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Billet de blog 30 avril 2024

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McCarthysme, macronisme et campanimorphisme

La civilisation occidentale puisque c’est elle qui a souvent pris son essor au détriment des autres s’est formalisée sur le continent européen, près de trois millénaires avant l’ère chrétienne dans ce qu’on appelle la civilisation campaniforme, ainsi désignée à cause des objets en forme de cloche qu’elle a notamment laissé sous forme de céramiques.

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Illustration 1
McCarthy, Macron et une cloche

Si l’église chrétienne a utilisé dès les premiers siècles, la cloche comme objet de convocation des chrétiens à la prière ce n’est sans doute pas un hasard.

Quel est donc ce trinôme confus entre maccarthysme, macronisme et campanimorphisme ?

D'abord, je dois vous confesser tout de go que le terme campanimorphisme est un néologisme que j’expliciterai plus loin.

Tout part d'une notification sur mon smartphone annonçant la publication d'un nouvel article d'Edwy Plenel intitulé : Contre la solidarité avec la Palestine, un maccarthysme à la française.

Alors que je m’apprêtais à commettre un nouveau billet de blog concernant l’ambiance de miasmes nauséabonds de l’arc fasciste allant du printemps républicain à Reconquête, je me décide à lire le nouvel article d’Edwy Plenel avant de commencer mon écrit. Ce qui avait attiré mon attention, c’était bien entendu le mot maccarthysme associé à l’expression « à la française » expression du XVIIème signifiant « avec beaucoup d'obligeance et d'arrangement » que l’on opposait souvent à l’époque, à la formule populaire « à la (bonne) franquette » signifiant « franchement, tout bonnement ».

Edwy Blake1 Plenel défendait son camp politique et ce n’était pas de l’anti-américanisme primaire.

Détaché de ses responsabilités éditoriales, sa fibre parlait et parlait tellement bien que même ses pourfendeurs l’accusant de s’être compromis au patronariat de la gauche molle et de la bourgeoisie bohème ne pouvaient sérieusement l’accabler.

L’article aussitôt avalé, j’avoue que je suis un peu resté sur ma faim. Si la référence historique la plus pertinente reste sans doute cette « ignominieuse « chasse aux sorcières » visant tout ce qui pouvait être suspecté de compromission avec le communisme ». Il n’en demeure pas moins que la France avait déjà sa french touch avec un terreau fertile issu de la colonisation en général et de la guerre d’Algérie, en particulier pour combattre toute idéologie réfractaire à la ligne politique officielle de l’État français. En outre, l’expérience française de la guerre contre-insurrectionnelle inspirera jusqu’aux plus hauts gradés de West Point dans leurs guerres impérialistes en Amérique Latine, en Irak et en Afghanistan.

Voici la genèse de ce billet au titre un peu baroque.

Entre 1950 et 1954, le maccarthysme appelé aussi « Red scare » (peur rouge) a permis – outre des considérations purement égoïstes visant à renforcer la position politique de son inventeur – d’alimenter la peur du communisme au sein de la population étasunienne. Cette politique a déclenché une poursuite et un harcèlement ciblé, accusant sans preuves de nombreuses personnalités d'être communistes ou sympathisants du communisme, discréditant ainsi des fonctionnaires, journalistes, artistes et intellectuels considérés comme des opposants potentiels. Elle a été particulièrement nuisible à leur carrières sur la base d’accusations infondées. En outre, elle a permis de réaliser les objectifs de la politique étrangère étasunienne de lutte contre le bloc soviétique, en pleine période de guerre froide.

Avec la fin du maccarthysme en 1954 et le début de la guerre de libération algérienne, les communistes français quant à eux, étaient vus avec méfiance par le gouvernement français. Bien que le Parti communiste français (PCF) ne prônait pas l'insoumission ou la désertion, il dénonçait ouvertement l'intervention française et les pratiques de torture utilisées par l'armée française. Le gouvernement n’avait-il pas déployé une intense répression en interdisant par exemple le livre « La Question » d'Henri Alleg et en condamnant son auteur à la prison ?

De plus, le PCF était vu comme un allié potentiel des nationalistes algériens, notamment à travers le soutien qu'il avait apporté à l'Étoile nord-africaine dans les années 1920-1930. Bien que les communistes algériens n'aient pas initialement pensé à l'indépendance de l'Algérie, leur opposition à la politique coloniale française les a rapprochés des mouvements nationalistes et a ainsi instillé la méfiance du gouvernement français à leur encontre pendant le conflit.

