Texte publié initialement dans Le Monde
Parcoursup : « La sectorisation des vœux à l’université permettrait à la fois de supprimer la sélection et de revenir à une année de terminale moins stressante »
En affirmant, dès le début de son premier mandat, que « l’université n’est pas la solution pour tout le monde », Emmanuel Macron fixait à ses ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur de l’époque un objectif explicite : l’introduction de la sélection à l’université. Cet objectif a été concrétisé en 2018 par l’adoption à l’Assemblée nationale de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite « loi ORE », et par l’introduction de la plateforme d’orientation Parcoursup dans les lycées.
Alors que le baccalauréat permettait auparavant d’obtenir automatiquement une place à l’université, la loi ORE donne désormais aux universités la possibilité de classer les candidatures qu’elles reçoivent. Les élèves de terminale remplissent donc au cours du deuxième trimestre un dossier d’inscription sur Parcoursup dans lequel figurent dix vœux d’orientation postbac. Les universités, qui reçoivent davantage de dossiers qu’elles n’offrent de places, les classent en fonction principalement des résultats scolaires des lycéens.
Au début du mois de juin, les élèves prennent connaissance « au fil de l’eau » des réponses des différentes formations et sélectionnent les vœux qui les intéressent le plus, ce qui libère de la place pour les autres élèves, qui remontent alors dans le classement initial, sans avoir pour autant l’assurance qu’ils atteindront le seuil d’admission dans la filière et l’université de leur choix si cette dernière n’a pas les capacités d’accueil suffisantes.
Or, en raison de l’importante croissance du nombre d’étudiants depuis vingt ans, les taux d’admission varient en fonction des filières et des universités, les lycéens établissant en effet souvent leurs vœux selon la réputation de ces dernières. Les universités les plus demandées ne peuvent pas pour autant augmenter leur nombre de places à l’infini. Parcoursup a donc accentué la concurrence entre les universités « prestigieuses » et les universités « périphériques ».
Anxiogène et chronophage
Le processus de Parcoursup a d’autres effets pervers. Il est facteur de stress pour les élèves et leur famille, qui doivent consacrer de plus en plus de temps à la recherche d’informations sur les différentes filières de l’enseignement supérieur mais aussi gérer les déceptions éventuelles en cas d’échec. Parcoursup alourdit aussi considérablement la charge de travail du personnel enseignant, qui encadre, au lycée, ses élèves lorsqu’ils font leurs vœux, et celle du personnel administratif, qui vérifie les dossiers des lycéens. De même, les universitaires consacrent de nombreuses heures à la sélection des dossiers des futurs étudiants.
L’introduction d’un classement des dossiers à l’université a également des conséquences sur le déroulé de l’année de terminale. Les enseignants subissent souvent la pression des élèves et des familles, qui ont compris que les notes au cours de l’année jouent désormais un rôle crucial pour l’orientation à l’université, ce qui n’était pas le cas auparavant, puisque seul comptait l’obtention du bac. Il peut en résulter une inflation des notes qui perturbe beaucoup, selon les universitaires, la sélection des élèves puisqu’elle permet de moins en moins de distinguer les compétences réelles des candidats. Ce dispositif conduit par ailleurs souvent à une démobilisation des élèves au troisième trimestre puisque les notes obtenues lors de ce dernier ne jouent plus aucun rôle. Parcoursup est le type même de dispositif bureaucratique anxiogène et chronophage.
Sa suppression ne résoudrait cependant pas la question de l’allocation des futurs étudiants dans l’enseignement supérieur. Il existe pourtant un principe simple qui permettrait à la fois de supprimer la sélection à l’université et de revenir à une année de terminale moins stressante pour les élèves et les enseignants. Ce principe, déjà en vigueur pour les établissements du primaire et du secondaire, est celui de la sectorisation, envisagée par un projet de loi porté par le député écologiste des Bouches-du-Rhône Hendrik Davi.
Renforcer la mixité scolaire
Les lycéens émettraient leurs vœux en fonction de l’offre de formation des universités de secteur. La sectorisation permettrait de mieux articuler le passage entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur puisque les élèves connaîtraient à l’avance l’université à laquelle ils seraient affectés, sous réserve d’obtention du bac. Des visites de la faculté, la possibilité d’assister à des cours en amphithéâtre ou le renforcement des relations entre les anciens élèves du lycée désormais étudiants et les nouveaux favoriseraient l’intégration des nouveaux étudiants à l’université.
Certes, les élèves n’auraient plus le choix de leur université, ils seraient alors, selon l’expression consacrée, « assignés à résidence », mais ils auraient l’assurance d’obtenir une place dans la filière désirée. De plus, un découpage assez fin de la carte universitaire pourrait très bien sectoriser des élèves issus des centres-villes dans les universités périphériques et des élèves résidant en banlieue vers des facultés de centre-ville, ce qui renforcerait la mixité sociale et scolaire des universités.
Avec la sectorisation, les élèves pourraient alors envisager de façon beaucoup plus sereine leur future orientation. Elle permettrait enfin de recentrer les missions du lycée sur les questions d’apprentissage, car, au vu du temps consacré par les familles et le personnel éducatif à Parcoursup, on est en droit de se demander si, désormais, les enjeux liés à l’orientation des élèves ne l’emportent pas sur ceux de leur formation intellectuelle.