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Billet de blog 13 mars 2011

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Les débats sur la crise et sur l’avenir de l’euro: sombres perspectives…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A - Préambule.

Dans le cadre des élections présidentielles, les Français vont être envahis de sondages, de beaux discours, de beaux débats, de belles promesses mais, ils le savent toutes et tous, rien ne changera. La France, et toute l’Europe, se dirigent comme le Titanic vers l’iceberg fatal, à toute vitesse.

Depuis la « crise des subprime », de nombreux débats sont régulièrement lancés sur un sujet « tabou », l’avenir (compromis) de l’euro, alors que ALTER-EUROPA a publié un de mes livres dès janvier 2008, intitulé « La gestion (désastreuse) de l’euro », après avoir publié en janvier 2007 un premier ouvrage (dix ans de recherches) sur « Le néolibéralisme ? Un très vieux système… Pourquoi (faut-il) le combattre ? ».

Pour répondre à la demande d’un MEDIAPART-icipant, j’ai donc écouté attentivement le débat organisé par LA TRIBUNE entre Daniel COHEN et Alain COTTA. D’une part, ce genre de débat n’est pas ma tasse de thé (je connais trop bien les économistes officiels) et, d’autre part, Daniel COHEN s’est révélé très « pompant » (je plains ses étudiants) mais certainement pas le plus convaincant… malgré un phagocytage du temps de parole : 90% contre 10% à Alain COTTA.

Pour rester clairs, nous allons donc procéder par ordre : reprise des débats par thèmes ; reprise des arguments (souvent peu évidents à comprendre) par débatteurs ; présentation de notre analyse.

Si nous publions ce billet, c’est surtout pour que MEDIAPART offre lui-aussi un débat sur ces thèmes qui nous concernent au plus haut point car, peu importe qui sera Président ou Présidente de la France en 2012, c'est sur la scène financière que va se jouer notre avenir.

Par contre, en matière économique et sociale, la gestion de l’euro a été si désastreuse, avant, pendant et « après » la crise, que, en fait, il n’y a plus que deux scénarios plausibles pour notre avenir :

  • une inflation à deux chiffres qui sera camouflée par les banques centrales (comme toujours) ;
  • une déflation tellement importante que nous ne devons plus parler de « récession » mais de « dépression ».

Dans un cas, comme dans l’autre, avec ou sans euro, tous les peuples européens vont beaucoup souffrir…

...

B - Pourquoi l’euro a-t-il été créé ?

Tous les économistes sont d’accord pour dire que l’euro est une monnaie politique, dans le sens de « voulue par les politiques ».

Daniel COHEN :

« On a fabriqué un euro dont le grand avantage est… était de créer des conditions financières faciles ».

Alain COTTA :

« Une chose fondamentale : l’euro a été, et il reste une monnaie politique… qui devait être le sas entre l’Europe du Marché Commun et une Europe Fédérale.

JUNON MONETA / ALTER-EUROPA :

Evidemment, même si l’euro a été présenté comme un projet politique défendu par François MITTERRAND face à un Helmut KOLH réticent, l’euro n’est pas une monnaie politique mais une monnaie financière, voulue par la Haute Finance et pour la Haute Finance. Forcément, tout le reste en découle.

....

C - Pourquoi l’euro est-il en crise ?

Daniel COHEN :

« Les pays de la zone euro souffrent tous d’une crise financière qui a traversé l’Atlantique et qui les a rejoints. On avait tout prévu : des crises de liquidités… mais pas une crise des banques, et pas une crise des finances publiques. On ne peut pas reprocher aux Autorités de n’avoir pas prévu une crise de cette ampleur, comparable à celle de 1930 qui a débouché sur le nazisme et la guerre ».

Alain COTTA :

« Une monnaie unique implique un certain nombre de conditions : des structures économiques voisines, sinon identiques ; un budget commun (non pas le budget actuel de 1% du PIB) ; un certain nombre de normes et de disciplines communes (à commencer par des normes financières). Bref, ces conditions de réussite commune n’ont jamais été réunies…».

JUNON MONETA / ALTER-EUROPA :

Dès les premières réflexions sur une monnaie européenne, les Banques Centrales devaient être « indépendantes » des peuples et de leurs représentants politiques ; de leur côté, les Bons d’Etat ne pouvaient plus être achetés par les Banques Centrales en contrepartie d’une ouverture automatique de lignes de crédit, et donc en contrepartie d’une création de monnaie (monétisation).