En combinant le maccarthysme et l’expérience de la guerre d’Algérie, l’État français sous stéroïdes confusionnistes a ainsi pu développer un « maccarthysme à la française ». En effet, les mêmes outils rhétoriques sont utilisés : « islamo-gauchisme » et « wokisme » remplacent communisme et socialisme. Les même outils juridiques sont convoqués notamment, l’apologie publique de terrorisme voire l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste afin de faire ruisseler abondamment ces deux concepts typiquement français au-delà de leurs objectifs juridiques initiaux.

Des militant–es , des syndicalistes, des politiques sont ainsi convoqués au commissariat de police ou au poste de gendarmerie où on les presse de faire des explications de textes sur leurs messages à travers les réseaux sociaux. Ces procédés de police politique que d’aucuns croyaient réservés aux pires « engeances » se retrouvent, généralisés à de simples militant–es racisé–es victimes ou dénonçant les violences policières, le racisme systémique, ou aujourd’hui la politique de nettoyage ethnique israélienne à Gaza et dans les territoires occupés. Ce processus de dénigrement, de bâillonnement et de répression s’opère par exemple sous forme de dissolutions administratives d'associations et de collectifs mais aussi par la stigmatisation des intéressé–es dans le débat public ou leur mise à l’amende.
Le grand architecte de cette politique répressive n’est ni plus ni moins que le président Emmanuel Macron.
Macron est décrit par  ses biographes comme un « froid calculateur » doté d'un « sens politique aigu ». Marc Endeweld, dans « L'ambigu Monsieur Macron » et « Le grand manipulateur » dresse de lui, un portrait moins flatteur en décrivant sa « politique étrangère catastrophique » et une « géopolitique du désastre » avec un style de leadership affirmé et sans affect, machiavélique et dangereux aussi bien pour la politique française qu’internationale.

Le résident de l’Elysée considère que les ministres ont « gagné au loto » en étant nommés et ne les traite pas toujours avec respect. Macron peut être très dur et sévère envers ses collaborateurs, les réprimandant publiquement et les maltraitant parfois. Souvenez vous comment Rima Abdul-Malak, conseillère culture et communication du président avait été débarquée du gouvernement Borne, sans même avoir été prévenue de son remplacement. Il a aussi un style de management très vertical et n'hésite pas à court-circuiter ses ministres.

Le président est aussi décrit comme disgracieux envers ses proches politiques, allant jusqu'à manquer de courtoisie à leur égard. Macron semble avoir un style de leadership très autoritaire, exigeant une loyauté absolue de ses équipes en n'hésitant pas à les réprimander sévèrement s'il n'est pas satisfait.

Venant de la Banque, cette gestion très capitaliste du pouvoir dans son acception néo-libérale répond parfaitement à l’essor de la technopolitique, caractérisée par une collaboration incestueuse du Big State et de la Big Tech comme le développe Asma Mhalla dans son livre « Technopolitique. Comment la technologie fait de nous des soldats. »

Le livre d'Asma Mhalla analyse en profondeur l'impact de la technologie sur la politique et la société. L'auteure montre comment les technologies numériques, notamment les grandes entreprises du numérique, redéfinissent le pouvoir, la gouvernance et la participation citoyenne. Elle soulève des questions essentielles sur la souveraineté, la démocratie et l'éthique à l'ère du numérique.

Mhalla considère que ces technologies transforment les citoyens en « soldats » d'un « champ de bataille silencieux et invisible », où les réseaux sociaux, applications et plateformes ont plus à voir avec la guerre qu'avec le partage et le débat. Enfin, elle appelle à une mobilisation pour que la technologie serve l'intérêt général plutôt que des intérêts privés.

Si l’on revient sur le septennat de Macron, on se rappelle qu’il a dû faire face à plusieurs séquences sociales majeures.

Son baptême du feu a d’abord démarré par la contestation de son autoritarisme néolibéral par les « Gilets Jaunes » en 2018-2019, marquée par de nombreuses manifestations et affrontements qui ont débordé les forces de l'ordre néolibéral et les cadres organisationnels classiques de l'affrontement politique ronronnant, de ses prédécesseurs au Palais de l’Elysée-Bourbon.

Macron a également été critiqué pour sa gestion jugée autoritaire et son manque d'écoute pendant la crise sanitaire du Covid-19 qui a entraîné des confinements et des restrictions fortement nocives pour la population, en particulier les plus précaires et les plus jeunes.
Enfin, last but not least, la réforme très contestée des retraites en 2023 a provoqué de nombreuses grèves et manifestations qui ont amené Macron et son gouvernement à recourir au diktat de l'article 49.3 pour détricoter les derniers avatars du Conseil national de la Résistance et faire passer son agenda néolibéral en accentuant encore davantage le choc social.

