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Professeur agrégé de sciences économiques et sociales (SES) dans l'enseignement secondaire et parent d'élève en Seine Saint Denis, docteur en sciences de l'éducation.

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Billet de blog 21 mars 2017

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Quelques extraits du rapport de l'ASMP sur l'enseignement des SES

L'Académie des Sciences Politiques et Morales vient de rendre ses préconisations pour réformer les SES (le 22/3/2017) , nous vous en proposons ici quelques extraits édifiants, rappelons que cet enseignement concerne des lycéens de 15 à 18 ans qui n'ont que quelques heures de SES par semaine (avec aussi de la sociologie ce dont le rapport ne parle pas !) . Bonne lecture...

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Quelques extraits du rapport de l’ASMP pour réformer les SES

Rappelons que ces recomandations ont été rédigées par des "experts" qui visiblement ignorent tout de ce que sont réellement capables des lycéens lambdas..

Extrait n°1

La seconde crainte que suscite cette approche tient au caractère rudimentaire des méthodes empiriques envisagées pour `tester’ les hypothèses en question. L’enjeu, ici, n’est pas d’opposer tableaux croisés et régression linéaire — encore qu’il paraisse pour le moins héroïque, en matière de sciences sociales, de parler de test sans introduire une compréhension statistique, même élémentaire, de cette notion. La question est beaucoup plus vaste : il s’agit à la fois de souligner la distinction, fondamentale en sciences sociales, entre corrélation et causalité, et surtout de montrer comment la méthodologie empirique développée par les sciences économiques permet de dépasser cette distinction en proposant de vrai tests de causalité. (...). Cette situation est d’autant plus déplacée que l’essentiel des efforts de la microéconomie empirique du dernier demi-siècle a consisté précisément à perfectionner des méthodes (variables instrumentales, expériences naturelles, ‘double différence’ et discontinuités de régression, voire expérimentations directement reprises des sciences naturelles) permettant d’établir de façon fiable des liens causaux ; et que, contrairement aux idées reçues, ces méthodes pourraient aisément être expliquées à des élèves du secondaire

Extrait n°2

D’autre part, nos connaissances sont beaucoup mieux établies dans le champ microéconomique; s’il faut transmettre aux élèves un véritable savoir, ce qui implique au moins un large consensus de la profession, alors les analyses microéconomiques offrent un terrain beaucoup plus solide. Pour prendre un exemple concret, peu d’économistes, quelle que soit leur orientation politique, contesteraient qu’une subvention à la demande, sur un marché où l’offre est inélastique, se traduit essentiellement par une hausse des prix sans grand effet sur les quantités. La conclusion est importante : elle implique notamment que l’Aide Personnalisée au Logement, au moins pour des marchés immobiliers très contraints et en insuffisance d’offre (Paris par exemple), se traduit essentiellement par un transfert des contribuables vers les propriétaires de logement locatifs - un mécanisme confirmé par de nombreuses études

Extrait n°3

Il faut renoncer à l’encyclopédisme, à la volonté de vouloir traiter tous les sujets économiques, et mettre au contraire l’accent sur un nombre restreint de mécanismes fondamentaux dont les élèves devront acquérir une compréhension profonde, qu’ils devront absolument maîtriser à l’issue de leur cycle de formation ; empiriques.Il s’agit là d’une prédiction théorique simple, fondée sur un mécanisme élémentaire mais fondamental tout à fait accessible à des élèves de seconde, appuyée sur des tests empiriques robustes — en bref, tout le contraire des questions immensément complexes et largement controversées sur lesquels les manuels tendent à se concentrer.

Extrait N°4

Ces aspects sont largement orthogonaux à tout jugement normatif ; que l’on soutienne la réglementation des marchés ou que l’on s’y oppose, il est de toute façon indispensable d’en comprendre le fonctionnement. Les exemples abondent, notamment dans le domaine de la taxation. Qui paye une taxe indirecte ? A cette question apparemment simple et d’une pertinence certainement générale, il est tout simplement impossible de répondre sans maîtriser quelques notions fondamentales – essentiellement, la formation des prix par équilibre entre offre et demande et les notions d’élasticité. Un simple graphique permet de comprendre pourquoi, quand une offre élastique rencontre une demande rigide, l’essentiel de la taxe est supportée par les acheteurs, alors que dans le cas opposé la taxe se traduit  surtout par une baisse des prix à la production. Sans même évoquer des effets d’équilibre général, cette simple remarque éclaire de façon singulière nombre de débats ; en revanche, que l’on ignore ces notions, et la porte est ouverte à toutes les erreurs de raisonnement

