Eurêka ! Le bain de tristesse et d'ahurissement où plongèrent les exécutifs européens après que le résultat du référendum eut déclaré le Royaume-uni hors de l'union fut propice aux idées géniales naissant en chapelet dans le cerveau toujours actif du président français.
D'aucuns imaginaient déjà un abandon raisonnable de la « loi travail », si détestée par la population, d'autres se prenaient à rêver d'une Europe démocratique qui ne fonctionnerait plus pour l'augmentation du capital des riches de plus en plus riches, mais se mettrait au service des pauvres de plus en plus nombreux. Au coin des rues l'on entendit murmurer ces mots doux : l'Europe des peuples. C'était enfin l'été, le soleil rayonnait de tous ses feux sur les casques astiqués des pandores qui surveillaient étroitement le badaud s'en allant, du côté de la Bastille, acheter une paire de lunettes de piscine.
Enfermé avec ses conseillers dans son palais élyséen devenu lacrymogène pour les malheureux électeurs qui l'avaient mis là, le président réfléchissait. « Well, well, well, what a mess ! », ronchonnait-il sous les yeux interloqués des experts qui ne le savaient pas biglotte. Soudain le visage expressif du monarque républicain s'illumina d'un sourire vainqueur : « Je les ai compris ! », s'exclama-t-il. « À l'instar des perfides rosbeefs, les peuples européens sont xénophobes et succombent aux sirènes fascistes : donnons-leur des flics et des canons ! » La méchante tambouille consistant à faire une politique d'extrême droite en prétendant lutter contre l'extrême droite, sentait le réchauffé. Mais elle plaisait au président français car elle flattait son goût pour l'uniforme, les états-major et la tournée des popotes. « Vive l'Europe de la défense ! » claironna-t-il à la télévision.
Et voici que les migrants, ces pauvres hères poussés par la guerre et par la misère à chercher refuge au péril de leur vie sous les cieux moins meurtriers de notre beau continent, se virent encore une fois élevés au rang délicat de boucs émissaires. Ces pelés, ces galeux d'où venait tout le mal de l'Europe, on allait vite en finir avec eux. La menace terrible que représentait ces hordes d'hommes, de femmes et d'enfants venus d'ailleurs avec leurs poches trouées et leur valise en carton, il fallait la réduire à néant par un peu plus de camps de concentration aux frontières, un peu plus de coups de matraques à l'intérieur et beaucoup de proclamations belliqueuses partout. Il en allait de la sacro-sainte sécurité des braves européens.
C'est ainsi que le président français crût qu'il serait réélu, que les ventes d'armes en tous genres donneraient de l'ouvrage aux chômeurs et que les affaires européennes, un moment perturbées par ce référendum imbécile (quelle idée de demander son avis au peuple!), pourraient tranquillement reprendre.