A l’été 2023, les révoltes suscitées par ce qui s’apparente à l’exécution extra-judiciaire du jeune Nahel ont inexorablement creusé un fossé infranchissable avec une jeunesse racisée frappée depuis des décennies par une répression tous azimuts, déjà lourdement stigmatisée par les confinements délétères, censés circonscrire le coronavirus et l’introduction des algorithmes discriminatoires de Parcoursup.

Cette gestion de masse, faisant fi des classes sociales les plus déshéritées déjà habituées depuis au moins une décennie à la rigueur de la surveillance et du contrôle des algorithmes des réseaux sociaux a eu des conséquences encore plus réelles sur le quotidien de près de dix millions de personnes vivant en France2.

Viennent se surajouter à ses obstacles économiques, des difficultés sociologiques touchant à toute l’écologie du quotidien et pour couronner le tout, un discours discriminatoire dirigé vers une partie substantielle de la population servant de bouc-émissaire et de dommage collatéral à une fuite en avant vers un modèle économique à bout de souffle qui a usé jusqu’à l’os, toutes les ressources vitales de la planète.

Le discours raciste, islamophobe, homophobe, validiste, de mépris social vient constamment irriguer un récit pathétique victimaire de déclassement et de perte de repères identitaires pendant que les plus riches matériellement et symboliquement érigent leurs tours d’ivoires en vivant dans un pays irréel de Cocagne.
La quadrature du cercle consiste pour un pouvoir autoritaire – choisi par défaut après les trente glorieuses et les trente piteuses – à poursuivre les trente rageuses entamées par le nettoyeur Sarkozy et sa politique du Kärcher avec des dispositifs de surveillance et de punition, militarisant à outrance, la place publique sous des faux airs républicains. La Big tech est à ce titre un daemonium ex-machina inespéré pour continuer à tenir une population lessivée par autant de plaies non pas issues de la Nature mais d’un élite prométhéenne transnationale dont les seules promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient encore.

Pour empêcher la désintégration d’une société atomisée et son anomie totale qui permettraient aux foules de diriger leur colère contre les véritables responsables de cette apocalypse, intervient alors la troisième pièce du triptyque : le campanimorphisme.

Le campanimorphisme – néologisme de mon invention – pourrait désigner toute attitude visant à adopter la culture qui se rapporte à la civilisation matérielle campaniforme caractérisée par la fabrication d’objets en forme de cloche, de poignards en cuivre, de boutons en os… Les débats entre archéologues se poursuivent quant à savoir si ce phénomène était marginal ou vraiment une évolution des sociétés du 3ème millénaire avant J.C. couvrant essentiellement l’Europe et le littoral septentrional de l’Afrique.


Je fais l’hypothèse – pas entièrement farfelue – qu’après l’expansion de l’Empire romain la chrétienté s’est inspirée du symbole central de la cloche pour en faire un objet déterminant dans la constitution de sa communauté. Les moines irlandais et anglo-saxons qui évangélisèrent l'Europe continentale au VIème siècle furent les premiers à utiliser cet instrument pour rassembler leurs ouailles lors de leurs prêches.

Les cloches se caractérisent en effet par des propriétés acoustiques uniques liées à leur matériau de fabrication : le bronze, déjà découvert 3500 ans avant Jésus-Christ. Le bronze est un alliage composé d'environ 90% de cuivre et 10% d'étain. C'est le premier alliage entre deux métaux utilisé par l'homme. Ce qu’on appelait jadis l’airain a une résonance et une propagation du son très efficace. La cloche inversée confère à l'instrument des qualités acoustiques uniques, avec une réverbération et une portée sonore importantes. Les cloches produisent des spectres sonores bien organisés, avec des harmoniques et des intervalles caractéristiques, contrairement à un bruit de fond erratique.

D’ailleurs, la conception et le positionnement du clocher dans le paysage sont étudiés pour optimiser la propagation et l'écoute du son de la cloche dans l'environnement. Le son des cloches est également reconnaissable et identitaire. Il se distingue facilement des autres sources sonores dans une étendue. Ainsi leur forme et leur intégration dans l'environnement en font des marqueurs sonores puissants et identifiables.

