
Ils y courent ! Élire le maître qui raffermira les chaînes, porter aux nues le père assignant aux fils la loi. Délivrez-nous de la liberté jusque dans nos songes ! supplient-ils. Ah, soulagez-nous du fardeau d'avoir à nous gouverner nous-mêmes. Voyez comme nous nous livrons, pieds et poings liés, à la sagesse du sabre et même du goupillon. Et ils déguisent l'ultime soumission en bravade.
On feint de s'intéresser à l'identité du vainqueur à la course au pire, on pèse et soupèse le poids de l'infâme et celui de l'odieux, on établit sur le rance d'expertes comparaisons. Plutôt Dieu ou un peu plus République ? Chacun ses goûts. Le chauve ou le chevelu ? Citoyen, choisis la coiffure de ton prochain oppresseur.
Quelle que soit sa grimace, la viande du futur patron est de longue date avariée ; un peu de cosmétique : il est tout neuf. Les miasmes de la réaction prolifèrent sous le charme discret de l'ancienne France. Nos clochers, nos Jeannes d'Arc, nos gaulois, nos glorieuses colonies, nos valeureux soldats, nos bonnes actions pour les pauvres méritants, nos mères à la maison, nos petites économies chez le notaire et toute la bimbeloterie des petits-bourgeois patriotes. Ils en reveulent, paraît, du catholique ou du républicain et surtout du tricolore. Ils en redemandent du clairon, des tapes sur les doigts avec la règle en fer, de mourir pour la frontière dans le petit matin glauque. Qu'on leur donne un rôle, même de figurant inconnu, dans le roman national. Toute une population en régression, réclamant la tarte bio de grand-mère, une prière et au lit ?
En face, quoi ? Des mots, des mots, des mots que les élus soit-disant de gauche s’opiniâtrent à vider de tout sens en les niant dans les faits. Et beaucoup d'ambitions personnelles.