En conséquence, les Bons d’Etat devaient être vendus aux enchères sur « les marchés ».

Or, l’actualité nous montre toute la perfidie du système, avec ses agences de notation, payées par la Haute Finance pour faire grimper les taux d’emprunt des Etats.

  • Officiellement, toutes ces « recommandations », c’était pour éviter les dérives politiques en matière de gestion budgétaire (déficits publics) et de refinancement de la dette publique.
  • Officieusement, l’indépendance des Banques Centrales allait permettre de créer beaucoup de fausse monnaie ex-nihilo (par des jeux d’écriture), et de la répartir entre des « gens de bonne compagnie » : les cinquante grandes banques commerciales européennes, dont les grandes compagnies d’assurance sont actionnaires.

Les Banques Centrales sont redevenues des banques de banques, comme la Banque Centrale d’Angleterre en 1694 (BoE) ; puis, l’achat et la revente des Bons d’Etat par les banques commerciales, est devenu un commerce très juteux qui leur rapporte actuellement plus de 250 milliards d’euros par an pour la seule Zone Euro.

Or, aucun des deux débatteurs ne parle de cela ; c’est pourtant bien tout ce système qui est à l’origine de la crise de l’euro, nous allons en comprendre la mécanique pernicieuse.

....

D - Crise passagère ou crise systémique ?

Daniel COHEN :

« On se retrouve face… à une bulle financière, en l’occurrence immobilière, qui éclate, et on se rend compte que le dispositif institutionnel est très insuffisant pour faire face à une crise comme cela. Donc, il faut doter l’Euro, zone monétaire, d’instruments, qui lui permettent de faire face à des crises financières en général, et qui incluent parfois, comme cas particulier des crises de finances publiques […]. C’est le système qui est en jeu dans sa totalité, dans sa globalité. C’est la raison pour laquelle il faut un saut institutionnel pour que cette crise soit résorbée et que cela dissuade les spéculateurs de parier sur une nouvelle crise ».

Alain COTTA :

« Bref, ces conditions de réussite commune n’ont jamais été réunies, et le tout est de savoir si elles pourront l’être un jour […]. Certains comme moi, nous pensons que ces conditions ne seront jamais remplies, pour des raisons politiques, économiques, techniques mais certainement pas financières ».

JUNON MONETA / ALTER-EUROPA :

Les deux économistes sont au moins d’accord sur un point : nous sommes bien dans une crise systémique.

Nous rajoutons que la crise systémique était inévitable, et nous l’avions prévue dans nos deux livres, bien avant la crise des « prêts subprime », alors que Daniel COHEN parle d’une « crise financière qui a traversé l’Atlantique ».

En clair, si les autres pays allaient dans le mur, ce n’était pas une raison pour que la Zone Euro et toute l’Union Européenne aillent s’écraser aussi violemment que les autres, en gérant l’euro d’une manière aussi désastreuse.

...

E - Crise systémique : à cause de quoi ? A cause de qui ?

Daniel COHEN :

« L’erreur est de penser, notamment en Allemagne, que c’est une crise des gouvernements, des finances publiques, et donc que les pays (les gens) doivent se débrouiller tout seuls […]. On est aujourd’hui devant une feuille blanche : une crise, autrefois monétaire, qui aujourd’hui est devenue financière, pour laquelle on a aucun instrument. Il n’y a pas d’instrument parce que la BCE n’a jamais réfléchi au rôle qu’elle pourrait jouer pour refinancer ceci ou cela […].

Elle est complètement désarmée, idéologiquement, théoriquement, elle n’a aucune théorie de ce qu’elle devrait faire aujourd’hui». […]. Cela inquiète les marchés. On peut partir avec une dette publique égale à zéro (cas irlandais), et tout d’un coup, les banques font faillite, et on se retrouve un an après avec une dette publique équivalente à 30% du PIB ».

Alain COTTA :

Pour lui, cela ne fait aucun doute : les politiques ont voulu une monnaie unique.

Dès le départ officiel de l’euro, il avait annoncé l’impasse d’une monnaie qui n’était pas accrochée à un Etat souverain mais à une Fédération d’Etats et d’économies dissemblables.