Plus de deux millénaires après la naissance présumée du Messie, il semble qu’il y ait de plus en plus de Born again christians même dans la vieille Europe laïcisée depuis la fin du XVIIIème siècle.

Même si la foi ne fait plus recette, le symbole civilisationnel de la cloche est resté même dans la très laïque ex-fille aînée de l’Église. Ne dit-on pas :

  • « La France des clochers » ;
  • « sonner les cloches à quelqu'un » lorsqu’on le réprimande fortement ;
  • « déménager à la cloche de bois », pour se carapater en cachette ;
  • « se taper la cloche » lorsqu’on mange bien ;
  • « être sauvé par la cloche » pour éviter de peu une situation désagréable.
  • On parle aussi d’une « guerre de clochers » pour désigner une rivalité ou
  • « qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son » pour dire qu’on ne peut juger d'une affaire si on n'a pas entendu la version de chaque partie.

Les cloches des églises étaient autrefois utilisées comme système d'alerte pour signaler un danger avec le tocsin, une mort avec le glas, ou un événement majeur. Les croyances populaires accordaient même aux cloches, le pouvoir d’éloigner les intempéries ou les épidémies propagées par les démons habitant l'air. Ainsi certains sonneurs recevaient des pots-de-vin pour faire tinter les cloches, censées disperser les nuages et chasser les démons. Plusieurs sonneurs ont d’ailleurs été foudroyés pendant les orages du fait qu’ils tenaient la corde humide pour les actionner. Les cloches suspendues au cou des animaux étaient aussi censées avoir une vertu désinfectante.

Les cloches étaient aussi utilisées pour signaler sa présence devant un domicile ou pour annoncer que le repas était prêt. Ne parlons même pas des cloches en chocolat garnissant encore de nos jours, les étals des chocolatiers et autres pâtissiers, à l’approche de Pâques. Sans oublier la fameuse courbe de Gauss en cloche.

Bref, la cloche est un instrument et un symbole essentiels dans la culture européenne même plusieurs millénaires après son invention.
Ce symbole cardinal ne manquera pas d’être récupéré par le discours identitaire d'extrême droite.


Celui-ci se fonde sur un nationalisme ethnique et culturel qui rejette l'autre, perçu comme une menace. L'extrême droite défend une vision ethno-différentialiste des identités, opposant un « nous » à un « eux » menaçant. Elle théorise une « guerre des civilisations » entre l'Europe et l'islam.
L'extrême droite française associe étroitement l'Union européenne et la mondialisation à une menace identitaire, en particulier face à l'immigration et à l'islam. Elle dénonce l'immigration extra-européenne et l'islam comme des dangers pour l'identité française et européenne. Des groupes comme Génération Identitaire ont déjà mené des actions chocs pour refouler les migrants et lutter contre l'islam.

Certains courants de l'extrême droite, comme la Nouvelle Droite, prônent en revanche, un néo-paganisme ou un christianisme identitaire en réaction à l'islam. Ils cherchent à créer une religion propre aux populations blanches.

Le point de convergence des deux courants se trouve dans les référentiels culturels. C’est sans doute pour cela que même pour les plus athées d’entre eux, l’évocation d’une mythologie mêlant symboles païens, déjà récupérés antérieurement par l’église, ne constitue aucune difficulté.

Certaines associations organisent des pèlerinages ou des voyages de découverte pour soutenir les chrétiens d’Orient par exemple, participent à des collectes afin de rebâtir ou rénover des églises, migrent vers des pays d’Europe Centrale perçus comme moins poreux à l’immigration extra-européenne…

Même si l'antisémitisme et une certaine forme d’antisionisme, faux-nez de l’antisémitisme sont des thèmes récurrents du discours identitaire d'extrême droite accusant souvent les juifs de menacer l'identité française, il ne faut pas oublier qu’il y a souvent eu des convergences de vues entre les régimes suprémacistes blancs et un certain sionisme d’extrême-droite.

La conflagration actuelle à Gaza illustre le story-telling de l’extrême-droite israélienne laïque ou religieuse trouvant un écho de circonstance dans les discours des mouvements des droites européennes et même de la nébuleuse française prétendant être de gauche, centrée autour du « printemps républicain ».

En ajoutant à cela les intérêts convergents des anciennes puissances coloniales désormais puissances néo-coloniales d’une part et du gouvernement le plus à droite de l’histoire israélienne mené par Benyamin Netanyahou, d’autre part, on obtient un cocktail explosif.