Extrait N°5

Deux aspects, pour l’heure absents des programmes, devraient en particulier être considérés. Le concept d’aversion au risque est indispensable pour comprendre les aspects fondamentaux de la finance ou de l’assurance (pour ne citer qu’un exemple : pourquoi le rendement des actions est-il en moyenne nettement supérieur à celui des emprunts d’Etat ?). Il est aisé à décrire à partir de la notion de convexité, qui se prête bien à des représentations graphiques ; et il débouche naturellement sur des prédictions importantes (par exemple, un contrat de prêt tend à accroitre la propension de l’emprunteur à prendre des risques – une remarque qui est au cœur de toutes les réglementations financières). Par ailleurs, les notions de partage du risque et de diversification sont indissociables de toute activité économique ; elles fournissent une clé irremplaçable pour comprendre le rôle et le fonctionnement d’une foule de mécanismes sociaux, depuis l’organisation de la cellule familiale jusqu’à la structure des contrats de travail. L’introduction de ces concepts serait d’autant plus aisée que les outils formels correspondant (essentiellement les bases du calcul de probabilité) figurent déjà au programme de l’enseignement de mathématiques; il convient de rechercher une synergie beaucoup plus poussée entre les deux enseignements.

Extrait N°6

  IL en va de même des probabilités, auxquelles les élèves sont familiarisés dans l’enseignement de mathématiques mais qui ne  sont pratiquement pas utilisées en économie, la notion de risque étant pratiquement absente des programmes  haut). Enfin,    les   approches statistiques gagneraient à dépasser la simple construction de courbes et de tableaux croisés. En sciences  sociales, les élèves  sont toujours confrontés à la superposition de multiples effets, qui sont de plus corrélés entre eux. De ce fait  la régression multiple constitue un outil indispensable : elle seule permet de caractériser l’impact sur un phénomène  donné d'un variable spécifique, en l’isolant de l’effet simultané des autres variables observées. Idéalement, introduire au  passage  la notion de significativité statistique, même de la façon la plus « pédestre » (quelle est la probabilité que le résultat observé soit dû au hasard ?), constituerait un progrès majeur dans la construction de l’esprit critique des élèves.

Extrait N°7

Deux approches nous semblent particulièrement porteuses. La première est l’étude des cas. Elle consiste à faire entrer l’élève dans une situation concrète et de l’amener, en raisonnant lui-même sur les informations et avec les outils conceptuels qui lui sont fournis, à répondre à une question stratégique que se pose l’acteur principal de la situation décrite. Par exemple, on pourrait analyser la question de l’impact du salaire minimal sur l’emploi, mentionnée plus haut, en partant de la dérivation (simple) d’une demande de travail, conduisant à la comparaison entre salaire et productivité. D’où une première question : peut-on être sûr qu’il y aura suffisamment d’emplois dont la productivité excède le salaire minimum – et, dans le cas contraire, quel groupe risque d’être le plus affecté ? On pourrait alors étendre l’analyse dans diverses directions – par exemple, considérer le cas d’un employeur en monopsone (qui pourrait déboucher sur une discussion du concept d’exploitation), ou analyser d’autres outils permettant de parvenir à la redistribution souhaitée (par exemple une subvention des bas salaires). Enfin, on aurait l’occasion d’aborder naturellement les problèmes de validation empirique de manière particulièrement féconde : une simple analyse de corrélations (comparer par exemple les chômages de pays à salaires minimum différents) ne suffit évidemment pas (les différences observées peuvent avoir de multiples causes sans rapport avec le salaire minimal), et il est donc nécessaire d’étudier des ‘expériences naturelles’ – ce qui conduirait à étudier en détail l’approche de Card et Krueger décrite plus haut. En conclusion, l’étude reviendrait sur des questions de politique économique (‘Si vous étiez le gouvernement, à quel niveau voudriez-vous mettre le salaire minimum ?’) Comme le souligne justement Olivier Blanchard : ‘En l’espace d’un chapitre, cette approche peut introduire des concepts de base, montrer comment on peut les utiliser, comment les données parlent, tout cela sur un sujet qui tiendra au cœur des élèves

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