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Billet de blog 31 décembre 2016

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Ciao 2016!

L'année 2016 s'éteint par un froid glacial, étouffée sous les brumes.

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Illustration 1
Palais de l'Elysée, décembre 2016 © Gilles Walusinski

L'année 2016 s'éteint par un froid glacial, étouffée sous les brumes. Tout est affaire de point de vue : la voisine, qui taillait sa glycine parce que des gens se sont plaints que les branches dépassaient trop loin par-dessus la grille, s'est étonnée de mes mots. Elle ne comprenait pas que je trouve l'ambiance tendue en ce moment. Tout est affaire de décor, comme a dit le poète, ou de la douceur de la petite niche matérielle et mentale que chacun se creuse pour tenter d'échapper à la folie des temps. J'étais, ce jour là, sous le choc de la découverte des inscriptions menaçantes contre les Roms et les Juifs sur une école maternelle du quartier ; elle en avait à peine entendu parler. Le sage cultive son jardin.

Il y a, sans doute, des lieux où l'on se réjouit de l'an qui s'achève, des cercles où l'on trépigne d'impatience de se lancer dans la bataille d'une nouvelle année. On compte sûrement quelque part les gains de douze mois de spéculation, de vente d'armes, de bénéfices par l'exploitation des hommes et des ressources naturelles. Les luttes électorales sont une occasion de s'exalter pour celles et ceux qui aiment jouer à ce triste jeu quinquennal du pouvoir, où les vrais gagnants sont une poignée de copains, et les vrais perdants la majorité de la population. Mais peut-on présager autre chose qu'une glissade vers le pire ?

2016, n'était-ce pas les prémices d'une montée irrésistible de l'autoritarisme et de l'intolérance ? Assassinats de foules au hasard de l'horreur. État d'urgence confirmé et maintenu, état d'exception devenant la règle avec la restriction des libertés individuelles. Police partout déployée, que plus rien ne semble retenir tant son sentiment de puissance est grand. Loi anti-sociale imposée au mépris des parlements et des grandes manifestations de protestation violemment réprimées. Propos réactionnaires partout diffusés sur les chaînes de télés ou de radios, propos racistes répandus sous couvert d'humour ou de lutte contre le terrorisme. Liberté d'expression sans cesse menacée par les multinationales et par leurs valets. Chasse aux pauvres, aux réfugiés, aux Roms, aux femmes ; brimades multipliées contre les populations les moins armées pour se défendre, et qui subissent le plus fortement les effets de la crise économique, sociale et politique. Et les guerres lointaines qui tuent des civils sous les balles et les bombardements, qui poussent des hommes et des femmes avec des bébés, à fuir sur des rafiots trop pleins qui sombrent en pleine mer, des guerres assassines que l'on nous présente comme justes ou comme un moindre mal : on nous annonce, pour développer le patriotisme de nos neveux, le renouveau du service militaire.

Le mot peuple est depuis quelque temps dans toutes les bouches médiatiques et l'on présage une utilisation intensive du substantif dans les mois qui viennent. Nul doute que les valeureux fanfarons prêts à se sacrifier pour la grandeur de la France en se dévouant à sa présidence, n'aient à cœur le bonheur de ce peuple d'électeurs qu'ils prétendent, chacun, le mieux représenter. Les nombreux Verdurins du militantisme qui sévissent sur les réseaux sociaux dressent déjà l'index : professeurs de vertu et redresseurs du bon goût, promoteurs d'une identité cocardière, du désir puissant d'un chef, du rétablissement de l'autorité et du retour à l'ordre, propagateurs de promesses d'émancipation si posément formulées qu'elles sentent à dix pas la schlague et le camp de rééducation.

Ciao 2016! Il y eut aussi les amis, les amours, les rencontres de personnes sincères, indemnes des ravages de l'esprit de sérieux, les actions solidaires, quotidiennes et discrètes, de ceux et celles qui tentent encore de freiner l'avènement de la tyrannie et laissent espérer un moins mauvais avenir. Il y eut aussi nos mômes et ceux des autres pour tirer la langue à la mocheté, mettre un joyeux bazar et faire braire les vieux ânes, la polenta chaude exactement salée de Gaby, le rire de Jasmine, d'Alberto, de Diana et de tous les cousins, les grands yeux de Léo et l'irradiante beauté de Luminitsa.

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