Les personnes racisées perçues comme musulmanes et/ou arabes et tous leurs alliés objectifs perçus au mieux comme des idiots utiles, au pire comme des catalyseurs d’un nouvel ordre mondial transnational et libéral au sens social et civilisationnel du terme deviennent alors des cibles privilégiées aussi bien pour un pouvoir israélien aux abois que des gouvernements autoritaires en mal de légitimité démocratiques.

Ironie du sort, c’est au moment où l’affaiblissement diplomatique et militaire de la France est le plus prégnant (cf. le conflit entre la Russie et l’Ukraine) que se renforce la militarisation de l’espace public intérieur.

On comprends mieux dès lors comment Emmanuel Macron et le gouvernement de Gabriel Attal instrumentalisent la guerre d’éradication menée par le gouvernement Netanyahou pour tenter de capter l’électorat acquis à LR, au RN et à Reconquête tout en stigmatisant le seul opposant doté d’une colonne vertébrale politique, incarné par Jean-Luc Mélenchon. « Le Vieux » a bien compris ce qui se jouait dans les dernières années du second quinquennat de Macron. Même si ses interventions sont parfois intempestives pour capter la parole surtout depuis qu’il ne détient plus de responsabilité politique, il personnifie pour l’instant la seule personnalité de gauche susceptible d’avoir un score permettant d’entraîner une réaction en chaîne, empêchant les forces réactionnaires de triompher en 2027.

Les personnes racisées sont ainsi perçues comme une cinquième colonne prête à se venger des affres du passé colonial et sont associées aux Palestiniens et Palestiniennes lorsqu’elles ont l’outrecuidance de défendre les principes universels des droits humains, censés être la boussole de la République.

A l’été 2018, un prosélytisme politique construit patiemment par Netanyahou père et fils se concrétise à la Knesset par la « Loi Israël, État-nation du peuple juif ». Cette loi fondamentale grave dans le marbre le dispositif d’apartheid en Israël. Elle inspirera partiellement en France, la loi contre le séparatisme de l’été 2021. Pour les deux pays, la prétention est la même : préserver une identité nationale soi-disant menacée, en décrétant que certains citoyens sont plus égaux que d’autres.

La fable étatique et médiatique qui précède la criminalisation et la répression des soutiens à la cause palestinienne en faisant d’eux des soutiens du terrorisme par capillarité a là aussi une historicité coloniale et postcoloniale manifeste.

La boucle est ainsi bouclée en captant plus subtilement une propagande d’extrême droite bien rodée depuis le 11 septembre 2001 tout en donnant à voir à un électorat de plus en plus nationaliste, une répression sur mesure contre les boucs-émissaires du déclassement de la France. Car les personnes racisées n’ont pas encore de relais politiques substantiels pour avoir un impact sur les institutions de ce pays.

Nous constatons pour conclure qu’au long cours, Macron n’a jamais rompu avec les politiques discriminatoires de la Vème République à l’encontre des citoyens issus de l’ancien pré carré (post)-colonial et que sur un plan plus tactique, sa politique bonapartiste cynique est parfaitement calculable. Son discours emprunté à l’extrême-droite, parfaitement assumé – adjectif qu’il affectionne particulièrement – vise ainsi à brouiller les lignes, semer la confusion pour neutraliser ses adversaires politiques et orienter un électorat sonné par un septennat asphyxiant.

Il a réussi à faire un second quinquennat même si sa majorité demeure toute relative. Mais il ne désespère sans doute pas d’en faire un troisième en permettant au RN de l’emporter en 2027, pariant peut-être sur son retour en 2032 lorsqu’il aura 55 ans. D’après tout, qui sait ? Cinquante cinq ans, ce n’est pas si vieux pour être président de la République française.


Merci à toutes les personnes qui ont relu ce billet avant publication. Elles se reconnaîtront et je les salue cordialement.


1Derrick Contre Superman (Eine grosse Fünf) – extrait

2 Selon l'Insee, en 2015, 5 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en France, soit 8% de la population totale. Ce seuil de pauvreté est défini comme la moitié du revenu médian, soit 855 euros par mois.

En utilisant le seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian (1 026 euros par mois), ce sont près de 9 millions de personnes qui sont considérées comme pauvres en France, soit 14% de la population.

Les quartiers de la politique de la ville, qui concentrent une part importante des populations défavorisées, regroupent 4,8 millions de personnes en France métropolitaine.

On peut donc raisonnablement estimer qu'entre 5 et 9 millions de personnes, soit 8% à 14% de la population française, appartiennent aux classes les plus défavorisées du pays souvent concentrées dans des quartiers spécifiques.

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