Faut-il interdire les Marchés Financiers à la Haute Finance ?
Discours de JC TRICHET de Jackson Hole, Wyoming, le 27 août 2010.
A. Présentation technique de ce cet article.
Cet article que nous mettons en ligne sur ALTER-EUROPA est écrit et publié avec la rigueur et la distance qui s’imposent par rapport aux sources et aux idées imposées insidieusement par la Haute Finance.
RIGUEUR DE L’ARTICLE : nous reprenons en français le discours, tenu par Jean-Claude JC TRICHET, Président de la Banque Centrale Européenne, au symposium de Jackson Hole, Wyoming, le 27 août 2010 sur le thème : « Les défis macroéconomiques pour les dix années à venir », et nous donnons le lien de notre source en langue anglaise qui n’est autre que le site de la BCE/ECB : http://www.ecb.int/press/key/date/2010/html/sp100827.en.html.
RIGUEUR DE LA TRADUCTION : pour permettre aux lecteurs et lectrices de vérifier les sources ou de mieux comprendre le contexte d’une phrase ou d’un mot, nous avons repris le texte anglais en numérotant les lignes mais, bien sûr, nous n’avons pas modifié (dans l’esprit) la moindre virgule de ce discours. En parallèle, la traduction complète de ce discours, faite par nos soins, porte elle-même une numérotation des lignes, ce qui permet de vérifier l’honnêteté de la traduction mais aussi les difficultés rencontrées pour traduire certains passages, volontairement obscurs ou très longs. D’ailleurs, Monsieur JC TRICHET annonce la couleur dès la première phrase de son discours : « Mes collègues et moi-même sommes dans notre période de purdah » (FR10/EN09), ce qui peut être interprété de façon ambiguë : « Mes collègues et moi-même, nous avançons voilés comme des femmes en Burqa, et nous ne voyons pas grand-chose autour de nous » ; ou bien, plus insidieux : « Nous sommes dans un système de ségrégation (entre la Haute Finance et les peuples) et donc, nous ne pouvons pas tout dire en public ». Les deux versions sont vérifiables : la Haute Finance fait porter la Burqa à tous ses affidés (tous les discours sont pareils) et le discours est incompréhensible pour des non-initiés.
RIGUEUR DES CITATIONS ET EXTRAITS : chaque fois que nous ferons appel à la traduction, nous citerons à la fois les lignes en français et en anglais pour que le lecteur puisse vérifier l’honnêteté de la traduction en utilisant la codification suivante : FR10/EN09 (par exemple). Donc, l’extrait ou le commentaire porte dans ce cas précis sur la ligne 10 de la traduction en français et sur la ligne 9 du discours original en anglais ; nous avons mis ces passages en rouge dans les deux sources pour les repérer plus rapidement.
RIGUEUR DE LA METHODE : le discours étant un salmigondis de citations, et les références à des théories et à des « recherches » statistiques étant multiples, Monsieur JC TRICHET crée l’illusion sur la profondeur des réflexions proposées par la Haute Finance et sur le manque d’alternatives face à ses propositions. Bien sûr, les commentateurs économiques et financiers sont tombés dans le panneau en avançant - droit devant - dans ce maquis de citations et de vocabulaire mystérieux. A MEDIAPART, par exemple, nous avons eu droit à un article intitulé : « RICARDO contre KEYNES : JC TRICHET a tranché » : c’est une lecture un peu « courte » de ce programme arrêté par la Haute Finance pour les dix années à venir. Certes, RICARDO est cité par JC TRICHET sous un angle bien précis (les impôts et taxes, futurs ou immédiats) : « En effet, le point de vue strictement ricardien peut fournir une évaluation moyenne plus raisonnable des effets probables d'un assainissement. Pour une dépense donnée, un basculement de l'emprunt vers la taxation ne doit pas avoir d'effet sur la demande réelle puisqu'il s'agit simplement de remplacer un fardeau fiscal futur par une charge immédiate» (FR236/EN201). Par contre, il n’est pas cité sous un autre aspect, pourtant essentiel pour notre avenir, celui des « avantages comparatifs » et donc de « la mondialisation vertueuse ». KEYNES lui-même n’est pas cité : il n’est donc pas répudié. Donc, la rigueur de la méthode consiste déjà à « coller au plus près » le discours de JC TRICHET, à mettre en place les analyses logiques de ce discours en « traduisant » les mots, les concepts et les idées obscures, en soulignant les « oublis » (volontaires) et en montrant les impasses des choix évoqués.
TIMING DE CET ARTICLE DANS LE PROGRAMME DE NOS ARTICLES SUR LES MARCHES FINANCIERS : entre le 27 août 2010 et ce début octobre 2010, nous voulions faire l’analyse des Marchés Financiers à fin 2009. Cela nous a conduits à analyser les Marchés Financiers Traditionnels (Bourse, Marché des Autres Titres et Marchés des Changes) et nous avons étendu ces analyses au Marché des Crédits, des Prêts et des Détentions de Créances car c’est à partir de ce marché (traditionnel) que les dérives ont commencé.
Nous voulions donc laisser le soin à JC TRICHET de nous présenter lui-même ces dérives qui portent sur le métier des banquiers (les IFM) et des sociétés de crédit (Autres Institutions Financières), sur les « véhicules financiers », sur « les produits dérivés », sur « l’explosion des bilans » (des Intermédiaires Financiers), sur « l’explosion des risques », sur « l’explosion des finances publiques ».