Rendons à César ce qui appartient à César (et à d’autres) : l’euro, comme monnaie unique, ne pouvait pas tenir, et il est quasiment certain qu’il ne tiendra pas très longtemps.

Il cite d’ailleurs l’échec d’une expérience semblable, celle de l’Union Latine, créée le 23 décembre 1865 par les pays signataires : France, Belgique, Italie, Suisse, Luxembourg et Grèce (en 1868). Elle fut dissoute officiellement le 1° janvier 1927, mais les bases bimétalliques (or et argent), supposées faire fonctionner un vrai système monétaire international, furent ébranlées par l’apparition d’une monnaie scripturale abondante (qui provoqua un flottement généralisé des monnaies), mais aussi par la baisse de l’or (contre l’argent), suite aux productions d’or en provenance des nouveaux gisements découverts en Californie (en 1848) et en Australie (en 1851).

JUNON MONETA / ALTER-EUROPA :

Avant de bien comprendre « la mécanique perfide», posons-nous la question : pourquoi la BCE (chapeautant tout le SEBC[i]) devait-elle créer autant de fausse monnaie ?

  • Pour que les grands acteurs de la Haute Finance puissent devenir les « nouveaux patrons » des grandes entreprises, il a d’abord fallu « libéraliser les marchés » pour permettre de créer des Marchés de Capitaux intra-européens (actions, obligations et bons d’état) et des Systèmes de Transfert performants (Systèmes TARGET).
  • Puis, il a fallu leur vendre tous les bijoux de famille ou leur concéder tous les droits d’exploitation (autoroutes, eau, sol, sous-sol, air) en privatisant toutes les entreprises publiques et le maximum de services publics.
  • Puis, il a fallu leur permettre de vendre toutes les entreprises, privées et privatisées, par étages ou par tiroirs, pour leur permettre de réaliser le maximum de plus-values faciles.
  • Puis, il a fallu leur permettre d’exiger toujours plus de profits au sein de ces entreprises, sans les imposer et sans les taxer normalement, pour leur permettre de « pomper » le maximum de dividendes au détriment des salariés.
  • En clair, il fallait que l’euro s’inscrive parfaitement dans la logique dogmatique des « marchés concurrentiels, libres et non faussés » : un discours qui cache une réalité bien plus triste, celle d'oligopoles bien organisés dans tous les secteurs de l'économie européenne.

Pour y parvenir, ce fut très facile : tous les économistes et tous les médias aux ordres ont promu le bon droit des « privatisations nécessaires », puis la logique des « profits, bons pour les investissements, les emplois et les salaires, donc indispensables pour le bonheur de tous ». L’Union Européenne a fait le reste : une entreprise de démolition des Services Publics et de tous les droits sociaux.

En effet, avec la création d’une monnaie unique, le libéralisme des « grands patrons privés », toujours opposés au progrès social (voir les positions du MEDEF en France), est devenu le néolibéralisme de la Haute Finance avec la « liberté des capitaux » et donc avec une institutionnalisation (de fait) des paradis fiscaux et des paradis sociaux, à l’extérieur et à l’intérieur même de l’Union Européenne.

Les travailleurs et les Etats sont donc mis « en concurrence parfaite » par une Haute Finance en situation d’oligopole (entre « gens de bonne compagnie"). Les différents traités depuis MAASTRICHT et finalement le Traité de LISBONNE ne disent que cela : surtout pas d’harmonisation fiscale et sociale. Donc, libertés pour la Haute Finance : oui ! Mais surtout pas de « liberté pour les peuples de défendre un projet humaniste ».

En résumé : vive la mondialisation heureuse ! Heureuse pour la Haute Finance, bien sûr !

Mondialisation heureuse ? Sauf qu’une création surabondante de (fausse) monnaie, plus une distribution de cette fausse monnaie entre des copains – coquins, cela crée toutes les conditions d’une crise systémique d’une telle ampleur que le néolibéralisme est mort officiellement en novembre 2008 : tous ces grands acteurs étaient (tous) en dépôt de bilan.

Même la BCE était en dépôt de bilan : les gouvernements ont dû lui apporter des garanties étatiques pour lui permettre d’arroser la Zone Euro avec de la fausse monnaie : son bilan (dettes vis-à-vis des peuples) est donc passé de 700 MD€ en fin 2007 (création de l’euro financier en janvier 2008) à 3.200 milliards d’euros à fin 2010.

