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Billet de blog 22 mars 2025

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Aujourd'hui, 22 mars, on referme la presse et on va marcher.

Aujourd'hui partout en France se tiennent des marches contre le racisme et l'extrême droite. L'urgence est à la mobilisation.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce matin, j’ai ouvert la presse.

 Aujourd’hui, samedi 22 mars, nous allons marcher contre le racisme et l’extrême droite.

Ce n’est pas inédit, cette marche a lieu chaque année. Et des manifestations contre le racisme, le fascisme, les discriminations, l’autoritarisme…, il y en a fréquemment, parce que malheureusement les raisons de se mobiliser ne tarissent pas.

La première fois que je me suis retrouvée à participer à un mouvement contre le racisme, j’avais 13 ans. Avec une petite bande, nous avions quitté notre banlieue tranquille pour rejoindre Paris en cachette de nos parents. Notre objectif : rallier le siège de la fraîchement créée « SOS racisme » pour récupérer un stock de petites mains jaunes « Touche pas à mon pote » que nous avions ensuite distribué aux camarades du collège.

Quarante ans plus tard, quatre-vingts ans après la fin de la seconde guerre mondiale, la marche qui se tient aujourd’hui relève d’une nouvelle urgence, d’un nécessaire sursaut. En 2025, en France, le fascisme frappe à nos portes. 

Le monde entier est en état d’urgence. Aux Etats-Unis, la nouvelle ère Trump provoque notre sidération ; en Allemagne, l’AFD se répand ; en Hongrie, Orban vient d’interdire la marche des fiertés, et poursuit à travers l’Europe les militants qui ont refusé la tenue d’une marche néo nazie à Budapest ; En Argentine, Milei traite d’assassins les partisans de la légalisation de l’avortement. En Israël, Netanyahu s’enferre dans une course folle qui mène son pays au bord de la guerre civile.

En France, pas une semaine ne passe sans attaques de groupes d’ultra droite, des tracts, des tags, des saluts nazis fleurissent un peu partout, l’Assemblée nationale compte pour un tiers de députés d’extrême droite, les ministres enchaînent les déclarations racistes, tous les pans de la société – culture, éducation, sport, médias – sont la proie d’une offensive réactionnaire inédite.

Marcher aujourd’hui, pour la gauche, pour tous les progressistes, ce n’est pas une option, c’est un devoir. C’est refuser d’abdiquer face à la vague brune. C’est dire qu’il y a, au-delà de nos intérêts propres, de nos divergences de lignes, de nos ambitions électorales, de nos amitiés et nos inimitiés, un combat que nous menons tous : celui contre l’idéologie nauséabonde de l’extrême droite, qui partout fait reculer les droits, déroule son prisme eugéniste, trie les gens, puise dans la folie capitaliste de nouveaux ressorts, se partage le monde…

Voilà, aujourd’hui, on marche. Parce qu’on a pris la mesure du danger. Et qu’on ne veut pas laisser faire.

Il y a dans ce pays un homme qui n’a jamais fléchit d’un millimètre dans sa lutte contre l’extrême droite, il s’appelle Jean-Luc Mélenchon. Il n’est pas le seul, heureusement. Mais on ne pourra jamais lui ôter cette médaille, quand bien même elle a été parfois bien lourde à porter. C’est ce combat implacable qui lui a serré la gorge lorsque le Front national est arrivé en tête des élections européennes de 2014. C’est cette adversité assumée qui lui a empêché de se réjouir de son très bon score en 2017, parce que la présence de Marine Le Pen au second tour ne pouvait que nous assommer. C’est cette connaissance fine des mécanismes qui permettent la montée de l’extrême droite qui l’a conduit à refuser de céder aux pressions de ceux qui lui intimaient d’appeler sans nuance à voter Macron, convaincu qu’il était que cet unanimisme conduirait au désastre que nous constatons aujourd’hui.

Il y a un mouvement qui a décidé qu’il fallait remettre le combat contre le racisme en première ligne, parce qu’il a fait le constat de sa progression affolante, et surtout du déni généralisé quant à son centralisme dans les inégalités sociales que nous dénonçons. C’est la France insoumise.

Ces positionnements nous ont valu les critiques d’une partie de la gauche. Ils provoquent surtout la haine de nos adversaires. Les menaces contre nos députés sont quotidiennes, leurs noms et numéros tournent dans des boucles de fascistes assumés, certains appellent à nous tuer ou même envisagent sérieusement des attentats contre nous.

Alors il ne faisait pas l’ombre d’un doute que nous prendrions toute notre part dans la mobilisation d’aujourd’hui. Aux côtés de l’ensemble des organisations et associations qui partagent ce combat, et heureusement qu’elles sont nombreuses.

Cet après-midi, il FAUT que la marche soit réussie.