JC TRICHET, vous allez le constater par vous-mêmes, fait exactement les mêmes analyses que nous : c’est bien un excès de liquidités globales qui provoque les crises à répétition. En termes clairs, cela s’appelle de « la fausse monnaie », et cette dérive globale est imputable à la fois à la Banque Centrale Européenne (pour la Zone Euro qui nous concerne) et au néolibéralisme qui repose sur deux bases principales : « la mondialisation heureuse » qui a créé un Risque Global au sein même de l’Economie Réelle ; « la libéralisation des marchés de capitaux» qui a créé un Risque Financier absolu au sein du Système Monétaire et Financier.
Or, ce Risque Financier a été justement créé de toutes pièces par une mauvaise gestion du Système Européen des Banques Centrales (SEBC, dont la BCE). Bien évidemment, JC TRICHET ne va quand même pas l’avouer et, donc, il crée une autre dérive : celle des remèdes totalement inadaptés et risqués que la Haute Finance préconise.
Pour être encore plus clairs, disons que le Système Monétaire International, le Gold Exchange Standard créé à BRETTON-WOODS, a été trafiqué par la Haute Finance américaine jusqu’à obliger NIXON à décréter l’inconvertibilité du dollar en or ; par la suite, le « système américain » des déficits publics et commerciaux quasi-permanents a généré des risques considérables que les banquiers et les assureurs ont vendus aux Fonds d’Investissement et aux Fonds de Pension sous la forme de « produits financiers » malsains, partout dans le monde, avec la complicité de la City de Londres. L’irresponsabilité de la BCE et de tout le SEBC a été de permettre l’importation de ces « poisons violents » au sein de l’Union Européenne (et surtout de la Zone Euro, objet de nos analyses) au point que la Haute Finance Européenne s’est retrouvée en dépôt de bilan officiel en novembre 2008.
De ce fait, nous pouvons conclure que l’euro est une mauvaise monnaie, aussi mauvaise que pratiquement toutes les autres, et nous assistons en direct à une fin de Régime, celui des Banques Centrales « indépendantes » des peuples, mais dépendantes des « gros commerçants » depuis la création de la Banque d’Angleterre depuis 1694.
C’est donc cette transition vers un autre Système Monétaire et Financier qu’il faut préparer, d’abord en Zone Euro, surtout sans attendre quoique ce soit des G20 et des autres « grandes rencontres internationales » entre ces gens de mauvaise compagnie. D’où l’intérêt de toutes ces analyses sur les marchés financiers traditionnels et (prochainement) sur les marchés financiers dérivés qui permettront d’endiguer les risques monétaires et financiers, et surtout d’éloigner le plus vite possible le Risque Global qui pèse sur l’Europe et sur l’Euro (Partie VI : Le Risque Global).
B. Sur les origines et les causes de la crise…
JC TRICHET commence par la négation de ses propres responsabilités, et de celles de ses collègues présents : « En regardant plus loin, les économies avancées sont face à un autre défi d'un autre genre : Comment faire face à l'héritage des excès et des déséquilibres accumulés durant les décennies précédentes par les ménages, les entreprises et les institutions financières – à savoir l'expansion de la dette (privée), l'accumulation des risques et l'augmentation du ratio de l’endettement public» (FR24/EN21).
Puis, en termes de causalité, il lâche très vite le bon morceau : « Les problèmes actuels de la dette dans les économies avancées n'ont pas démarré hier. Ils ont eu une longue gestation au cours des dernières décennies et doivent leur origine à la déréglementation financière et à l'innovation financière des années 1980 et 1990 » (FR49/EN42). Il admet bien imprudemment que le néolibéralisme est responsable de cette situation.
Pour mémoire, j’ai défini le néolibéralisme (« Le néolibéralisme ? Un très vieux système… Pourquoi (faut-il) le combattre ? », un livre publié en janvier 2007, donc écrit bien avant la crise) comme « le système des nouvelles libertés », accordées à la Haute Finance dans les années 1980 : liberté de circulation des capitaux (en fait : libertés de circulation des liquidités surabondantes) ; indépendance des banques centrales (Banque de France en 1986) ; tolérance des paradis fiscaux et des « délocalisations paradisiaques » de comptes illégaux (blanchiments de toutes natures) ; mise en concurrence des systèmes fiscaux et sociaux au sein même de l’Union Européenne.
Les dérives n’ont cessé de s’amplifier depuis lors : aucun contrôle fiscal ; aucun dispositif fiscal pour lutter contre les gains boursiers ; démesure des faux profits réalisés grâce aux importations sauvages, au démantèlement des entreprises, aux délocalisations et aux licenciements sauvages ; démesure des faux salaires, des primes et des avantages en nature ; démesure des parachutes dorés, accordés comme « le prix du silence » ; défiscalisation des provisions techniques d’assurance ; démesure des plus-values réalisées sur les assurances-vie et délocalisées dans les paradis fiscaux….
Il décline cette libéralisation en « oubliant » tous nos commentaires précédents : « Dans de nombreux pays avancés, de nouveaux produits financiers et de nouvelles institutions sont apparues, ce qui a changé le comportement économique et la structure des bilans du secteur privé » (FR51/EN43).
Puis, il glorifie « l’innovation financière »… qui a provoqué des crises à répétition jusqu’à la pirouette fatale de toute la Haute Finance en août 2007 aux Etats-Unis… Pirouette fatale ? Sans les interventions étatiques, tout ce beau monde n’existerait plus aujourd’hui, nulle part dans le monde occidental…
En réalité, JC TRICHET, tous les gouverneurs des banques centrales et toute la haute finance internationale sont RESPONSABLES ET COUPABLES de cette situation.
En Zone Euro, ils ont créé de la fausse monnaie à tour de bras en faisant passer la Masse Monétaire M3 de 4.442MD€ à fin 1998 à 9.322 MD€ à fin 2009 pendant que le PIB augmentait seulement de 5.883 MD€ à 9.322 MD€ au cours de la même période. Le rapport M3/PIB était à fin 1998 de 75% ; il est passé à M3/PIB = 104% à fin 2009.