Depuis lors, la BCE et les gouvernements ont (encore) socialisé les pertes énormes (sous-estimées) de la Haute Finance au point de faire passer la Dette Publique de 69,8% en 2008 à 79,2% en 2009, et probablement à 90% du PIB en 2011.

Or, toute création de monnaie est inflationniste mais, comme la BCE calcule elle-même les taux d’inflation (plusieurs indices, et plusieurs utilisations statistiques de ces indices), forcément elle les calcule « très bien » puisque, malgré le désespoir des citoyens face aux envolées des prix sur le terrain, les prix officiels sont très stables…

...

F - Sortie de crise : quand ?

Daniel COHEN :

Pour lui, la crise peut être digérée rapidement car, ce qui détermine la stabilité financière d’un pays, ce n’est pas le poids la dette mais le poids des intérêts.

« Dans le contexte de taux bas, il ne devrait jamais y avoir une crise des finances publiques ou une défaillance d’Etat. Il prend un exemple : une dette de 150% du PIB, même avec des taux d’intérêt à 3%, cela fait 4,5%, moins l’inflation à 2%, cela fait des taux d’intérêt réels à 2,5% ». Et il prend le Japon : dette de 200%, taux 0%, cela fait des frais financiers de 0%. Ce qui a été déterminant, c’est la crise de confiance qui a fait monter les taux du marché de 3% à 7%, à 8% et même à 10%. L’enjeu est donc de revenir à des mécanismes qui assurent les financements à des taux très bas.

Alain COTTA :

« C’est réducteur : Daniel COHEN réduit le tout à une crise financière.

Or, le social existe aussi.

Les Etats n’ont jamais payé leurs dettes : ceux qui ont spéculé en achetant de la dette grecque à 10% vont perdre leur capital, et cela ne me dérange pas.
Il y a des problèmes sociaux, il y a des inégalités sociales et il y a un sous-emploi, qui provoquent des tensions, et qui ne sont pas prêtes de se résoudre ; le sauvetage et les solutions financières ne résoudront rien. Il y a chez Daniel COHEN un optimisme qui me rappelle le passage du fédéralisme à la convergence, puis de la convergence à la cohérence parce que, derrière l’Europe, il y a les Etats et il y a la Politique ».

Alain COTTA va donc jusqu’à dire que le défaut de plusieurs pays est inéluctable et que, si AXA et des assureurs allemands ont commis l’imprudence d’acheter des bons de l’Etat grec par cupidité, ils feront faillite. Si les assurances-vie sont menacées, on pourra nationaliser AXA et toutes les entreprises financières défaillantes, cela n’est pas gênant.

« Simplement, toutes les mesures de sauvetage actuelles, mettant en cause des Etats, ne passeront pas, politiquement et socialement ». Parmi l’énumération des contraintes, faite pas Alain COTTA : « la contrainte sociale ; la contrainte politique ; le fait que des pays latins feront payer l’Allemagne au maximum ; le fait que l’Allemagne ne sera pas toujours aussi bien gagnante qu’aujourd’hui ; la prise de conscience par les Français que c’est l’Allemagne qui a tout gagné avec l’euro ; les élections en France qui se feront insidieusement sur le « pour » ou « contre » l’euro ; le vote des gens en situation de dépendance (et leurs enfants)… ».

JUNON MONETA / ALTER-EUROPA :

Aucun des deux économistes ne prévoit le pire : les révoltes, une révolution…

Or, c’est bien ce que nous avions prévu dans un article publié sur le site de ALTER-EUROPA le 26 octobre 2010, bien avant les révoltes dans les pays de la Méditerranée, intitulé : « Fin de Régime : le durcissement est inévitable ».

https://docs.google.com/leaf?id=0B4OhnMZdPlBYmExOWY4NjEtMmYwNy00OWZjLWFjMjctYTNlMjk3MDFiZTA2&sort=name&layout=list&num=50&pli=1

Nous sommes dans une fin de régime, pas seulement dans les dictatures africaines, arabes et peut-être même chinoise dans un horizon un peu plus long… Pourquoi, l’Europe et l’Euro échapperaient-ils à ce grand chambardement contre le néolibéralisme ravageur ?

Or, les deux protagonistes sous-estiment ce problème ; la preuve par leurs échanges.