Ce matin, j’ai ouvert la presse. Je l’ai ouverte à la recherche d’un même sursaut que celui qui a prévalu en juin dernier, lorsqu’il s’agissait de barrer l’accès au pouvoir du rassemblement national. Et ce que j’y ai vu m’a glacée. Mediapart, Libé, Le Monde, l’Huma… Aucun n’a pu s’empêcher de cotiser à la polémique du moment. Mélenchon et l’antisémitisme. Les tournures sont différentes évidemment selon les obédiences, mais l’esprit est le même.

Ces attaques ne sont pas nouvelles. Depuis toujours chaque prise de position pour la défense des droits des Palestiniens nous vaut ce raidissement. Plus largement, la lutte affichée contre l’islamophobie entraîne mécaniquement des soupçons de complaisance envers l’antisémitisme de la part de certains. Peu importe que nous dénoncions chaque acte antisémite, peu importe que notre programme mentionne expressément la lutte contre l’antisémitisme, peu importe que dans nos rangs certains soient directement concernés par les attaques antisémites ou aient développé leur conscience politique sur les fondements de la résistance au nazisme et la découverte de l’horreur de la Shoah, peu importe que cette semaine encore le député Gabriel Amard ait brillamment défendu à l’Assemblée une proposition de résolution relative à la coopération européenne renforcée contre l’antisémitisme et la haine anti juive, les faits ne semblent pas compter, ce qui compte, ce sont les « perceptions ».

Ainsi il y a plus de dix jours désormais, la France insoumise a lancé sur les réseaux sociaux une campagne pour dénoncer les idées d’extrême droite, pointant ceux qui les relayaient. Parmi les personnes visées figuraient Cyril Hanouna. Or, certaines personnes ont associé ce visuel à d’abjectes caricatures nazies. Cette association étant évidemment liée au fait que Cyril Hanouna est juif. Quand Goscinny use des mêmes codes pour représenter le vizir Iznogoud en couverture de la BD « qui a tué le Calife ? », personne ne songe à le soupçonner de connivence avec le nazisme. Mais dans tous les cas il n’était pas question d’alimenter d’une quelconque manière l’idée qu’on puisse s’en prendre à Cyril Hanouna pour sa judéité, ni que nous puissions être associé à un quelconque prisme antisémite. Le visuel a été supprimé dès que ces associations ont circulé. Et heureusement.

Mais les réseaux d’extrême droite on immédiatement embrayé. Plateaux en continu sur cnews, indignation chez Praud, mise en route de la machinerie des réseaux sociaux.

A gauche, y compris chez les insoumis, on s’inquiétait à raison qu’on puisse être associés à l’antisémitisme, que nos adversaires usent de ce procès pour nous déstabiliser. Manuel Bompard a immédiatement fait une déclaration auprès de l’AFP, renouvelée sur les plateaux, affirmant qu’en aucun cas nous ne validions un quelconque prisme antisémite et que nous avions supprimé le visuel pour couper court à toute assimilation à cette idéologie nauséabonde. Notre mouvement a même été jusqu’à reconnaître l’erreur d’avoir utilisé une IA dont on ne peut écarter qu’elle ait elle-même recours à des imageries révoltantes.

On aurait pu fermer le ban. On aurait pu à la rigueur s’engueuler entre nous, on est forts pour ça à gauche. Je ne vais pas prétendre qu’on ne doit jamais se remettre en question, je suis la première à appeler à la vigilance extrême et à la responsabilité de chacun face au rouleau compresseur du fascisme auquel on ne doit jamais, jamais donner le point.

Mais voilà, la gauche s’est laissée au mieux impressionner par l’adversaire, au pire emporter par ses petits calculs boutiquiers qui conduisent certains à sauter sur toute occasion d’affaiblir Mélenchon et la France insoumise.

A plusieurs reprises, ces dix derniers jours, je me suis dit « allez, les fachos ne vont pas nous lâcher, l’occasion est trop bonne de gâcher notre marche, une grande partie de la gauche se laisse embarquer dans la surenchère médiatique qui vise à nous désigner coupables, coupons leur l’herbe sous le pied, donnons leur ce qu’ils veulent, mangeons notre chapeau et restons en-là ».

Mais ce matin, en me réveillant, j’ai ouvert la presse. Et j’ai compris que quoi qu’on fasse, qu’on qu’on dise, quelques excuses qu’on présente, rien ne changera.

Ils ont gagné. L’extrême droite a gagné. La gauche donneuse de leçon qui s’indigne d’un « manque de culture politique » qui aurait pu conduire à laisser passer un visuel qui « évidemment fait référence aux codes nazis »  est tout bonnement incapable de déceler les mécanismes médiatiques et politiques qui, comme dans les années 30, se mettent en place pour nous diviser et faire accéder le pire au pouvoir.

Ils ont gagné. Mais il me reste une certitude. Le combat ne fait que commencer. J’ai comme des milliers d’autres les meilleures des armes : la conscience, et la détermination. Mes adversaires s’appellent racisme, antisémitisme, colonialisme…

Et cette après-midi, contre eux, j’irai marcher.

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