Il y a maintenant plus de monnaie en circulation qu’il n’y a de productions intérieures brutes au sein de la Zone Euro. JC TRICHET et ses tous ses pairs sont bien responsables de cette situation car Wim DUISENBERG avait laissé une situation bien plus saine (mais loin d’être idéale) à fin 2003 avec une masse monétaire de 6.141 MD€ pour un PIB de 7.487MD€ (donc, un ratio M3/PIB = 82%).
Or, l’Economie Réelle pourrait fonctionner avec un ratio largement inférieur à 33%. Si les grands acteurs de la Haute Finance ont voulu que tant de fausse monnaie soit créée, c’était surtout pour eux-mêmes, pour spéculer, pour acheter tout ce qui bougeait, pour devenir les Maîtres de l’Europe… grâce à de la fausse monnaie. Ils voulaient aussi devenir les Maîtres du Monde en attirant les placements étrangers avec des taux (relativement) plus élevés et en réclamant la mise en place de l’EURO FORT, une politique qui leur permettait de tout acheter hors de la Zone Euro et de supplanter la Haute Finance américaine dont la cupidité est alimentée par l’abondance des faux dollars.
Ce système a fait faillite : cette dernière crise, dite des « prêts subprime » (une appellation nouvelle pour des chutes en cascade qui ont les mêmes causes premières), a coûté plus de 8.000 milliards de dollars en 2009 (chute du PIB mondial) et elle a provoqué une chute des bourses de plus de 3.000MD€ dans la seule Zone Euro.
Elle continuera à produire des pertes pendant plusieurs années : 60.000 milliards de dollars (90% du PIB mondial 2008) en hypothèse basse ; 240.000 milliards de dollars en hypothèse haute (350% du PIB mondial 2008, chiffré lui-même à 68.000MD$). Pour mémoire, le PIB de la France s’est établi à 1.950 milliards d’euros en 2008, ou environ 2.500 milliards de dollars. Autrement dit, la Haute Finance mondiale (essentiellement occidentale) a fait disparaître trois années du PIB de la France pour la seule année 2009 mais les pertes programmables feront disparaître (pendant une bonne décennie) entre 25 fois et 95 fois le PIB français de 2008 (sans aucune réforme du Système Monétaire, Bancaire et Financier).
« Ce n’est pas de notre faute », nous dit JC TRICHET, mais il admet quand même les excès de liquidités et leur impact inflationniste : « Les avantages de la déréglementation et de l'innovation sont apparus particulièrement évidents dans l’environnement d’une pré-crise macroéconomique modérée… dans le milieu des années 80…. D'autre part et avec le recul, nous pouvons dire que la Grande Modération fut le calme avant la tempête. L'accès facile aux finances, facilité par l'innovation financière, était en train de générer un endettement plus élevé dans le secteur privé, en particulier dans les institutions financières, qui s’est traduit par une augmentation inexorable des prix de l’immobilier et par l’apparition d’une prise de risques importants » (FR56/EN48).
Qu’ont-ils fait ? Ils ont remis de l’huile sur le feu pour éviter la faillite de toute la Haute Finance… Or, les liquidités existantes avaient déjà créé une inflation considérable (prix de l’immobilier et des loyers notamment) mais JC TRICHET a le culot de dire : « Les banques centrales continueront à prouver leur capacité à maintenir la stabilité des prix au cours des dix prochaines années comme elles l'ont fait de façon remarquable sur les dix dernières années, malgré toutes les difficultés » (FR438/EN371). Ils ont par ailleurs encouragé « une prise de risques importants » que l’on désigne par « une spéculation effrénée », un système qui répand la misère au sein des populations.
JC TRICHET décline l’ampleur des dégâts occasionnés par le néolibéralisme au sein même du système bancaire dont il a la responsabilité : « Bien entendu, l’endettement augmenta aussi dans le secteur financier. Ce développement fut particulièrement évident ici aux États-Unis, où il a été aggravé par des changements structurels, notamment à cause de la montée d’un secteur bancaire plus obscur (produits dérivés), la propagation du modèle (bancaire) d’intermédiation dans le domaine des risques et une plus grande interdépendance entre les institutions (bancaires et financières) » (FR73/EN63). Précisons bien que « ce développement » concerne les Etats-Unis, la Zone Euro et surtout la City de Londres.
Il admet donc que le système bancaire et financier est devenu ingérable : les banques prennent des risques pour les revendre à d’autres, ce que JC TRICHET désigne par : « the originate to distribute model » ; « le secteur bancaire est plus obscur ». En fait, tout le système bancaire et financier est devenu un bateau ivre (interdépendance) sans gouvernail.
Il affiche même une certaine impuissance face aux développements outranciers de ce système : « Mais les principales tendances – une accumulation de risques et une expansion de la taille des bilans – ont été communes pour tous les pays ; ce phénomène s’étend malgré le transfert apparent des créances bancaires dans des véhicules hors bilan (création dans les paradis fiscaux de sociétés de portage pour les instruments financiers, devenus « produits toxiques »). De plus, en comparaison avec le reste du secteur privé, le secteur financier devint de plus en plus dépendant des instruments financiers à court terme, laissant ainsi les banques exposées aux manques de liquidités et aux perturbations sur le marché monétaire ». (FR78/EN66).
Autrement dit, le système est condamné : les banques prennent des risques, pour les revendre sous la forme de « produits dérivés » (des emballages-cadeau) et non plus pour les porter.