Daniel COHEN :

« La solution est donc financière mais ce n’est pas la Zone Euro qui crée ces problèmes. L’euro responsable des inégalités sociales ? Sûrement pas ! Les forces à l’œuvre pour une extension des inégalités sont les mêmes partout dans le monde, mais les régimes sociaux européens les amortissent en Europe (même si en France la redistribution du PIB a creusé les inégalités de deux ou trois points) ».

Alain COTTA approuve :

« Les inégalités sont partout, sauf en Europe. Et donc, pour les responsabilités, « tout sauf l’Europe ! ».

Erreur bien sûr : le processus est celui d’une bombe atomique. Le pré-détonateur a été activé : socialisation de pertes gigantesques, et report des sacrifices sur les populations dans le contexte d’une Economie Réelle très déflationniste. La réaction en chaîne est maintenant exponentielle (la violence est sur tous les écrans de télévision) et donc les forces internes sont en train de s’accumuler. La bombe va exploser.

...

G - Sortie de crise : comment ?

Daniel COHEN :

Il faut sauver l’euro, la BCE et tout le SEBC, les banques et les groupes d’assurance.

Bien évidemment cela coûte cher aux pays mais, bon, il faut créer tous les instruments pour leur éviter la « défaillance ».

« L’euro, c’est un degré de liberté en moins, l’impossibilité de dévaluer, contre un bénéfice qui est la stabilité financière et un intérêt faible. Quand un pays comme l’Allemagne engrange des excédents alors que les autres enregistrent des déficits commerciaux, globalement, la Zone Euro est en équilibre.

En faisant des excédents commerciaux, les Allemands engrangent de l’épargne et donc, l’Epargne allemande sert à financer les investissements des autres. Et donc, plus aucun pays au sein de la Zone Euro ne se préoccupe de ses déficits de balances de paiements. Par contre, les autres ont fait de mauvais investissements, en créant des bulles immobilières en Espagne et en Irlande, mais en restant dans le schéma de la Zone Euro, on perd, on gagne. Le problème a été que l’usage de l’épargne des uns ait servi à favoriser des emplois spéculatifs chez les autres ».

La solution (pour D. COHEN) est donc de considérer qu’un pays n’est pas insolvable.

« JC TRICHET l’a admis, après la mise en place de lignes de crédit par le FMI, dans 80 % des cas, les pays ne sont pas mis en faillite. Par contre, il faut du temps et de la volonté politique. Or, le Marché refuse le temps : il préfère à la limite le « défaut » de suite, plutôt que de vivre dans une incertitude pendant trois ou quatre ans. Le rôle d’une institution financière, le FMI ou le FESF, c’est de dire à un pays : « vous êtes insolvables ; on va prévoir un plan et on va vous prêter à un taux faible. Il y a des incertitudes mais, si les marchés les refusent, ce n’est pas pour autant que les pays ont tort. Bien souvent, ce sont les marchés qui ont tort car ils paniquent, et ils ne donnent pas le temps politique nécessaire. Donc, il faut un Fonds Européen de Stabilité Financière, non à 440 MD$ (ou 250 MD$) mais 1.000 MD$. Ce n’est pas grand-chose ; il y a peu de risques pour les contribuables ».

« L’autre réforme, JUNCKER – TREMONTI, est à mettre en place : chaque Etat émet une dette en rivalité avec les autres mais à condition que ce soit une dette sans risque. Cette dernière réforme préconise une mutualisation à hauteur de 40% ou à 60% de la dette des pays de la zone euro sous le label « dette européenne » ou « dette seigneuriale » (3%).

Chacun bénéficierait ainsi de la solidité financière et de la bonne réputation des élèves les plus « vertueux » de la zone car, seules, les dettes supplémentaires seraient plus chères (10%), mais elles ne mettraient pas en péril les finances publiques, et il n’y aurait pas de risque systémique ».

