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Professeur agrégé de sciences économiques et sociales (SES) dans l'enseignement secondaire et parent d'élève en Seine Saint Denis, docteur en sciences de l'éducation.

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Billet de blog 20 mars 2023

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Lettre ouverte aux élèves que je ne surveillerai pas pendant les épreuves du bac.

A propos de la grève des surveillances du bac.

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Lettre ouverte aux élèves que je ne surveillerai pas pendant les épreuves du bac.

Bonjour à tous,

            Je tiens par cette lettre à vous expliquer pourquoi j’ai décidé de participer à la grève des surveillances du bac du 20 et 21 mars, même si j'ai conscience que   que cette grève risque de perturber le passage de vos épreuves.  Faire grève le jour du bac, alors qu’on prétend justement défendre le bac, peut paraitre paradoxal, car être présent physiquement à vos coté, ce jour-là, permet d’abord de garantir le bon déroulement des épreuves, mais cela permet aussi d’avoir, à la fin des épreuves, un retour sur la façon dont vous avez traité les sujets. Le « jour du bac »  représente l’aboutissement  du travail accompli ensemble tout au long de l’année scolaire, c’est donc un moment particulier pour les élèves bien sur, mais aussi  pour les enseignants. Le contexte actuel rend hélas cette décision nécessaire.

            Le 20 et 21, je serai d'abord en grève pour protester contre un projet de loi qui prévoit de rallonger de 62 ans à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, car contrairement à ce qu’a affirmé le gouvernement, cette loi ne s’imposait pas. Le régime des retraites est actuellement équilibré ; son déficit prévu par les experts économiques pour les prochaines années ne représente en réalité que quelque dixième de point de PIB. Cette réforme est injuste car elle va pénaliser ceux qui ont commencé à travailler de bonne heure et ne prévoit à aucun moment de faire participer les entreprises au financement du déficit, alors que les plus puissantes d’entre elles, versent actuellement des montants records à leurs actionnaires. Elle va donc rallonger la durée de cotisations nécessaire à l’obtention d’une retraite à taux plein pour les prochaines générations et donc diminuer le montant des retraites de ceux qui n’auront pas suffisamment cotisé.

            Mais je serai aussi en grève demain pour protester contre la façon dont le gouvernement a fait adopter son projet de loi au parlement. En effet, en refusant de négocier avec les syndicats et en ne soumettant pas son projet aux votes des députés, le président de la République et son gouvernement montrent qu’ils n’ont tiré aucune leçon des précédentes crises sociales qui ont affecté la France (Loi travail, COVID, blocage des lycées pendant les EC3, gilets jaunes). A l’inverse, en cherchant à passer en force, le gouvernement prend le risque d’ouvrir une nouvelle crise sociale et politique dans le pays. Cette décision ne peut en effet que renforcer la défiance qu’éprouvent la jeunesse et une partie croissante des citoyens, envers les institutions démocratiques et le système politique actuel. Or, une démocratie dans lequel les citoyens boudent les urnes parce qu’ils pensent que leur vote n’aura aucune importance sur le devenir politique du pays, court un grand danger.

 Le président de la République semble, en effet, avoir oublié qu’il a été élu l’an dernier, non parce qu’une majorité de Français adhérait à son projet politique, mais parce qu’ils ne souhaitaient pas prendre le risque de voir un gouvernement d’extrême droite arriver au pouvoir. À l’heure où, dans le monde entier, des gouvernements autoritaires mènent une guerre idéologique contre le principe même de la démocratie, cette décision d’avoir recours au 49 alinéa 3 est donc symboliquement une grave erreur. Comment demander aux générations futures  de voter pour un candidat « par défaut » afin de faire barrière à l’extrême droite si, une fois élu, ce même candidat bafoue les règles élémentaires de la démocratie ?

            Enfin je serai aussi en grève demain contre le « bac en mars » qui ampute d’un tiers votre année de terminale, puisqu’il y de fortes chances, que, comme les années précédentes, je ne revoie plus beaucoup certains d’entre vous au troisième trimestre.  Les élèves des générations précédentes qui passaient leur bac en juin, devaient revoir un programme plus ambitieux que les programmes actuels mais ils bénéficiaient de 5 à 6 « épreuves types bac » pour s’entraîner pendant toute l’année. Or, nous n’avons pu réaliser cette année que 4 épreuves de type bac (dont un seul véritable « bac blanc ») ce qui est insuffisant pour la plupart d’entre vous. A qui va-t-on faire croire que c’est en réduisant votre temps de préparation aux épreuves et les exigences du programme que l’on va favoriser votre réussite et lutter contre les inégalités scolaires dans l’enseignement supérieur ? Je vous rappelle que la décision de maintenir le bac en mars a été prise par le ministre de l’Éducation actuel, là aussi, contre l’avis de l’ensemble des syndicats enseignants et des associations disciplinaires qui se sont pourtant mobilisés toute l’année contre le calendrier du bac, mais le ministre, là non plus, n’en a pas tenu compte.

Certes, il nous reste encore le « grand oral » à préparer au troisième trimestre, mais je crains que certains d’entre vous ne préfèrent, comme l’an passé, apprendre par cœur des fiches trouvées sur internet (ou réalisées par Chap-gpt), plutôt que de préparer cet oral par vous-même avec vos professeurs. Ce qui montre le peu d’intérêt pédagogique de cette nouvelle épreuve qui compte pourtant pour 10 % de votre note finale. 

  Malgré ce contexte difficile, je tiens à vous souhaiter bonne chance et bon courage pour les épreuves de lundi et de mardi, car je reste intimement persuadé que, même si vous êtes moins bien préparés à ces épreuves que vos camarades des années précédentes, vous êtes tous capable de réussir !

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