Pour la défense de l'école publique, une mobilisation unitaire et nationale est nécessaire !
Dans l’éducation, le contexte récent est inédit. Cela fait en effet longtemps qu’une réforme éducative n’avait pas fait l’objet d’une telle opposition. En effet, le projet du gouvernement prévoyant la création de groupes de niveaux au collège et de classes préparatoires au lycée pour les élèves n’ayant pas réussi le brevet, fait l’unanimité contre elle.
La majorité des spécialistes de l’éducation soulignent l’inefficacité de ce type de dispositif, qui risque surtout de générer un sentiment de stigmatisation et de mésestime de soi pour les élèves les plus faibles.
Les professeurs et les personnels de direction dénoncent quant à eux, la complexité organisationnelle de la création de ces groupes qui va entraîner des contraintes ingérables dans les emplois du temps des professeurs et des élèves.
Enfin, les parents se montrent inquiets de voir dès l’entrée au collège leurs enfants être évalués, sélectionnés et classés, et certains d’entre eux séparés précocement de l’ensemble de leurs camarades, car jugés moins capables que ces derniers. Cette réforme va donc générer une nouvelle étape dans la ségrégation, phénomène qui gangrène déjà le système scolaire français et qui va désormais être instaurée à l’intérieur même des classes.
Cette réforme va, par ailleurs, comme désormais au lycée, faire éclater le groupe-classe - ce qui risque de désorienter les nouveaux collégiens, qui ont déjà du mal à se repérer au collège en début d’année.
Rappelons de plus l’absurdité d’un projet qui prévoit de répartir les élèves en fonction, non de leurs propres résultats, mais de la moyenne des résultats des élèves des années précédentes puisque la création de ces groupes nécessite de prévoir six mois à l’avance, lors de la publication de la dotation horaire globale (DHG) des établissements, le nombre de groupe dont ils auront besoin. Comme si les élèves d’un établissement avaient au fil du temps toujours le même profil et les mêmes besoins.
Bref, une fois de plus, et comme pour la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer, on a le sentiment que le ministre de l’Éducation (MEN) va tâtonner et improviser pour découvrir a posteriori les effets pervers d’une telle réforme. Tous les acteurs du monde de l’éducation s’interrogent sur la faisabilité de ce projet, sachant qu’il nécessite la création de nombreux postes alors que le MEN n’arrive même pas à remplacer les enseignants absents et que dans pratiquement tous les établissements de France, et notamment en Seine Saint Denis, des milliers d’élèves sont sans professeurs dans de nombreuses matières et perdent ainsi de précieuses heures de cours.
Cette réforme risque donc d’être non seulement inefficace, mais en plus inapplicable.
Or face à la question des professeurs non remplacés, problème qui préoccupe tant les parents d’élèves (mais qui eux ne choisissent pas forcément de scolariser leurs enfants dans le privé, comme l’ex-nouvelle ministre), le MEN répond en prévoyant de réaliser 700 millions d’économie pour l’an prochain et de débloquer des fonds pour ce qu’il faut bien appeler un projet de quasi-militarisation de la jeunesse, à travers l’expérimentation de l’uniforme, l’institution du SNU et l’obligation de faire des stages en entreprises en fin de seconde.
Enfin, les déclarations de l’ex-nouvelle ministre de l’éducation ont eu paradoxalement le mérite de rappeler à tous le statut dérogatoire et privilégié de l’école privée en France. Ce statut renforce la ségrégation sociale des établissements, mais il renforce aussi la ségrégation scolaire dans les quartiers dans lesquels règne une relative mixité sociale. Puisque ce sont souvent les familles des classes moyennes et populaires les plus investies dans l’éducation de leurs enfants qui pratiquent l’évitement scolaire ; l’école est en effet la seule ressource dont disposent ces familles pour éviter le déclassement social de leurs enfants. Or ces derniers sont souvent de bons élèves, qui pourraient jouer un rôle moteur dans les établissements défavorisés. Ces établissements ne peuvent alors recruter que les publics les plus précaires et les plus éloignés de l’école, ce qui aggrave de fait leurs difficultés.
Conscients de ces multiples enjeux, de nombreux établissements de la Seine-Saint-Denis se mobilisent actuellement, souvent localement avec le soutien des parents d’élèves, pour demander un plan d’urgence pour le 93 ( « de la moula pour le 9-3, du pèze pour le 93 » peut-on lire sur certaines pancartes).
Mais au-delà de ces mobilisations, c’est bien à l’échelon national que l’ensemble de la communauté éducative doit appeler à des actions regroupant à la fois les fédérations de parents d’élèves, les syndicats enseignants (pour une fois quasi-unanimes ), les syndicats lycéens et bien entendu les élus locaux (déjà souvent présents sur le terrain dans le 93) puisqu’une telle mobilisation, si elle veut voir ses revendications aboutir, a besoin d’un relais politique fort.
Pour défendre l’école publique, l’unité de l’ensemble des acteurs du monde éducatif est donc plus que jamais nécessaire !