Alain COTTA :

« La monnaie commune (mais pas unique) était un compromis absolument indispensable entre la nécessité de faire vivre le continent européen d’une part, et d’autre part la diversité des économies qui le composent sur le plan culturel, économique et social. Je rajouterai que la position américaine est de considérer désormais l’Europe comme l’Afrique : c’est un continent politiquement mort ; plus aucune influence mondiale ». Et donc, c’est pour A.COTTA une erreur de dire que « Sauver l’euro, c’est sauver l’Europe »

« Je persiste à penser qu’il faut une monnaie commune (mais pas unique) mais que le passage de la monnaie unique à la monnaie commune n’est pas d’une simplicité enfantine. Par contre, aucun gouvernement ne l’envisage… mais comment faire autrement ??? Si Madame MERKEL et Daniel COHEN disent « il faut garder les Grecs, et on va payer pour qu’ils restent », les Allemands vont payer, et ils vont payer très cher : la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal.. Ils vont payer très cher, et très longtemps, au point où ils n’en pourront plus. Donc la monnaie commune est un compromis nécessaire et heureux entre la nécessité de faire l’Europe, en tenant compte de la diversité des pays qui la composent ». Et il rajoute : « En fait, il faut une monnaie commune qui nous libère des contraintes de l’euro pour que chaque pays puisse refaire de la politique et du social. Pourquoi toutes les monnaies mondiales pourraient-elles bouger l’une par rapport à l’autre ? Et pourquoi voudriez-vous que les monnaies européennes soient tenues éternellement à n’être plus qu’une, l’euro ? Pourquoi cela ? Pourquoi cette Europe, d’ailleurs ? Pourquoi ? ».

Daniel COHEN :

« Je ne veux pas vous être désagréable mais, la monnaie commune, je ne sais pas très bien ce que c’est. Ce serait une monnaie de compte, comme le DTS, on reviendrait au système antérieur. Le serpent monétaire a-t-il fonctionné ? ».

- OUI, dit COTTA, la France avait un taux d’épargne très élevé (le plus élevé du monde) !

- Mais, non, dit COHEN car, malgré cela, la France payait des taux d’intérêt très élevés. C’était pathologique.

Daniel COHEN : « C’est donc cela que la zone euro nous a apporté jusqu’à cette crise: on a perdu le degré de liberté « change » et en contrepartie, on gagne de la stabilité financière ».

Alain COTTA : « On a gagné des taux d’intérêt faibles mais les PME-PMI n’en profitent pas. Le taux d’investissement français est quasiment nul contre 20% avant l’euro ».

Pour COHEN, l’euro ne peut pas être un facteur de convergence.

Donc, il faut revenir à un pacte financier : 60% (Dette Publique / PIB) ou 3% (Déficit Annuel / PIB).

Par contre, il faut admettre les crises financières : « Elles sont rares, on en a une tous les cinquante ans ».

En fait, Daniel COHEN reste dans le schéma que l’euro nous protège en créant une zone de stabilité… et donc, les déséquilibres et l’inflation n’ont pas lieu d’exister… mais Alain COTTA n’y croit pas. Il lui pose d’ailleurs la question : « Pourquoi restez-vous si rigide? D’ailleurs, pourquoi cette Europe-là ? Pourquoi pas une monnaie commune et pas unique ? L’euro a profité de façon inégale à chacun ; il n’a rien apporté à la France. Je suis surpris de l’acharnement thérapeutique de Daniel COHEN ».

EPILOGUE :

Les deux économistes maintiennent foncièrement le système actuel, avec ou sans euro.

Ils sont d’accord pour adopter un système de régulation au sein d’un système monétaire foncièrement inchangé.

Daniel COHEN est dans la ligne officielle : tout pour la Haute Finance. Il préconise donc un SERPENT FINANCIER DES TAUX pour intégrer les primes de risques liées à un surendettement des Etats : pour un endettement « normal » de 40% ou 60%, tous les Etats paieraient des intérêts à hauteur de 3% ; pour les tranches supérieures, les Etats pourraient être amenés à payer 10%, pour financer des options budgétaires risquées.

Alain COTTA revient au système monétaire des monnaies nationales (franc français, deutsche mark,…) et il les chapeaute d’une monnaie de compte, l’euro. Il préconise donc un retour du SERPENT MONETAIRE DES COURS DE CHANGE pour permettre aux monnaies nationales européennes de fluctuer entre elles. Il n’est pas très convaincant sur ce thème, notamment parce que l’adoption d’une monnaie de compte serait un cadeau supplémentaire fait à la Haute Finance.

JUNON MONETA / ALTER-EUROPA :

LES DEUX APPROCHES SONT COHERENTES : il faut permettre des ajustements, ce que l'euro actuel ne permet pas. Par contre, les deux débatteurs ne sont pas d'accord sur les variables d'ajustement : cours de change ou taux d’intérêt..

