure, pas comme ces Roms qui vivent (regardez la photo!) parmi les déchets et sont donc aussi des déchets dont il faut d’urgence se débarrasser. L’ordure, pour Mariani, c’est les roms pauvres, européens sans droits, sans ressources, sans défense. Tout le monde est d’accord là-dessus, puisque qui ne dit mot consent, ce qui prouve bien qu’il a raison.
« Par lâcheté on laisse ces situation durer » clame le prétendant à la gamelle européenne. Le courage, selon Mariani qui n’est pas une ordure, ça serait quoi ? L’article ne le précise pas mais on en a tout de même une idée puisque ça commence par l’évacuation des bidonvilles dès la fin de la trêve hivernale. Et puis ? La déportation ? Pourquoi pas, acquiesce implicitement Audey Guibert, conseillère régionale d'Ile-de-France, conseillère municipale de Savigny-sur-Orge, Déléguée départementale du Rassemblement national 91, et qui n’est pas une ordure. Dans un tweet, Audrey Guibert fixe non sans un extrême courage l’ « objectif zéro campement roms en France ». Avec à la clé le rétablissement des frontières et des contrôles douaniers : vive l’Europe.
« En mai 1943, après des années d'assassinats et de déportations, les nazis déclarèrent Berlin judenfrei, libre de Juifs. En février 2019, le rassemblement national nous promet une France Zigeunerfrei, libre de Tsiganes », commente dans un post Facebook l’écrivain rom Jacques Debot.
Plus de soixante-dix ans après le Samudaripen, le génocide des Tsiganes, les ordures du RN savent bien que la haine contre les Roms fait toujours führer.