Œil bleu, patte blanche et rouge truffe humide, sainte-Marine de la souche enfonce ses talons hauts dans la grasse glèbe nationale. De ce petit tas de boue dans un coin du monde, la sainte au blond pelage se proclame libératrice contre tous les barbares. Ces étrangers au crin noir, ces sarrasins violeurs, ces moricauds armés jusqu'aux dents, ces méchants pas-de-chez-elle venus de l'autre bord de la flaque méditerranéenne ou du périphérique, lui hérissent le poil patriote, lui font sortir les griffes cocardières. La babine retroussée, dévoilant une rangée de crocs gourmands, sainte-Marine de la souche est sensible aux souffrances des brebis au sang pur menacées par les loups des minarets, le mélange des troupeaux et le grand remplacement.
Gare à vous, ennemis de l'intérieur, cailloux glissés dans l'escarpin de la sainte ! Divulgateurs de fric-fracs politiques, dénonciateurs de magouilles à pognon russe, révélateurs d'amitiés aussi douteuses que le fond d'un slip de huit jours : sainte-Marine de la souche présidente punira les empêcheurs de grenouiller en rond vers la cime glorieuse du tas de fumier tricolore. Ça va chauffer pour les fonctionnaires de justice trop tatillons sur la légalité du financement du parti des chauvins comme sur la réalité de ses emplois fictifs. Et pas que pour ceux-là.
Qu'il sera doux, songe sainte-Marine de la souche, de régner d'une poigne de fer, confortablement installée dans les ors durs de la raie publique. Le pouvoir jeté entre ses mains sales par les braves électeurs, l'héritière du borgne autoritaire et xénophobe se voit en pucelle sur le retour, boutant fièrement le métèque hors de la protection sociale. Drapeau, hymne et viande de porc à tous les repas des cantines, dans les écoles où les enfants en uniforme réciteront le roman de la grande civilisation gauloise, tout en apprenant à écrire de jolies lettres de dénonciation de leurs petits copains moins de souche. Sainte-Marine bénira les têtes blondes dans le respect scrupuleux de la laïcité puis, petite mère d'un peuple rance, ira faire ses affaires là où par tous les mauvais temps prospère le fric : à l'étranger.