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Billet de blog 30 juillet 2025

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Faut-il se réjouir de la hausse tendancielle du taux de réussite au baccalauréat ?

Tout en félicitant « les 680 000 nouveaux bacheliers », Élisabeth Borne a déclaré qu' « on ne donne pas le bac à tout le monde et on ne doit pas donner le bac à tout le monde ». Sans pour autant estimer que le bac perd automatiquement de sa « valeur » lorsqu’il perd en sélectivité, on peut toutefois s’interroger sur l’origine de cette augmentation.

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Un texte écrit l'an passé mais réactualisé en raison des propos d'Elisabeth Borne sur le taux de réussite du bac.

Faut-il vraiment se réjouir de la hausse tendancielle du taux de réussite au baccalauréat ?

Tout en félicitant « les 680 000 nouveaux bacheliers et les 725 000 collégiens qui ont obtenu leur brevet cette année », l’actuelle ministre de l’Éducation Elisabeth Borne a déclaré début juillet qu'"on ne donne pas le bac à tout le monde et on ne doit pas donner le bac à tout le monde".

Pendant le Covid, "le taux de réussite au bac a augmenté et est resté depuis élevé" donc "j’ai demandé à mes services de trouver les raisons de ces augmentations et le cas échéant, on prendra les mesures nécessaires".

En 2020 et 2021, à cause du COVID, le bac avait été en effet principalement évalué en contrôle continu ; les taux de réussite au bac général avaient alors frôlé les 98%. Depuis, le taux de réussite au bac général tourne autour de 96%, et s’établit à 91,8% tout bac confondu en 2025 (les taux de réussite au bac technologique et professionnel sont en général beaucoup moins élevés qu’au bac général).

Or, sans pour autant estimer que le bac perd automatiquement de sa « valeur » lorsqu’il perd en sélectivité, on peut toutefois légitimement s’interroger sur l’origine de cette augmentation tendancielle puisque le taux de réussite au bac général était environ de 90 % avant la réforme du bac de Pierre Mathiot et de Jean-Michel Blanquer en 2019 (pour mémoire il était de 75% en 1995 et de 80% en 2000).

L’augmentation du taux de réussite à un examen peut s’expliquer par trois facteurs différents : il peut être du soit à une augmentation du niveau de compétence des candidats, soit à des modes d’évaluation plus indulgents, soit à la diminution des exigences aux épreuves. Or c’est hélas la dernière hypothèse qui semble ici la plus probable.

En effet, l’augmentation du taux de réussite au bac général s’explique non pas par l’indulgence des correcteurs, mais principalement par la réforme de 2019 puisque toutes les innovations introduites par cette dernière conduisent implicitement au gonflement des résultats (comme le montre aussi l’explosion du nombre de mentions).

La suppression des séries et la création des enseignements de spécialité (E.D.S.) ont en effet entrainé la diminution du nombre d’épreuves écrites à l’examen final qui est passé de 5 ou 6 selon les séries à trois après la réforme ; les élèves ne passent donc plus à l’écrit en juin que leurs deux épreuves d’E.D.S. (chaque E.D.S compte pour 16% dans la note finale) et l’épreuve de philosophie (8%), ce qui allège singulièrement leur charge de travail.

D’autre part, l’introduction du contrôle continu (40% de la note finale) dans certaines disciplines (histoire-géographie, langue vivante et enseignement scientifique) génère de nombreuses négociations entre les professeurs et les élèves ce qui se traduit souvent par l’augmentation des moyennes annuelles ; l’évaluation en contrôle continu intègre par ailleurs souvent des « petites notes » de rattrapage, ce qui n’est pas le cas des épreuves terminales. De plus, les résultats de la nouvelle épreuve du Grand Oral (10% de la note finale) sont en général plutôt bons, puisque de nombreux élèves ont recours à CHATGPT pour préparer cette épreuve.

Enfin, puisque tous les élèves ne suivent pas les mêmes E.D.S., il existe deux sessions d’examen différentes dans certaines disciplines, ce qui oblige les inspecteurs, par soucis d’équité, à harmoniser les notes de ces épreuves, et pousse donc là aussi les notes à la hausse.

Or, si le passage du bac est un des enjeux majeurs de l’année de terminale, cette année de formation doit aussi et surtout préparer les élèves à l’enseignement supérieur (c’était d’ailleurs un des arguments de la réforme). On est alors en droit de se demander si l’allégement de la charge de travail des élèves durant cette année favorise vraiment leur réussite dans le supérieur, surtout quand on constate que les difficultés des élèves les plus fragiles sont souvent dues à leur manque d’autonomie dans leurs apprentissages et à leur faible capacité de travail.

Au final, la réforme du bac loin de « muscler » celui-ci, comme le prétendait Jean Michel Blanquer, a surtout allégé la charge de travail des candidats et appauvri les contenus évalués lors de cet examen. Si on rajoute le fait que, les résultats de Parcoursup étant publiés début juin, la plupart des élèves connaissent déjà leur future orientation avant le passage de l’épreuve et que l’obtention du bac ne donne plus automatiquement accès à l’enseignement supérieur comme par le passé, les enjeux de cet examen sont de plus en plus flous pour les élèves.

Après l’imbroglio des maths (supprimées du tronc commun en première et terminale puis réintroduits à dose homéopathique), des épreuves communes en cours de formation et des dates du bac (placées en mars en 2023 puis remises en juin en 2024), la réforme du bac n’a pas cessé d’être « amendée ».

La suppression du contrôle continu et la révision des modalités du Grand Oral devrait permettre de revenir à un véritable bac national, basé sur le passage d’épreuves terminales, qui garantissent la poursuite d’études dans la filière de l’enseignement supérieur choisie par les néo-bacheliers. Si l’actuelle ministre de l’Éducation veut redonner un sens à cet examen, sa feuille de route est ici toute tracée. (FIN)

Jean-Yves Mas, professeur de S.E.S., docteur en sciences de l’éducation et correcteur du bac.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.