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Billet de blog 23 septembre 2017

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Pour dire non, on signe!

Une autre voie est possible : celle de la solidarité avec celles et ceux qui sont encore considérés comme des citoyens de seconde zone, parce qu'ils sont pauvres, parce qu'ils sont Roms. Nous ne voulons plus d'évacuation de bidonvilles sans relogement. Plus de familles, plus d'enfants sans abri!

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Illustration 1
Montreuil 13 juin 2017 © Gilles Walusinski

Le pire c'est le matelas à même la rue, calé dans une encoignure. Et puis il y a la tente, qui protège un peu, surtout du vent, mais quand il pleut l'eau passe en-dessous et imbibe le matelas. La voiture garée le long d'un trottoir, cette carcasse qui ne roule plus et dont on a retiré les sièges arrière pour y dormir à quatre, résiste mieux mais en cas d'orage l'eau s'infiltre par les vitres fêlées et les enfants ont peur. Il y a la cabane, serrée contre d'autres cabanes, ça finit par former des ruelles, un petit village, ça commence à ressembler à des maisons à décorer comme on aime, où ranger ses affaires, où l'on peut se réchauffer : un espace à soi. Et la caravane, installée sur un terrain vide. Ou l'occupation d'un bâtiment déserté depuis longtemps, que l'on investit pour se mettre à l'abri.

Mais le Ministère de l'intérieur, les préfectures, appellent cela campement, bidonville, squat, et d'un seul adjectif qualifient les lieux où vivent des familles : «illicites». Illicite : «qui est condamné par la loi et/ou par la morale». C'est condamné par la loi de se débrouiller comme on peut pour s'abriter avec ses enfants quand on n'a rien. La préfecture envoie la police et les bulldozer pour détruire les campements, les bidonvilles, les squats, et mettre tout le monde dehors. Les familles se retrouvent à la rue, les enfants déscolarisés, les parents privés des maigres ressources qu'ils avaient réussi à organiser, et de toutes leurs affaires. Mais ce qui est illicite du point de vue de la morale, ça ne compte pas quand c'est les préfectures qui l'ordonnent.

Pas de misérabilisme ici, juste un constat. En faisant une recherche rapide, j'ai compté le nombre de personnes jetées à la rue après la destruction de leur campement ou bidonville. En moins d'un mois, de mi-août à mi-septembre, près de mille deux-cents hommes, femmes, enfants, sont devenus des sans abri, et je sais que ce nombre est sous-évalué. Depuis, il y a eu l'évacuation d'un bidonville à Champs-sur-Marne, et combien d'autres encore? À l'approche de la trêve hivernale, le rythme s'accélère.

Qui ne connaît pas de Roms, et surtout des roms étrangers, les plus précaires, ne sait pas ce qu'est le racisme en France. On a beau avoir accompagné des jeunes adultes sans papiers dans leur long et pénible parcours pour la régularisation, on a beau savoir combien les discriminations au logement, à l'emploi, dans les moindres aspects de la vie quotidienne, pèsent sur tous les racisés, on a beau voir avec horreur les violences exercées par l'Etat contre les réfugiés, le racisme anti-roms, structurel, profondément ancré dans les habitus, soutenu par les politiques d'exclusion menées de fait par les gouvernements successifs, se dresse comme le plus haut des murs sur le chemin de familles qui ne souhaitent rien d'autre que de vivre paisiblement ici, parmi tous les habitants. Comment expliquer, sinon, que des familles établies depuis plus de dix ans en France, soient encore à la rue?

Cette politique d'exclusion des populations roms de France, qui conduit les pouvoirs publics à détruire les lieux de vie dits «illicites» sans reloger les habitants, nous sommes aujourd'hui plus de mille deux-cents à la contester fermement. Nous n'acceptons pas que des enfants soient jetés à la rue, et condamnés à une vie de misère, élevés dans des conditions de pauvreté telles qu'ils n'ont pas toujours suffisamment à manger, qu'ils ne peuvent être soignés correctement, privés de la possibilité de s'instruire en allant à l'école comme les autres enfants de France, nous n'acceptons pas que les destructions de bidonvilles et de campements sans relogement soient accomplis en notre nom. Plus de famille, plus d'enfants sans abri!

La pétition que nous adressons au Président de la République, au Premier Ministre et au Ministre de l'intérieur, a été signée notamment par Anina Ciuciu, qui sera peut-être la première femme rom française a être élue demain au Sénat. Les commentaires qui accompagnent les signatures, formulés sur le ton de l'indignation et parfois de la colère, indiquent qu'une autre voie est possible : celle de la solidarité avec celles et ceux qui sont encore considérés comme des citoyens de seconde zone que l'on peut d'un coup de pelleteuse priver de leurs abris, dont on peut confisquer ou détruire les affaires, et chasser, parce qu'ils sont pauvres, parce qu'ils sont Roms. La pétition est ouverte, rejoignez-nous!

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.