À Niort, avec les opposant·es aux bassines

L’État criminalise les défenseur·es des ressources communes, de l’intérêt général tandis qu’il protège et subventionne les promoteur·es d’industries écocides. C’est ainsi qu’à huit heures du matin, lune ronde dans un ciel clair, nous sommes plusieurs centaines devant le tribunal correctionnel de Niort, réuni·es en soutien des neufs prévenus du procès des anti-bassines. Ils sont militants, syndicalistes, associatifs, engagés pour mettre fin à cette aberration des retenues d’eau, géantes et privées, construites au bénéfice de quelques agriculteurs. Ils sont accusés d’avoir, en mars puis en octobre 2022, organisé une manifestation pourtant interdite. Celle de Sainte-Soline, chacun·e s’en souvient, en a vu des images, on n’a pas oublié les blessé·es graves. Dans ce procès, il est question d’eau, il est question de violences. Dans le rassemblement de soutien, il est question de rapport de force, lentement et patiemment construit, des décennies d’une lutte dont les militant·es voient enfin les premières victoires d’abord dans la prise de conscience collective de l’importance vitale de la préservation et de l’utilisation partagée de l’eau, puis victoires judiciaires et administratives par l’interdiction ou la suspension de nouvelles bassines. Dans le rassemblement, il est question de violences policières, il est question de restriction des libertés publiques : chacun·e raconte comment iel a été touché·e directement par les violences policières, par la restriction des libertés, ce ne sont pas des sujets théoriques, mais une pratique dans laquelle les corps sont engagés aussi bien que les esprits. Il y a là, rassemblée, une diversité de syndicats, d’associations et de mouvements, si bien que ressurgit l’espoir d'une convergence des luttes. Et si on y arrivait, enfin ?

Tandis que se déroule le procès au tribunal, la journée des personnes solidaires est marquée par l’énergie joyeuse qu’instille la certitude d’être dans le vrai, que le temps et l’expérience donneront raison à cette lutte dont des activistes sont aujourd’hui sur le banc des prévenus. En attendant, on se rassemble dans les locaux du Patronage laïc. Prises de parole, table ronde, échanges se succèdent, on parle de la criminalisation et de la répression de l’action militante de plus en plus évidente, manifeste, voire revendiquée par le gouvernement, on puise de la force dans les victoires, dans le simple fait d’être ensemble, nombreux et nombreuses. Une troupe de comédiens et comédiennes, jouent des résumés de ce qui a lieu au tribunal, l’humour est une forme de lutte et non la moindre.

L’après-midi, une cinquantaine d’entre nous se rend au pied d’une bassine, et pour moi qui n’en ai vu qu’en photo avec le point de vue d’un drone, c’est important de me mesurer à l’énormité de la construction, à son gigantisme, tandis que des ouvriers sont en train de réparer cette bassine qui connaît quelques soucis d’étanchéité dont l’origine reste mystérieuse (ou pas). Nous sommes en Vendée, des maraîchers et agriculteurs vendéens prennent la parole, puisqu’une nouvelle association de défense de l’eau s’est créée, puisqu’en Vendée la question de l’utilisation de l’eau, de son partage, est cruciale. Les intérêts économiques, les petits arrangements politiques contre la préservation du vivant.

En soirée, nous nous retrouvons autour de Garance de l’Observatoire des libertés et des pratiques policières (LDH). Elle vient de témoigner au tribunal en tant qu’observatrice, le jour de la manifestation de Sainte-Soline. Elle est jeune, elle sait de quoi elle parle, elle répond avec précision à des questions insidieuses ou vagues, elle ne se laisse pas intimider par les pressions diverses, elle déjoue les pièges rhétoriques. Elle parle de Serge, puis elle évoque la mort de Rémi.

Les neuf camarades poursuivis risquent des peines de prison avec sursis, des amendes, des interdictions de s’approcher des départements où ils vivent. Le jugement sera rendu le 17 janvier.