Les vrais « porteurs » créent des structures juridiques (des véhicules) dans les paradis fiscaux (hors des regards et contrôles) tandis que les « emballeurs » se débarrassent de ces créances en les éliminant de leurs bilans officiels.
Par contre, les banquiers et les autres institutions financières gardent une certaine responsabilité vis-à-vis du véritable contenu de ces « emballages – cadeau », et donc ils les transfèrent dans les postes « hors bilan » : les comptabilités (qui, au regard de la Loi, devraient être « sincères et véritables ») sont troubles et donc illégales.
En fait, plus personne ne connait vraiment les risques, et le système bancaire lui-même a mis dans les « oubliettes » de ses comptes des risques qui peuvent lui revenir dans les hauts de bilans (comptes de résultats et comptes de provisions) comme des boomerangs assassins.
De plus, quand les « produits financiers » deviennent risqués, ils deviennent aussi invendables. Les banquiers-spéculateurs (du type Société Générale), étant en manque de liquidités, se sont mis à émettre des « papiers » (SICAV de trésorerie et autres Certificats de Placement) à des taux alléchants, mais le système a implosé : les banquiers-collecteurs de liquidités (du type Banque Postale) ont cessé de leur faire confiance et le Marché Interbancaire a cessé de fonctionner.
Trop tard : le Marché Interbancaire ayant atteint plus de 7.200MD€ à fin 2009, les « collecteurs de liquidités » sont obligés de maintenir les « drogués en manque » avec des masses de liquidités que la BCE est incapable de garantir. En effet, le bilan de l’EUROSYSTEME (SEBC) était de 720 MD€ à fin décembre 1997 et il est passé à 2.830 MD€ à fin 2009, soit +293%.
A ce stade, le système des banques centrales est « surbooké » en matière de risques par rapport aux garanties étatiques accordées aux banques commerciales ; il est donc sur la voie de l’implosion en cas de nouveaux dérapages des banquiers-spéculateurs et des porteurs de créances pourries.
JC TRICHET « oublie » (volontairement) une étape importante de cette crise : le système bancaire et financier était en faillite en 2008, et il a fallu que les Gouvernements de la Zone Euro donnent des garanties aux fournisseurs habituels de liquidités (dont le Grand public fait partie) pour que le Marché Interbancaire redevienne une source d’approvisionnement en liquidités pour les spéculateurs piégés et pour les victimes de ces spéculations (les porteurs de créances pourries). Voici donc le passage d’un « zapping complet » de la crise : « La crise a soudainement mis fin à l'accumulation progressive de la dette privée » (FR84/EN70).
Il admet indirectement que la crise a été reportée sur les Etats, donc sur les populations : « Par contre, cet effet de levier a commencé à augmenter dans le secteur public (endettement public). Les causes ? Des interventions publiques à grande échelle (en faveur des banques) ; des recettes moindres pour les Etats (« impact des stabilisateurs automatiques ») ; dans une mesure plus limitée, le coût de prise en charge du système financier (par les Etats) ; des passifs implicites (pour ces Etats) liés aux garanties étatiques, données au secteur bancaire » (FR84/EN70).
Or, sans intégrer « les passifs implicites, liés aux garanties étatiques », la situation est dramatique : « la dette publique dans la zone euro aura augmenté de plus de 20% sur une période de quatre ans seulement, de 2007 à 2011. Pour les États-Unis et le Japon ces augmentations seront de l’ordre de 35% et 45% » (FR89/EN74).
En intégrant « les passifs implicites », elle deviendrait tout simplement ingérable. Or, cette hypothèse est loin d’être farfelue, même pour JC TRICHET qui admet plus loin que « les menaces à plus long terme pèsent » sur l’Economie Réelle (FR38/EN32). Il fait même un lapsus : dans un premier temps, il parle d’une augmentation de la Dette Publique de 60% à 80% en disant « « la dette publique dans la zone euro aura augmenté de plus de 20% sur une période de quatre ans seulement, de 2007 à 2011 » (voir ci-dessus). Puis, beaucoup plus loin, il intègre déjà des déficits complémentaires au-delà de 2011 en disant ceci : « Dans la zone euro, pour atteindre la valeur de référence d'un ratio de la dette au PIB de 60%, une baisse cumulative de presque 30 % sera nécessaire » (FR216/EN184).
C. Sur les Options pour réduire la dette (publique) en vigueur (ou en suspens).
Dans son préambule, JC TRICHET part en glissade : « Comme nous (les gouverneurs de banques centrales), nous avons montré beaucoup de courage face aux exigences urgentes de la crise elle-même, les décideurs doivent être aussi courageux que nous pour éviter les menaces à plus long terme qui pèsent sur la stabilité des prix et sur la croissance » (FR37/EN31).
Nous sommes prévenus : la Haute Finance a eu « le courage » de se débarrasser de ses pertes colossales en les basculant dans nos comptes publics ; elle va donc maintenant nous dire comment nos gouvernements doivent s’y prendre pour nous faire payer l’addition.
JC TRICHET élimine toutes les solutions de sortie de crise, les unes après les autres :
L’annulation de la dette ? : « Vous ne serez pas surpris d'apprendre que j’exclus de ces options tout type d’annulation des dettes dans les pays industrialisés » (FR103/EN86).
Création d’une inflation – surprise ? : « La création de l'inflation - surprise est une option courante pour résoudre un dépassement de la dette. Encore une fois, permettez-moi de rejeter clairement ce type d'option » (FR106/EN89).
Vivre avec la dette publique existante sans la rembourser ? : « Certains ont suggéré d'ignorer les déséquilibres financiers existants "pour le moment" et de se concentrer uniquement sur le court terme. Plutôt que de choisir l’option du désendettement, ils suggèrent d’augmenter les dépenses publiques pour soutenir la croissance à court terme. Je pense que le fait d’adopter ce point de vue serait très dangereux pour nos économies ».
