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Billet de blog 13 janvier 2024

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La meilleure défense, c’est l’attaque ! De Bonaparte à Christophe Dettinger

En cherchant un titre à la présente série, la punch line s’est imposée d’elle-même : « La meilleure défense, c’est l’attaque ! ». Répétée à longueur de refrain par le rappeur SCH, dans le titre éponyme de son dernier album Autobahn, la sagesse populaire attribue cette phrase à Napoléon Bonaparte.

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Le général prussien Carl von Clausewitz, admirateur de l’homme de guerre et d’État français en fit l’exégèse dans son ouvrage inachevé « De la guerre » en expliquant que la défense était supérieure à l’attaque car le défenseur est mieux préparé, mieux informé et plus mobile que son ennemi.

Il serait donc préférable d’attaquer pour vaincre avant même que l’adversaire ne puisse s'organiser pour lancer lui-même une attaque. Cette phrase sonne pourtant faux car l’adversaire voire l’ennemi y est grossièrement escamoté. Elle fait figure d’un slogan indigne du légendaire ego du général, consul, empereur qui mit jadis l’Europe à feu et à sang afin de satisfaire son orgueil, sa suffisance et sa démesure.

La phrase bravache est restée dans le langage courant mais Napoléon l’a-t-il vraiment prononcée ?
Au-delà du slogan, il fallait trouver un personnage crédible pour le mettre en acte et incarner à lui seul cette idée, que l’on ne peut rester lové dans une position de défense à voir les coups pleuvoir sans la moindre réaction.

Les coups, ce sont ceux de la caste dirigeante envoyant ses milices pour neutraliser celles et ceux qui osent se rebeller contre une crise sociale dont ils se repaissent pour mieux asseoir leur pouvoir sur des individus déshumanisés, tout juste bons à leur apporter leurs juteux profits sur un plateau doré, en respirant à peine le fumet de leurs sacrifices.

Bande annonce LMDCA — La Meilleure défense, c'est l'Attaque ! © Kamel Daoudi

Qui mieux que « le Gitan de Massy », nom de guerre acquis sur les rings par ses 18 victoires sur 23 combats pouvait personnifier « la force décuplée des perdants » [..] « à porter mille fois son poids sur lui » [..] « comme un lego avec du sang. » ? Qui mieux que ce boxeur professionnel ayant raccroché ses gants de boxe, le 6 décembre 2013 après un ultime combat héroïque pouvait le mieux incarner « comme un lego avec des dents », le challenger défiant « la faiblesse des tout-puissants » ?

Cette séquence de la 50ème journée de mobilisation des Gilets Jaunes du 5 janvier 2019, vue des millions de fois sur les réseaux sociaux a marqué les esprits et frappé l’imaginaire cauchemardesque des décideurs. Bien que son geste intrépide et vaillant est venu marquer d’un poing d’honneur les aspirations de tous les nantis et les indigents et d’un point-virgule les certitudes des nababs et des repus de privilèges, Christophe s’est cru obligé de justifier son mouvement après l’hallali des chiens de garde médiatique, lâchés contre lui pour mieux terroriser celles et ceux qui oseraient braver la violence borgne de l’État, incarnée par les gardes mobiles que ce quasi quadragénaire, ce « citoyen normal » avait fait reculer avec « la colère du peuple » en [lui] sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor pour défendre une jeune femme malade en position fœtale plaquée au sol sous les coups de tonfa des forces de répression.

Dans son adresse vidéo, il exposa les raisons de son geste, critiqué même par Fédération française de boxe et la Ligue nationale professionnelle idoine, dénonçant un « comportement inacceptable et honteux » de la part du boxeur, avant que celui-ci ne se constitue prisonnier auprès des forces de police, le 7 janvier 2019.

Christophe Dettinger comparaissait ainsi le 13 février et déclarait lors de son procès : « J’ai voulu empêcher une injustice, j’en ai commis une autre ». Le 13 février 2019, le tribunal correctionnel de Paris le condamna à deux ans et demi de prison dont un an de prison ferme, suivi d’un an et demi avec sursis assorti d’une mise à l'épreuve. Il eut interdiction de séjourner à Paris pendant six mois et dut indemniser les deux gardes mobiles plaignants en leur versant respectivement, 2 000 et 3 000 euros. Son régime de semi-liberté lui imposa ainsi de passer ses nuits en prison après avoir travaillé la journée afin de conserver — ultime magnanimité d’une justice de classe — un semblant de vie professionnelle et familiale.

Illustration 2
Autocollant montrant un gilet jaune et la mention "- de Castaner + de Dettinger", sur une boîte aux lettres, quai Perrache, dans le 2e arrondissement de Lyon (2019) © sebleouf (Wikipedia)

« La meilleure défense, c’est l’attaque ! » résonne comme une devise interjetée avant un « overhand punch », un « cross counter », un « back fist » ou un direct court pour se lancer dans la bataille en défendant jalousement les quelques droits qui n’ont pas encore été usurpés par une coterie sûre et dominatrice. Cette devise est d’autant plus pertinente que l’époque est au débordement du fascisme, meilleur allié d’une bande de malfaiteurs sentant leurs apanages remis en cause et craignant qu’ils ne leur échappent dans le bruit et la fureur d’une plèbe déchaînée par des décennies de frustration et d’humiliation.

Alors, on ne se laissera pas débordé, on préemptera la bataille avant que l’ennemi ne fonde sur nous.

Cette émission illustre ce slogan, ce cri de guerre, celui d’une guerre sociale, d’une guerre raciste, d’une guerre de classe, d’une guerre de race. Car, oui dans la guerre, il s’agit pour l’ennemi de subvertir une partie de nos alliés pour nous réduire de toute part par la ruse. Il s’agit pour l’ennemi d’instiller la trahison de nos plus faibles alliés, vaincus dans leur tête avant d’être vaincus dans leur corps. Il s’agit pour l’ennemi de déchaîner les faux amis pour mieux nous précipiter dans la défaite et en définitive nous punir pour que sa victoire soit définitive car impitoyable.

Pour nous, il s’agit de rappeler les figures des anciennes batailles, les anciennes victoires, les anciennes défaites. Si nous ne le faisons pas, ce ne sera certainement pas l’ennemi qui fera des hagiographies de nos héros passés, présents et futurs.
Dans ce contexte préfasciste prêt à déborder les rues et frapper les plus faibles et les plus isolés, il s’agit de sonner le clairon avant que ne sonne le glas. Il s’agit de nous fortifier grâce aux figures tutélaires du passé pour apprendre de nos erreurs et collectionner les futures victoires d’un ennemi au rire carnassier plein de gloriole nous toisant et croyant que nous sommes encore tous à genoux tandis que dans nos rangs, nous sommes accroupis prêts à nous élancer dans la lutte.

La meilleure défense, c’est l’attaque

La meilleure défense c'est l'attaque ! — Episode Zéro — Prolégomènes © Kamel Daoudi

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