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Billet de blog 14 février 2017

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Théo : isthme d'Etat

Théo, 22 ans agressé par quatre policiers de la BST (brigade spécialisée de terrain) est la nouvelle victime du système de répression policière. L’incarnation de cette nouvelle police voulue par Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur a achevé le démantèlement d’une forme de police qui avait d’autres missions en plus d’assurer l’ordre.

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Cette police de papa contribuait bon an mal an à veiller sur les libertés publiques et assurer des missions pour pacifier une société à cran.

Le 3 février 2003 soit 14 ans presque jour pour jour avant la violente agression dont a été victime Théo, Nicolas Sarkozy ridiculisait l’ancien patron de la police toulousaine Jean-Pierre Havrin en assénant sa fameuse réplique : « le travail de prévention que vous faites sur le terrain est très utile mais vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes de quartier, c’est bien mais ce n’est pas la mission première de la police. La mission première de la police c’est l’investigation, l’interpellation, la lutte contre la délinquance. ». Cette réponse cinglante étudiée par les spin doctors de la Place Beauvau, à un policier qui a avait expliqué comment sa brigade instaurait un dialogue avec les jeunes pour prévenir les tensions dans le quartier du Mirail à Toulouse, venait définitivement sceller la fin d’une époque.

https://youtu.be/sd7UQByoixo

Pour avoir rencontré un gardien de la paix qui était en poste au Mirail à ce moment-là, il m’avait raconté comment en près de quatre années de travail sur le terrain , la police locale avait réussi à organiser un match de rugby entre eux et certains jeunes habitants du quartier. Il voyait ce match de rugby comme le couronnement de tous les efforts consentis de part et d’autre pour aboutir à une situation sociale plus apaisée sur le terrain.

Puis l’affaire Merah et d’autres attentats sont passés par là et certains polémistes pyromanes ont soufflé sur les braises et apporté du combustible au discours haineux du Front National et tous ses épigones rassemblés autour de la franchise « Rassemblement Bleu Marine ». Ce dernier jeu de mots n’est pas innocent, hormis le prénom de la cheftaine du parti d’extrême droite qu’il met en avant, ce terme contient en son sein la perception du contrat social d’une partie de la population française. Le Bleu Marine, couleur associée à la police doit être le mot d’ordre d’un rassemblement non pas en faveur de valeurs quelconques, mais en opposition à une autre partie de la population française coupable de tous les problèmes de la France. C’est sous cette bannière unicolore de l’ordre que doivent se positionner les français.

Et c’est là qu’entrent en jeu, les politiques prompts à flairer le bon coup de poker politicien. De droite comme de gauche - si ces termes ont encore un sens - certains politiciens ont mobilisé leurs services de communication pour construire un discours politique susurré par l’extrême droite et répondant à la fantasmagorie d’un pan entier des classes populaires laborieuses aux idées simplistes.

Ces hommes politiques dont Valls, Ciotti, Estrosi et consorts sont les figures les plus marquantes ont contribué à la lepénisation des esprits et l’irrésistible ascension de la Cantatrice Chaume, passionaria des masses, à la cuiller d’argent coincée entre les dents du bonheur carnassier. Des plumes fielleuses et des voix d’orfraies ont contribué à chauffer les tambours de guerre pour désigner comme d’habitude le bouc-émissaire idéal, le jeune de banlieue : la tête de litote décérébrée, cerbère voleur, violeur, tueur. La figure parfaite du terroriste d’état qui inspire la haine serait le parfait avatar de la victime sacrificielle d’une société en crise. Cette société française est sans doute la dernière nation européenne réfractaire au nouvel ordre économique mondial basé sur la destruction de toutes les protections sociales et l’atomisation de la classe créatrice de richesse .

L’histoire démontre que les classes économiquement favorisées se sont toujours appuyées sur un discours populiste simpliste divisant les classes moyennes populaires pour mieux les soumettre à l’ordre nouveau, exigeant encore plus de sacrifices à l’autel de la Sainte Croissance toujours drainée vers les mêmes élites.

Mais, à l’heure de la communication instantanée des réseaux sociaux, ces tactiques factices sont de plus en plus inopérantes face à une jeunesse qui a acquis une expertise dans le décodage et la réponse au discours institutionnel déjà dépassé dès sa mise en place. La réalité du terrain et la maîtrise de la technique par les jeunes acteurs de la vraie vie viennent déborder des professionnels de la communication empêtrés dans des postures qui font penser aux figures rhumatismales des vieux apparatchiks soviétiques à l’époque de la Perestroïka de Gorbatchev.

C’est à cette jeunesse pleine de ressources que la classe politique dans son ensemble serait inspirée de donner des aspirations salutaires, au lieu de l’étouffer dans des nuages de gaz lacrymogènes et la brutaliser à coup de triques et de matraques téléscopiques et de tonfas à têtes chercheuses.

La province blanche contre la banlieue colorée : cette dialectique ne marche plus à l’heure de Facebook, Periscope et Snapchat. Seuls les dinosaures de la politique et les aigris du temps béni des colonies y croient encore. Le modèle sécuritaire nétaniayoohien que d’aucuns voudraient imposer en France a prouvé cruellement ses limites. Que les prochains conseillers du futur président elect de France et de Navarre ne s’aventurent pas vers cet écueil qui signera peut-être la fin de la Nation française ou en tout cas son démantèlement en tant que carrefour des cultures que la France a toujours été bien avant les invasions barbares.

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