Il cite le Japon des années 1990 en parlant de la décennie perdue, mais il évite de mentionner que la situation catastrophique des finances publiques japonaises est due aux banques (à leur mauvaise gestion) et que le Japon vient de vivre « deux décennies perdues ».
Les explications de JC TRICHET sont donc fausses : « La capitalisation inadéquate des banques les forçait à refuser de prendre des pertes. La faible productivité dans ces entreprises inefficaces s’est étendue, provoquant un blocage entre le capital et le travail, et elle a créé un boulet pour la production potentielle » (FR125/EN107).
Les PME-PMI japonaises n’ont plus bénéficié des crédits et des prêts bancaires et, donc, elles ont été moins compétitives. Mondialisation oblige, les grands groupes japonais ont sous-traité des pans entiers de l’économie japonaise à leurs voisins immédiats pour préserver leurs fortes marges. C’est la raison pour laquelle le Japon dégage (encore) des excédents commerciaux plantureux avec le reste du monde mais, foncièrement, « le modèle japonais » a cessé de fonctionner.
A contrario, l’Union Européenne, pénalisée par une vision doctrinaire de la mondialisation et par une mauvaise gestion de l’euro, a conduit à la destruction de son système financier, de ses PME-PMI et même de la compétitivité internationale de ses grandes entreprises… qui délocalisent leurs productions en transférant leur technologie. Les Eurocrates et les fonctionnaires du SEBC-BCE ont « oublié » que l’Europe est une fédération de pays, responsables de leurs équilibres intérieurs et extérieurs : face aux dérapages de ces « grands équilibres », nation par nation, c’est tout ce « système de gouvernance » irresponsable qui DOIT exploser. En bref, tous ces hauts fonctionnaires et « irresponsables politiques » ont finalement « oublié » la grande promesse d’une convergence des économies et des pouvoirs d’achat. C’est ce filet aux mailles fragiles qui vient de casser.
La croissance en sortant de la dette ? Evidemment, voilà le rêve absolu. Voici donc ce qu’en pense JC TRICHET, représentant de la Haute Finance (n’oublions pas ce détail) : « La solution plus attrayante pour rembourser une dette, c’est tout simplement de parvenir à une croissance économique forte » (FR 158/EN136) mais il rajoute : « en particulier lorsque les grands stabilisateurs automatiques (système fiscal et social) sont en place » (FR161/EN138). Les rêves les plus fous sont donc permis (pour la Haute Finance) : ils survivront en toute impunité ; ils ne paieront pas leurs erreurs ; mieux, leurs dettes seront miraculeusement épongées par l’air du temps. Par une croissance exceptionnelle…
Nous allons donc « apprendre à rêver » grâce aux solutions, préconisées par JC TRICHET pour obtenir une croissance à deux chiffres, une croissance sans inflation puisque la stabilité des prix est le seul objectif assigné à la BCE… Enfin, pas tout à fait le seul objectif ! En effet, la BCE est également chargée de suivre l’évolution des prix. La BCE est donc contrôlée par elle-même, en toute « indépendance ». Toutes nos félicitations aux « irresponsables politiques », de gauche comme de droite, qui ont « construit » une telle Europe et un tel Euro !
D. Comment les entreprises et les ménages vont-ils payer?
Le suspens est réglé : la Haute Finance définit « la feuille de route ».
JC TRICHET évacue de suite les questions qui dérangent :
· Les banques doivent être plus fortes : « Seul un système financier en bonne santé est en mesure de fournir un financement adéquat pour des bons projets, capables de stimuler la productivité et l'innovation » (FR127/EN109). Autrement dit, il ne faut pas que la Haute Finance paie quoique ce soit.
· Mieux, il faut que les taux d’intérêt soient avantageux pour les banques : « Tout d'abord, un retour à un environnement de « répression financière » n'est ni possible ni souhaitable » (FR178/EN152).
· Il ne faut pas réformer ou trop réguler le système financier : « Alors que les effets de la répression financière sur la croissance sont particulièrement graves, ces effets peuvent également apparaître en cas de réglementation financière excessive » (FR152/EN131).
· Il ne faut pas que les Banques Centrales financent les Etats en achetant directement les Bons d’Etat (mesures non conventionnelles) car elles priveraient la Haute Finance des marges commerciales plantureuses réalisées sur ces opérations. C’est « leur fromage », et il faut qu’il soit « protégé » : «Durant ces trois dernières années (qualifiées d’exceptionnelles par Mr TRICHET), la réponse à la crise par les banques centrales du monde a conduit à l'adoption de mesures non conventionnelles qui, par nature, sont moins prévisibles » (FR288/EN245). L’obligation pour les gouvernements de financer la Dette Publique en passant par les banques commerciales leur rapporte (aux banques) entre 150 MD€ et 200 MD€ chaque année… dans les conditions actuelles (voir nos articles sur ce sujet). Elles en espèrent beaucoup plus pour l’avenir.
· En effet, il ne faut surtout pas supprimer le merveilleux système des agences de notation qui permet à la Haute Finance de mettre les Dettes Publiques sur un marché aux enchères : « En fait, les augmentations de déficits vont de pair avec des primes de risque plus élevées » (FR252/EN214).
· Il ne faut pas toucher à l’indépendance des banques centrales : « En ce qui concerne les banques centrales, j'insiste sur le fait que leur indépendance, par rapport aux gouvernements et aux autorités politiques – ainsi que par rapport aux groupes de pression –, est dans de telles circonstances, ce qui est absolument essentiel pour leur permettre de prendre les décisions appropriées en matière de prévention » (FR379/EN319).
