Essayez donc la dictature, vous verrez ! Essayez : le führer, le duce, le caudillo. Et vous la trouverez jolie, notre démocratie. Le président élu défie, il nargue le populo, il fait le professeur la morale au troupeau d’enfants vieillissants sagement assis devant le téléviseur, un peu tremblant tout de même : l’oreille à l’écoute des thuriféraires grassement appointés du pouvoir, la paupière affolée par les images que les tartuffes décryptent pour bien lui expliquer la différence entre un coup de tonfa démocratique et un matraquage dictatorial. Parce que, comprenez, un œil crevé, une main arrachée, une fracture du crâne, deux jours de garde à vue et une mise en cabane, ça n’arrive pas comme ça : les casseurs et leurs copines l’ont cherché. Il n’y a pas plus de fumée sans feu de poubelle que de violence policière sans justice dans un état de droit. Qu’iels essaient la dictature, et iels f’ront moins les malin·es sur le pavé ensanglanté.
Le président sait caresser le mouton dans le sens de la trouille. Il faut rassurer la société du dos rond et de la tête dans le sable qui attend les vacances en gobant les mensonges. Voilà un peuple qui se tient sage. Les opposant·es : des extrémistes des deux bords, des anarcho black blockisé·es, des séditieux et des factieuses, le cocktail molotov à la main et le couteau entre les dents, des ennemis intérieurs de notre belle démocratie. Attention ! C’est une minorité, mais iels sont partout ! C’est la collègue qui te parle un peu trop souvent de la grève, c’est le professeur de ton fils qui s’oppose au bac Blanquer, c’est le voisin qui revient de manifestation les yeux rougis, en toussant du gaz lacrymo ou qui n’en revient pas, c’est la copine qui héberge des exilé·es sans papier, c’est ta fille sur le blocus de son école, c’est vous-même si ça se trouve, vous qui ne dites rien mais n’en pensez pas moins, vous qui rêveriez de gréver si vous pouviez, mais heureusement il y a les petits chefs, les traites et la peur du chômage qui vous tiennent plus serré·es que les pinces d’un baqueux au banc du comico. Essayez la dictature et vous verrez ce que ça fait d’être privé de la liberté d’expression.
On a beau porter des œillères format XXL, ça commence à se voir depuis des mois : la glissade du président en panique dans l’utilisation abusive des forces à sa botte. Il y a des flics partout. Ça gaze et matraque à tout va. On trouve aujourd’hui des gendarmes jusque dans la cour des lycées.
Essaie la dictature, se dit le président à lui-même. Essaie, puisque tu y es presque. Qui t’en empêchera ?