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Billet de blog 30 juin 2024

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La Trumpification d’Emmanuel Macron ?

En 2017, Emmanuel Macron n’était « ni droite ni gauche » ; il se présentait comme rempart contre l’extrême droite. Il était tout le contraire de Donald Trump, vulgaire président incendiaire des USA. Mais au cours de ces 7 dernières, Macron s’est peu à peu transformé, s’inspirant entre autres de Trump.

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A la suite de l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017, bon nombre de mes amis américains étaient admiratifs.  On avait de la chance, en France, d’avoir un président jeune, dynamique, intelligent, éloquent : tout le contraire de Donald Trump.  Ils étaient ravis en juin 2017 quand le nouveau président lança un défi à Trump : « Make the planet great again ».  Trump se retirait de l’accord de Paris sur le climat et mettait en péril l’équilibre des institutions internationales.  Sur le plan de la politique intérieure, Trump jouait sur la division et la polémique, insultant les immigrés, dénigrant les intellectuels et la presse, mettant en question la légitimité du système judiciaire.  Macron l’Européen était le chantre du multilatéralisme, défenseur d’un ordre basé sur la coopération, rempart contre l’extrême droite.  Le 14 juillet 2017, Trump était l’invité d’honneur à l’Elysée.  Macron tenta d’utiliser tous ses pouvoirs de séduction et d’argumentation pour faire revenir les USA dans le concert des nations.  Certes, il n’accomplit pas grand-chose, mais cela mit en évidence le contraste entre les deux présidents.  Contraste encore plus grand lors du refus de Donald Trump de reconnaitre sa défaite face à Joe Biden en 2020 et lors de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.

            Mais peu à peu, le gouvernement français commençait à faire écho à certains des thèmes chers à M Trump et ses alliés.  Certes, au début, c’était plus souvent certains ministres que le président lui-même.  Jean-Michel Blanquer dénonçait les « islamogauchistes » qui, selon lui, avaient infesté les universités françaises ; lui et autres ministres s’élevaient contre ce qu’ils appelaient le « wokisme », terme inventé par l’extrême droite américaine pour dénigrer les mouvements anti-racistes.  Gerald Darmanin qualifiait d’« Ecoterroristes » ceux qui manifestaient contre les projets de grands bassins en Poitou et ailleurs.  En d’autres termes, face à l’opposition de gauche sur un certain nombre de questions, le gouvernement préférait l’invective au débat, à l’image de M Trump.  Au début, M Macron restait au-dessus de la mêlée et laissait ses ministres exprimer ces propos.  Mais de plus en plus, le président français a employé le champ lexical de l’extrême droite.

Cette année, Trump, candidat à un nouveau mandat, a plusieurs fois affirmé que, s’il n’était pas réélu, il y aurait une « guerre civile », un « bain de sang ».  Celui qui a inspiré les émeutes du 6 janvier 2021 pourrait provoquer une crise bien plus grave en 2025.  On trouve les mêmes excès verbaux dans des propos récents de M Macron.  Voter pour la gauche comme pour l’extrême droite mènerait à la « guerre civile », affirma-t-il le 24 juin.  La politique du Front populaire serait « immigrationniste », terme cher à Trump et bien évidemment au FN/RN depuis sa fondation par Jean-Marie Le Pen.  Certes, sur bien d’aspects, le contraste reste important entre les deux hommes : Trump le milliardaire a réussi à se faire passer pour un candidat antisystème ; il s’exprime avec une vulgarité qui ravit ses partisans.  Macron, au contraire, incarne l’élite internationale que détestent les Trumpistes (et bon nombre d’électeurs RN).  Mais chez les deux on trouve un mépris pour leurs opposants politiques, un refus d’admettre qu’une alternance démocratique puisse mener à autre chose qu’une guerre civile.

La transformation d’Emmanuel Macron entre 2017 et 2024 surprend.  Pour les élections présidentielles de 2017 et 2022, il se présentait comme « ni droite, ni gauche », rempart contre l’extrême droite ; il invoquait le pacte républicain pour que les électeurs de gauche se range derrière lui, ce qu’ils ont fait massivement.  Mais dès les élections parlementaires de 2022, il changea de ton, mettant dos-à-dos les « extrêmes » de droite et de gauche, se présentant comme seul alternatif au chaos.  Depuis la dissolution du parlement le 9 juin, Macron aurait pu se faire avocat du front républicain en se rangeant aux côtés de la principale force de l’opposition, désormais le Front Populaire ; il peut encore le faire pour le deuxième tour.  Mais il a choisi au contraire de diaboliser les deux camps d’opposition, ce qui n’a pas d’autre effet que de banaliser le vote RN.  Ses prises de position ont encouragé les spéculations les plus diverses : qu’il démissionnerait à la suite des élections du 7 juillet, ou au contraire qu’il invoquerait l’article 16 de la constitution pour prend les rênes du gouvernement face à un parlement divisé.  Trump a fomenté les émeutes du 6 janvier 2021.  Que nous promet Macron pour juillet 2024 ?

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