· Le rôle de la BCE n’est pas de poursuivre ou d’accompagner une Politique Economique : « En somme, "l’économie apolitique" (comme je la désigne), concernant les décisions des banques centrales est plus importante que jamais dans ces moments difficiles » (FR381/EN321). JC TRICHET est là pour sauver le système, et non pas pour sauver l’Europe ou pour sauver les populations de la misère…
Le cynisme de la Haute Finance est alors affiché sans retenue :
· La Dette Publique va encore augmenter puisqu’elle est en fin 2010 au niveau de 80% du PIB pour la seule Zone Euro. La Haute Finance va encore ponctionner des sommes importantes, mais l’objectif est clairement défini : il faudra économiser plus de 3.000 milliards d’euros durant la prochaine décennie : « Compte tenu de la taille de la dette publique accumulée, la réduction des déficits publics devra être ambitieuse. Dans la zone euro, pour atteindre la valeur de référence d'un ratio de la dette au PIB de 60%, une baisse cumulative de presque 30 % sera nécessaire » (FR216/EN184).
· Qui va payer ? JC TRICHET a entendu la voix des peuples : « Les entreprises et les ménages savent que finalement ce sont eux qui devront supporter les conséquences des « mesures nécessaires » et douloureuses en vue pour réduire la dette publique » (FR142/EN122).
· Bien sûr, il y aura quelques résistants archaïques, ceux qui s’accrochent à un monde ancien : « Ceci dit, il ne faut jamais sous-estimer le potentiel de croissance par le biais de réformes structurelles courageuses, particulièrement en Europe, toujours marquée par de nombreuses rigidités » (FR184/EN156). Mais, les gouvernements doivent être déterminés à faire payer les peuples : « Comme nous avons montré beaucoup de courage face aux exigences urgentes de la crise elle-même, les décideurs doivent être aussi courageux que nous pour éviter les menaces à plus long terme qui pèsent sur la stabilité des prix et sur la croissance » (FR37/EN31).
· De toute façon, les gouvernements n’ont pas le choix : ils ne pourront pas compter sur des taux d’intérêt faibles pour financer la Dette Publique, et donc : « Une fois qu'il devient évident que les décideurs ne devraient pas compter sur des taux d'intérêt artificiellement bas ou sur une forte croissance, seulement pour réduire les ratios d'endettement gouvernemental, la réduction des déficits publics – par une augmentation fiscale ou une réduction des dépenses – devient essentielle » (FR229/EN196).
· En relisant la phrase précédente, on voit bien l’impasse pour les Etats : il n’y aura pas de taux de financement bas pour la Dette Publique. Il n’y aura pas non plus de forte croissance des PIB alors que « les sacrifices nécessaires » sont supposés déclencher cette croissance : « La solution plus attrayante pour rembourser une dette, c’est tout simplement de parvenir à une croissance économique forte » (FR158/EN136).
Les « solutions » apparaissent aussitôt (elles sont quand même saupoudrées pour être moins audibles) :
Avant même de réfléchir aux pistes de sortie, JC TRICHET désigne « le magot » : « les ménages ont considérablement augmenté leur taux d'épargne » (FR97/EN81).
Le problème ? C’est une fausse information : l’Epargne des Ménages de la Zone Euro a baissé de -1.052,5 MD€ en 2008 et elle s’est redressée de +1.052,0 MD€ en 2009. Sur deux ans, l’augmentation de l’Epargne Nette des Ménages a été nulle et, si elle s’est redressée en 2009, c’est « grâce » à la reprise (factice) des marchés financiers. En effet, les économies, libres et forcées à long terme, des ménages sont gérées par la Haute Finance sous la forme de détentions de titres (Actions et Autres Participations, Parts d’OPCVM, Obligations et Autres Titres d’Emprunt), et elles dégagent des Plus-Values, réelles et potentielles, intégrées sous trois formes distinctes : augmentation de « la valeur des points » dans les Fonds de Pension ; augmentation des Réserves Techniques d’Assurance dans les Assurances-vie ; augmentation de la « valeur des parts » dans les Fonds d’Investissement. Cette Epargne à Moyen et à Long Terme est indisponible pour les particuliers – épargnants, mais elle est disponible pour les banquiers, pour les assureurs et pour « leurs » gestionnaires, ceux qui gèrent à la fois « nos » épargnes à moyen et long terme et « leurs » fonds spécialisés (fermés).
Les plus-values ou moins-values sont basculées dans les « Comptes des Ménages » mais elles restent bien au chaud dans les comptes de la Haute Finance. C’est d’ailleurs là que le gouvernement FILLON a annoncé qu’il allait « supprimer des niches fiscales ». Adieu aux belles retraites et aux économies à long terme : sur deux ans, elles n’ont plus progressé en Zone Euro, et voilà que les gouvernements sont « incités » à puiser dans « ce pactole-là »!
Cette entrée en matière permet d’annoncer la suite :
· Il faut réformer les systèmes de Retraites et les systèmes d’Epargne à long terme parce que c’est là que les gouvernements vont pouvoir « se refaire une santé » en fiscalisant les plus-values réalisées par les Fonds de Pension (épargnes forcées), par les Assureurs (assurances-vie : épargnes volontaires) et par les Fonds d’Investissement (épargnes volontaires et forcées) : « Le vieillissement des populations et les augmentations associées des dépenses de santé et des pensions exigent que toutes les autorités fiscales se mobilisent dans le cadre des réflexions budgétaires pour faire face à ces coûts futurs très importants » (FR199/EN171).