MA CRITIQUE LA PLUS FONDAMENTALE est la suivante : ils admettent tous les deux le principe même des crises financières alors que le rôle de la BCE était de les éviter... Elle devait les éviter en contrôlant la masse des liquidités (en hausse constante depuis dix ans) : c’est la condition minimaliste pour justement éviter l'inflation (seul objectif assigné à la BCE)... Elle devait surtout contrôler l'usage de ces liquidités par les banquiers, par les assureurs et par les sociétés de crédit : c’est un contrôle indispensable pour justement s’assurer que les utilisations de liquidités vont créer des richesses, donc des emplois, des salaires et une baisse des inégalités sociales...

Cette condition est essentielle pour éviter des crises sociales, des révoltes et peut-être même une révolution (une hypothèse qui n’est même pas évoquée).

Autrement dit, les financiers devaient être muselés... mais aucun des deux débatteurs n'en parle car, en fait, l'euro a été créé par les financiers, pour les financiers, avec une vue à court ou moyen terme... mais sûrement pas avec une vue à long terme...

C'est un peu ce que dit Daniel COHEN : "L'Euro a été créé sans les moyens (les instruments) de gérer des crises financières. La responsabilité des gouvernements n'est pas en cause".

Les responsabilités sont clairement établies.

En effet, les gouverneurs des banques centrales ont manqué à leurs missions principales de :

- garantir la stabilité des prix et de l’euro ;

- gérer les réserves de change (sans vendre l’équivalent de 1.800 tonnes d’or) ;

- assurer le bon fonctionnement des marchés financiers et des systèmes de paiement ;

- surveiller les établissements financiers ;

- favoriser une allocation efficace des ressources ;

- interdire la prise en charge par l’Union Européenne et par un Etat-membre des dettes d’un autre Etat…

L’échec a été tellement cuisant que toute la Haute Finance était en dépôt de bilan virtuel en novembre 2008, même la Banque Centrale Européenne. Pour « sauver » le système, tous les articles du Traité de LISBONNE ont été violés.

...

H - Faut-il, oui ou non, sortir de l’euro ?

Ma conclusion ?

Il ne peut y avoir, ni une monnaie unique, ni une monnaie commune, tant que :

- Le mythe d'une "mondialisation heureuse" subsiste au sein de l'Union Européenne (un mythe que les pays émergents exploitent avec la complicité des GMS et des transnationales) ;

- Le fonctionnement du SEBC ne sera pas reconnu comme responsable de cette crise systémique (avec la bonne analyse des causes, et avec la mise en accusation des gouverneurs des banques centrales)...

- Il n’y aura pas d’harmonisation fiscale et sociale, avec des mesures de rétorsion contre les paradis fiscaux…

- Il n’y aura pas de volonté politique de poursuivre les objectifs du plein emploi, d’une éducation et d’une formation continue de qualité…

- Il y aura des passe-droits, des enrichissements sans cause institutionnalisés, des évasions fiscales, un système organisé de haute corruption…

- La dette souveraine restera sous la coupe de la Haute Finance...

Donc, aucune monnaie européenne, unique ou commune ne survivra longtemps, tant que le marché monétaire et la liberté totale des capitaux (pardon : liberté des liquidités) ne seront pas supprimés… Avec cette réforme fondamentale, les agences de notation ne joueront plus au chantage pour faire monter les taux d'emprunt des gouvernements et des administrations...

Dans le contexte actuel, le système même des banques centrales, comme « faux monnayeurs institutionnalisés », doit disparaître le plus vite possible… sinon il nous entraînera vers le néant.

Or, les deux débatteurs (et la plupart des « spécialistes ») disent : on garde le système du SEBC et on le régule...

Mais tout ce système est pourri jusqu’à la moelle... et il est incapable se réformer.

L’euro est donc condamné à disparaître très rapidement.

Merci de réagir, vite, très vite…

JUNON Moneta

ALTER-EUROPA

Pour une Autre Europe…

Et (bien sûr) pour un Autre Euro…

Le débat, organisé par LA TRIBUNE, peut être visualisé sur :

http://www.dailymotion.com/video/xh0zmp_euro-le-debat-entre-...


[i] SEBC : Système Européen des Banques Centrales, dont les Banques Centrales Nationales des pays faisant partie de la Zone Euro mais aussi celles des autres pays de l’Union Européenne.

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