julietteprados

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 avril 2023

julietteprados

Abonné·e de Mediapart

À l’Assemblée, la démocratie se prend une veste…

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Macron. Le pouvoir craque de toute part et le spectacle n'est pas beau à voir. La crise qui secoue la Monarchie présidentielle révèle l'agonie de la Ve république. Malgré l'aspiration à une VIe République, les tenants du régime pensent qu'il suffit de ripoliner les institutions pour calmer la colère. un "democracy washing" qui ne convainc personne.

julietteprados

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’était à l’automne 2022. Yaël Braun-Pivet déclarait qu’il était temps que les citoyens s’approprient l’Assemblée nationale et pour cela, promettait d’en « ouvrir grand les portes ». Après deux années engourdies par les restrictions sanitaires, la toute nouvelle présidente n’entendait pas faire dans la demi-mesure : permanences citoyennes, assemblées des idées, création de dizaines de milliers de créneaux de visites, ouverture des jardins de l’Hôtel de Lassay…  citoyens, vous êtes ici chez vous !

Qui s’en plaindrait ? Découvrir l’Assemblée nationale, son fonctionnement, la façon dont sont élaborées et votées les lois, doit être à la portée de toutes et tous, et non résulter d’un privilège au bon vouloir d’un ou d’une député·e.

Sur le papier, l’idée est réjouissante. Dans les faits, l’Assemblée semble être devenue une ruche où surgit le monde extérieur : on y croise sans cesse des groupes de tous âges, flanqués d' agents qui doivent se démultiplier et assurer des visites au pas de charge et à la chaîne pour contenter tout le monde, et les tables de pique-nique installées dans les jardins sont prises d’assaut aux premiers rayons du soleil.

Une chambre bien rangée

Pour ne pas « ternir » l’image de l’institution, ça se démène en coulisses : pendant l’examen de la réforme des retraites les députés ont ainsi vu apparaître dans les salons attenant à l’hémicycle des portants à vêtements avec obligation d’y ranger leurs manteaux bien alignés. Vous l’ignorez peut-être, mais les députés n’ont pas le droit de rentrer dans l’hémicycle avec leur manteau. Ils ont donc l’habitude de les laisser dans les salons, parfois sur les banquettes ou sur le dossier des chaises. Hors de question de tolérer un tel « désordre ».

L’apparence est décidément une préoccupation majeure de la nouvelle présidence. Le port de la veste est désormais obligatoire pour les députés mais aussi pour les collaborateurs qui ne peuvent accéder sans au « périmètre sacré » (l’hémicycle et les salons)

Pas de désordre entre ces murs !  Et surtout… ne pas faire de bruit. 

Il faut donner une « bonne image de la démocratie », et tant pis si celle-ci n’a jamais été autant malmenée : 47-1, pluie de 49-3, votes bloqués, obstruction gouvernementale.

Alors on sanctionne : députés, ne chantez pas, ne brandissez pas de pancartes !

On réglemente : plus de collabs dans les salons lors des votes solennels, hors de question d’y prendre des photos ou des vidéos.

Portes ouvertes, volets fermés

Depuis leur arrivée au Palais Bourbon en 2017, les députés insoumis essayent d’expérimenter de nouvelles méthodes pour faire sortir les débats du parlement : prises de parole en extérieur en marge des discussions (à République pendant la loi travail, devant l’assemblée lors de la première réforme des retraites), ateliers de lectures de loi, live Facebook qui décortiquent les votes, décryptage des enjeux sur twitter et Instagram, live twitch… Permettre à toutes et tous de s’approprier les sujets et l’élaboration des lois. Parce qu’il ne suffit par d’arpenter les couloirs de l’institution pour s’en saisir complètement.

L'appropriation citoyenne du débat public est une revendication populaire exprimée de plus en plus catégoriquement. Le camouflet de 2005, où le rejet du TCE avait été balayé d’un revers de main par le gouvernement, a laissé des traces. Le peuple veut avoir le droit de cité. Vraiment. Les gilets jaunes, qui avaient pris les ronds-points pour contester la hausse des prix de l’essence, ont rapidement intégré à leurs doléances l’exigence d’une démocratie plus directe. Depuis, le RIC (référendum d’initiative citoyenne) s’invite sur les pancartes de toutes les manifs.

Les outils actuels sont loin d’être à la hauteur. Le Référendum d’Initiative partagée oblige à obtenir près de 5 millions de signatures pour être mis en place. Et les pétitions citoyennes de l’Assemblée nationale ne se diffusent que par partage d’URL obscurs et dépassent rarement une poignée de signataires.

Rideau !

Cette semaine pourtant, une de ces pétitions a réussi l’exploit d’atteindre 260 000 signataires. Celle pour la dissolution de la BRAV-M. Lorsque l’on s'apprête à signer, on est averti que dès un premier palier de 100 000 signataires atteint, la pétitions sera « mise en visibilité » sur le site de l’Assemblée, et qu’un débat pourra être organisé dans l’hémicycle à compter de 500 000. Cette pétition pour dissoudre la BRAV-M  n’aura pas eu le temps d’être mise en valeur… et ne pourra jamais atteindre les 500 000. La commission des lois a préféré s’empresser de… la classer. La décision est tombée jeudi en début d’après-midi.

Dans le même temps, on apprenait que le bureau de l’Assemblée confirmait la sanction à l’encontre de Ugo Bernalicis pour avoir réalisé un twitch durant une séance. Et annonçait réfléchir à en faire autant vis-à-vis des députés qui avaient choisi de rendre public les débats de la Commission mixte paritaire sur la réforme des retraites - Cachez donc ces petits arrangements entre amis qu’on ne saurait voir.

Ouvrir l'Assemblée, oui, mais point trop n'en faut. 

Dans la start up nation, le député se doit d’être discipliné. La démocratie doit rester raisonnable. Et porter une veste.

Illustration 1
"Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes."

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.