Le pactole est énorme au sein de la Zone Euro : capital et plus-values comprises, les ménages avaient, à fin 2009, des épargnes à long terme indisponibles de plus de 12.500 milliards d’euros dont : Provisions Techniques d’Assurance (5.579 MD€) ; Actions et Autres Participations (4.175 MD€) ; Titres de Créance à long terme (1.430MD€) ; Parts d’OPCVM (1.390 MD€).
· Evidemment, si les gouvernements puisent dans ce pactole, ils réduisent d’autant le potentiel de nuisance de la Haute Finance, essentiellement le potentiel des Sociétés d’Assurance et des Fonds de Pension (majoritairement sous leur contrôle). Il faut donc réduire les droits des assurés et des épargnants pour éviter que ces 12.500MD€ manquent à l’appel dans leurs comptes. L’allongement des Départs à la Retraite et la diminution des Droits à la Retraite (montants) doivent permettre de garder le pactole bien au chaud. Voici en effet, ce que dit JC TRICHET : « Dans la zone euro, par exemple, les dépenses relatives au vieillissement devraient augmenter d'environ 4% du PIB sur la période de 2004 pour 2050. Pour les gouvernements, qui doivent compter sur une croissance lente, cela signifie qu’ils doivent continuer à s’engager sur la voie des réformes structurelles, aussi bien sur les marchés de production que sur les marchés du travail et sur les marchés financiers. Dans le même temps, les banques centrales seront confrontées au défi de maintenir la stabilité des prix » (FR201/EN172).
· Il faudra aussi réduire le nombre et les traitements des fonctionnaires : « La Recherche suggère que les réductions de l’endettement, appuyées par la réduction des déficits et une baisse des charges salariales des gouvernements (traitements des fonctionnaires), sont susceptibles d'avoir plus de succès que les réductions d’endettement, basées sur les hausses d'impôt. Une des raisons possibles pour lesquelles les augmentations de taxes peuvent entraver les efforts de réduction, c’est qu'elles augmentent le coût unitaire du travail si les syndicats n'acceptent pas des coupes dans le revenu réel » (FR268/EN228).
· Pour les autres mesures sociales et fiscales, JC TRICHET reste évasif : « ils doivent continuer à s’engager sur la voie des réformes structurelles (FR202/EN173) et il rajoute : « L’opportunité ne signifie pas nécessairement que toutes les mesures doivent être mises en œuvre immédiatement. Par contre, cela implique qu'un plan à long terme crédible doit être annoncé à temps. L’ajustement fiscal lui-même peut être progressif, mais ce qui est important, c’est d'annoncer une feuille de route crédible, dès que possible, pour la réduction de la dette » (FR257/EN218). Il fait pourtant appel à la raison des élus qui doivent envisager des mesures structurelles : « En outre, cette réduction doit être ciblée. Des mesures permanentes sont préférables à des mesures temporaires » (FR263/EN223). Nul doute qu’il faille encore, et encore, défiscaliser les épargnes volontaires et forcées pour permettre à la Haute Finance de se « refaire une (bonne) santé » !
Donc, il n'y a qu'une solution : il faut toujours moins d'Etat, partout et pour tous, sauf pour la Haute Finance qui « garde » toute ses libertés… et toutes les garanties étatiques, obtenues en 2008.
Le choix de JC TRICHET n’est ni ricardien, ni keynésien, il est « néolibéral pur jus ».
La BCE continuera à « faire tourner la planche à billet » pour faire oublier « les créances pourries » (irrécupérables), toujours bien présentes dans les bilans de la Haute Finance.
Nous allons donc payer toujours plus de frais financiers (dette publique et dette privée) pour lui permettre de se remplumer… sans rien changer au sein de ce « beau monde ».
Nos « irresponsables » politiques continueront donc à « faire comme si » la Haute Finance était solide et indispensable, et ils continueront à dépouiller l'Etat de tout ce qui est « gênant », ce qui se dit de manière très docte dans le monde de la Haute Finance : « continuer à s’engager sur la voie des réformes structurelles ». Points essentiels dans « la feuille de route » : « il faudra » encore, et encore, réformer l’éducation (avec ses enseignements non conformes à la création d’une populace moutonnière), la santé publique (avec ses hôpitaux « mal gérés »), la Justice (avec ses juges d’instruction aux pouvoirs démesurés), l’administration fiscale (avec ses contrôles inutiles), les systèmes de retraite et les systèmes sociaux « rigides », les salaires et les contrats d’emploi « non compétitifs »...
E. Les « réformes nécessaires » ou « la » Grande Dépression ?
Sur le fond, JC TRICHET continuera sur la voie de « La gestion (désastreuse) de l’euro » (notre deuxième livre, publié en janvier 2008, et donc avant la crise) : la BCE est gérée sans aucun souci de politique économique (FR444/EN376).
Pour la Haute Finance, seule compte la survie du « système des nouvelles libertés » et donc, tout devient logique et indispensable : le basculement de ses pertes dans les comptes publics et le maintien des garanties accordées à la BCE pour pouvoir « prendre en pension » des actifs financiers risqués (sujets enterrés pour JC TRICHET) ; l’impunité pour la Haute Finance (pas de réformes et de restructurations) ; la manière dont les gouvernements de la Zone Euro vont pouvoir « éponger » un surendettement de 3.000 milliards d’euros, occasionné par cette « crise financière» ; il faudra continuer à s’engager sur la voie des réformes structurelles dans tous les domaines qui ne les concernent pas.
En matière d’emploi, de revenus et de consommation, d’investissement privé et public, d’équilibres des comptes extérieurs (balances commerciales et de capitaux), la BCE peut adopter une attitude irresponsable. En effet, alors que les économistes et les gouvernements d’après-guerre étaient censés faire de l’ECONOMIE POLITIQUE et faire des choix monétaires, économiques et fiscaux, JC TRICHET veut baser les choix de la BCE à court, moyen et long terme sur une ABSENCE D’ECONOMIE POLITIQUE, un vide total.
