Faut-il vraiment se réjouir de la hausse tendancielle du taux de réussite au baccalauréat ?
L’an passé, l’ex-ministre de l’Éducation Pap N’Diaye commentant les résultats en légère baisse du taux de réussite au bac général, avait estimé que c’était le signe que le bac « retrouve une sélectivité qu’il avait pu perdre ces dernières années »[1]. Or cette baisse était surtout due aux taux de réussite particulièrement élevés des années précédentes puisqu’en raison du COVID, le bac avait été alors principalement évalué en contrôle continu. À l’inverse cette année le bac général a semble-t-il perdu de sa sélectivité (et donc de sa valeur ?) puisqu’il a été obtenu par 96,1% des candidats (+0,4 point par rapport à 2023). Le taux de réussite au baccalauréat technologique a été, quant à lui, de 90,3 % (+ 0,5 point) et celui au baccalauréat professionnel de 83,4 % (+ 0,6 point).
Or, sans pour autant estimer que le bac perd automatiquement de sa « valeur » lorsqu’il perd en sélectivité, on peut toutefois légitimement s’interroger sur l’origine de cette augmentation tendancielle puisque le taux de réussite au bac général était environ de 90 % avant la réforme du bac de Pierre Mathiot et de Jean-Michel Blanquer en 2019 ( pour mémoire il était de 75% en 1995 et de 80% en 2000). L’augmentation du taux de réussite à un examen peut s’expliquer par trois facteurs différents : il peut être du soit à une augmentation du niveau de compétence des candidats, soit à des modes d’évaluation plus indulgents, soit à la diminution des exigences aux épreuves. Or c’est hélas les deux dernières hypothèses qui semblent ici les plus probables.
En effet, l’augmentation du taux de réussite au bac général s’explique principalement par la réforme de 2019 puisque toutes les innovations introduites par cette dernière conduisent implicitement au gonflement des résultats comme le montre aussi l’explosion du nombre de mentions (58% des candidats ont obtenu une mention). La suppression des séries et la création des enseignements de spécialité (E.D.S.) ont en effet entrainé la diminution du nombre d’épreuves écrites à l’examen final qui est passé de 5 ou 6 selon les séries avant 2019 à trois après la réforme ; les élèves ne passent donc plus à l’écrit en juin que leurs deux épreuves d’E.D.S. ( chaque E.D.S compte pour 16% dans la note finale) et l’épreuve de philosophie (8%), ce qui allège singulièrement leur charge de travail. D’autre part, l’introduction du contrôle continu (40% de la note finale) dans certaines disciplines (histoire-géographie, langue vivante et enseignement scientifique) génère de nombreuses négociations entre les professeurs et les élèves ce qui se traduit souvent par l’augmentation des moyennes annuelles. L’évaluation en contrôle continu intègre par ailleurs souvent des « petites notes » de rattrapage, ce qui n’est pas le cas des épreuves terminales. Enfin, les résultats de la nouvelle épreuve du Grand Oral (10% de la note finale) sont en général plutôt bons, puisque de nombreux élèves ont recours à CHATGPT pour préparer cette épreuve.
Or, si le passage du bac est un des enjeux majeurs de l’année de terminale, cette année de formation doit aussi et surtout préparer les élèves à l’enseignement supérieur (c’était d’ailleurs un des arguments de la réforme). On est alors en droit de se demander si l’allégement de la charge de travail des élèves durant cette année favorise vraiment leur réussite dans le supérieur, surtout quand on constate que les difficultés des élèves les plus fragiles sont souvent dues à leur manque d’autonomie dans leurs apprentissages et à leur faible capacité de travail ?
Au final, la réforme du bac loin de « muscler » celui-ci, comme le prétendait Jean Michel Blanquer, a surtout allégé la charge de travail des candidats et appauvri les contenus évalués lors de cet examen. Si on rajoute le fait que, les résultats de Parcoursup étant publiés début juin, la plupart des élèves connaissent déjà leur future orientation avant le passage de l’épreuve et que l’obtention du bac ne donne plus automatiquement accès à l’enseignement supérieur comme par le passé, les enjeux de cet examen sont de plus en plus flous pour les élèves.
Après l’imbroglio des maths (supprimées du tronc commun en première et terminale puis réintroduits à dose homéopathique) et des dates du bac (placées en mars en 2023 puis remises en juin en 2024), la réforme du bac n’a pas cessé d’être « amendée ». La suppression du contrôle continu et la révision des modalités du Grand Oral devrait permettre de revenir à un véritable bac national, basé sur le passage d’épreuves terminales, qui garantisse la poursuite d’études dans la filière de l’enseignement supérieur choisie par les néo-bacheliers. Si le prochain ministre de l’Éducation veut redonner un sens à cet examen, sa feuille de route est ici toute tracée. (FIN)
Jean-Yves Mas-Baglione, professeur de S.E.S. et docteur en sciences de l’éducation.
[1] https://www.rtl.fr/actu/politique/invite-rtl-bac-2023-pap-ndiaye-annonce-un-taux-d-admission-de-84-9-avant-rattrapage-79).