Non seulement JC TRICHET s’en vante mais, surtout, il s’en glorifie : « En somme, "l’économie apolitique" (comme je la désigne), concernant les décisions des banques centrales, est plus importante que jamais dans ces moments difficiles » (FR444/EN376).
Or, « ces moments difficiles » sont faciles à résumer : l’horizon est grand-ouvert sur une « crise économique » et probablement sur « la » Grande Dépression. En effet, nous allons payer trois fois l’addition de cette crise financière: nous avons déjà pris en charge leurs créances pourries (FR216/EN184) ; nous allons subir une inflation élevée (hausse spectaculaire de la masse M3) ; nous allons devoir contribuer à renforcer le système bancaire et financier (FR127/EN109)… qui cache des pertes bien plus importantes que prévu.
Or, tout cela nous conduit vers la pirouette fatale, ce que JC TRICHET avoue à demi mot : « Une incertitude, sans précédent dans toutes ses dimensions, rendra notre tâche plus complexe, et même moins évidente » (FR443/EN376). D’une part, l’horizon promis par JC TRICHET ne sera pas un eldorado de la croissance et il l’avoue lui-même : Pour les gouvernements, qui doivent compter sur une croissance lente, cela signifie qu’ils doivent continuer à s’engager sur la voie des réformes structurelles » ; d’autre part, les coupes sombres dans les budgets des gouvernements, des entreprises et des ménages provoqueront une baisse des consommations et des investissements ; enfin, la création de fausse monnaie donnera l’illusion d’une croissance des PIB.
Mais le tout, additionné, donne tous les ingrédients pour créer l’implosion du système politique, économique et financier face à une dure réalité : les destructions sociales sont telles que plus personne ne pourra payer trois fois l’addition des pertes bancaires et financières.
F. Conclusion
Il est intéressant de faire connaître l'interview COMPLETE de JC TRICHET sans élucubrer sur le poids théorique de tel économiste ou de tel autre... S’en tenir aux déclarations, s’en tenir aux faits, est-ce si difficile ?
L’influence théorique ? La Haute Finance n’en a cure, sauf pour « justifier » son appétit démesuré et pour « faire semblant » de faire un travail difficile ! Elle a voulu tous les pouvoirs de création et de gestion de « notre » monnaie en organisant un lobbying puissant, dans les années 1965, pour promouvoir le néolibéralisme, un système dans lequel l’Etat doit disparaître en leur donnant tout… sans subir aucun contrôle démocratique, sans autoriser aucune critique.
Elle a tout perdu au point d’être en phase finale de dépôt de bilan en 2008.
Elle a été renflouée par tous les gouvernements, surtout occidentaux, mais elle a surtout obtenu des garanties étatiques quasiment illimitées pour éviter la panique du Grand Public.
JC TRICHET nous dit que ce n’est pas de sa faute, ni de la faute des banques centrales ? Les pertes à venir seront plus importantes encore ; le système bancaire est devenu « obscur » et ingérable ; le métier de gouverneur de banque centrale consiste à « avoir un plus grand degré d'humilité face à des faits qui ne sont pas seulement étonnants ou "anormaux" mais qui parfois sont proches de « l’incroyable » » (FR340/EN287) ; il n’y a pas de cause unique… Eh bien si, Monsieur TRICHET, la cause unique est celle de l’incompétence de tout le SEBC : la création de « fausse monnaie » destinée à créer un système consanguin cupide et insatiable.
Ce système est aussi vieux que le monde : c’est celui des tricheurs, de la haute corruption, des courtisans…
Qu’en est-il de cette idée lumineuse des banquiers : inventer un impôt ou une taxe nouvelle sur les Fonds de Pension, les Assurances-vie et autres « produits » d’épargne à moyen et long terme. Brillante idée ! Sans douleur immédiate, les citoyens seraient soumis à un impôt assez peu « ricardien » : faire payer de suite des taxes sur des épargnes libres ou forcées, ou faire payer des impôts sur des plus-values incertaines, c’est chercher l’herbe dans le pré du voisin. En d’autres termes, c’est une idée de banquiers qui veut faire payer les assureurs et les assurés…
Premier problème ? Le monde des assureurs gère « ses » fonds de pension et ses fonds d’épargne dans les paradis fiscaux. Et c’est un monde qui a créé sa toute-puissance en créant des clôtures solides autour de ses prés carrés.
Le deuxième problème ? Il faut que les citoyens paient la socialisation de pertes immenses, passées et à venir ; puis, il faut que les banques augmentent leurs profits pour être plus fortes ( ?) ; enfin, il faudra faire le gros dos face à une inflation à deux chiffres, camouflée par les statistiques de la BCE… Camouflée mais évidente pour les citoyens confrontés au dilemme de la simple survie.
Le troisième problème ? Les dégâts sociaux sont tels que personne ne pourra payer trois fois l’addition d’un pareil désastre monétaire et financier. En d’autres termes, nous assistons à une fin de Régime : la disparition des banques commerciales et des banques centrales « indépendantes » et « irresponsables ».
Le quatrième problème ? C’est de préparer l’avenir sur des bases saines.
C’est la raison pour laquelle nous avons déjà écrit sept articles sur les domaines réservés de la Haute Finance.
Et ce n’est pas fini !
Je rajouterai une autre conclusion car c'est la seule issue :
ALTER-EUROPA
Pour une Autre Europe...
Et (bien sûr) pour un Autre Euro...
Cordialement,
JM